Comment rentabiliser la 4G?

C’est la question que se posent les opérateurs télécoms. Belgacom a dégainé le premier en avril, avec une offre à 10 euros pour les particuliers. Base riposte en l’intégrant dans ses forfaits illimités.

Certes, elle n’est encore disponible que dans 15 villes du pays, comme Liège, Charleroi, Anvers ou Ostende. Mais la 4G de Base est bel et bien sur le marché. Ce lancement fait suite à celui de Belgacom en avril dernier. Le premier opérateur du pays a déjà déployé un réseau qui couvre une série de villes importantes, ainsi qu’une partie de la côte belge. Mobistar couvrira aussi une quinzaine de villes d’ici la fin de l’année, et annoncera une offre commerciale début 2014.

La 4G, c’est un nouveau standard technique qui promet aux consommateurs l’Internet mobile ultra-rapide, avec des vitesses de téléchargement 10 fois plus élevées que l’actuelle 3G, et quasiment équivalentes à celles de l’ADSL fixe.

Les opérateurs télécoms espèrent bien monétiser cette nouvelle technologie, qui nécessite des investissements conséquents. Mais ils ne sont pas forcément d’accord sur la stratégie à adopter. Chez Belgacom, l’accès à la 4G est inclus dans le forfait le plus costaud de l’opérateur : appels et SMS illimités, combinés à 5 GB d’Internet. Le tout pour 65 euros. Pour les autres catégories d’utilisateurs, moins gourmands, la 4G est proposée en option, avec 1GB de données supplémentaire, pour la somme de 10 euros.

Base a choisi une formule différente : la 4G sera incluse uniquement dans ses offres illimitées, dont la première démarre à 39 euros (appels et SMS illimités, 2GB de données mobiles). L’opérateur fait donc le pari que ses clients à d’autres forfaits plus légers souhaiteront passer à une formule illimitée, notamment en raison de la présence de la 4G. Mais Base se refuse pour l’instant à augmenter ses tarifs ou à proposer une option payante pour bénéficier de la 4G.

Des dizaines de millions d’euros pour les licences

Pour ceux qui pensaient que la 4G serait gratuite, c’est évidemment loupé. C’est que les opérateurs comptent bien rentabiliser les investissements qu’ils sont en train de consentir pour mettre leur réseau à niveau. Ils ont tout d’abord dû acheter les indispensables licences pour avoir le droit de déployer leurs antennes. Cette opération a coûté un total de 78 millions d’euros aux quatre opérateurs qui ont remporté les enchères en 2011 : Belgacom (20 millions), Mobistar (20 millions), Base (15 millions) et BUCD (22 millions), dont la licence sera exploitée par b.lite (anciennement Clearwire).

Les opérateurs n’ont pas fini de débourser puisqu’ils auront prochainement la possibilité de participer à de nouvelles enchères, portant sur les fréquences 800 Mhz. Autrefois utilisées pour la télévision analogique, ces fréquences délaissées pourraient permettre aux opérateurs de compléter leur réseau 4G, particulièrement dans les zones rurales, jusqu’à couvrir 99 % du territoire. Selon un rapport commandé par l’IBPT à Aetha Consulting, la valeur économique du 800 Mhz représente plus d’un milliard d’euros. Les opérateurs devront donc repasser à la caisse pour en profiter, pour une som-me estimée à 360 millions d’euros par le ministre de l’Economie Johan Vande Lanotte, comme le relataient nos confrères de Datanews.

Au prix de ces licences s’ajoutent les investissements nécessaires pour mettre le réseau mobile à niveau. Mobistar chiffre le montant de ses investissements dans la 4G à 150 millions d’euros pour atteindre un taux de couverture de 80 % à l’horizon 2015. Sans compter qu’à Bruxelles, les opérateurs seront probablement contraints de déployer 300 antennes supplémentaires afin de respecter les normes ultra-strictes fixées par les autorités.

Un produit pour les geeks

La mise sur pied de la 4G sollicite donc les finances des opérateurs… qui tablent forcément sur un retour sur investissement. Mais la difficulté consiste à convaincre les consommateurs de l’intérêt de cette nouvelle technologie, encore balbutiante. Pour séduire les particuliers, les opérateurs et les fabricants de smartphones mettent en avant les vitesses atteintes lors du surf sur Internet et du téléchargement d’applications Pour la lecture des e-mails, la consultation des réseaux sociaux ou la recherche sur Internet, la différence par rapport à la 3G ne sautera pas aux yeux. Par contre, la lecture de vidéos, y compris en haute définition, sera grandement facilitée. Il est même des opérateurs, comme Mobistar, qui rêvent, dans certains cas particuliers, de remplacer la connexion fixe livrant à domicile Internet, télévision numérique et ligne téléphonique, par une connexion mobile ultra-rapide.

Dans un premier temps, la 4G risque de convaincre essentiellement les geeks pendus à leur smartphone et gros consommateurs de données mobiles. “L’offre de Belgacom vise les early adopters”, estimait David Wiame, spécialiste télécoms chez Test-Achats, lors du lancement de la 4G de Belgacom. Pour le représentant de l’association de défense des consommateurs, le prix fixé à 10 euros pour l’option 4G n’est, à l’heure actuelle, pas adapté à l’offre proposée par l’opérateur : “Pour l’instant, la 3G suffit à la plupart des utilisateurs, commente David Wiame. D’autant que la 4G est limitée à quelques villes. Mais on peut espérer que le prix des forfaits diminue en même temps que les volumes augmentent, comme ça a été le cas pour la 3G.”

Belgacom est bien conscient des limites de l’offre actuelle. C’est la raison pour laquelle l’entreprise met le paquet sur l’amélioration de son réseau 3G, et le fait migrer vers la 3G+, censée être jusqu’à trois fois plus rapide que la 3G. D’après Dominique Leroy, patronne du département résidentiel chez Belgacom, la plupart des clients à l’Internet mobile seront, au cours des deux prochaines années, sur la 3G plutôt que sur la 4G. “La 4G ne représentera pas une proportion significative de nos revenus en 2013”, soulignait Dominique Leroy à l’occasion du lancement des nouvelles offres tarifaires de Belgacom.

Le juste prix

Les opérateurs tâtonnent encore pour fixer leurs offres commerciales. Confrontés à une perte de revenus sur les communications vocales, il ne parviennent pas à compenser en profitant de la hausse de la consommation des données mobiles. Rentabiliser la 4G est donc crucial pour reconquérir des marges qui s’effritent. Une offre trop basse risque de compromettre cette opération de reconquête. Une offre trop élevée risque de ne convaincre qu’une poignée de gros consommateurs. Pourtant, le gâteau en vue est alléchant. D’après ABI Research, la consommation mondiale de 4G augmentera de 207 % en 2013.

Cet article contient des extraits d’un dossier paru dans le Trends-Tendances du 11 avril 2013.

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