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Brussels, the city they love to hate

Il eût fallu l’écrire en néerlandais, mais l’expression ne passe absolument pas dans la langue de Vondel, semble-t-il, beaucoup moins que le “Bruxelles, la ville que la Flandre aime détester” que l’on pourrait écrire dans celle de Voltaire…

Il eût fallu l’écrire en néerlandais, mais l’expression ne passe absolument pas dans la langue de Vondel, semble-t-il, beaucoup moins que le “Bruxelles, la ville que la Flandre aime détester” que l’on pourrait écrire dans celle de Voltaire. Les récentes déclarations de Luc De Bruyckere, patron du Voka, l’association patronale flamande, et l’annonce par cette dernière de son déménagement dans la capitale belge l’an prochain, ont fort logiquement suscité une fameuse indignation par leurs relents colonialistes d’un autre âge. Non, le Congo n’est plus belge et Bruxelles ne saurait devenir une colonie flamande…

Celui qu’on qualifiait naguère de plus wallon des patrons flamands aime à souligner la méfiance qui grandit entre les communautés en Belgique. Comment s’en étonner, dans le chef des Bruxellois à tout le moins, quand lui-même prône une autonomie accrue pour les Régions tout en ajoutant que Bruxelles doit en être privé, au profit d’une tutelle par le fédéral et les autres Régions ? Si de trop nombreux francophones se sont longtemps obstinés, voire s’obstinent encore, à défendre une “Belgique de papa” qui ne subsiste plus que dans leur souvenir, un autre fantasme envenime le climat politique, venant du nord cette fois : la volonté de reconquête d’une ville prétendument “perdue”.

Non, Luc, Bruxelles n’est pas historiquement une ville flamande dans le sens “faisant partie de la Flandre”. On y parlait majoritairement flamand jusqu’au début du 20e siècle, c’est vrai, mais on parle la même langue – ou presque – à Utrecht ou encore à Prétoria… La Flandre historique s’arrêtait là où commençait le duché de Brabant, soit bien avant Bruxelles. Et si cette ville est devenue francophone, c’est par immigration wallonne plus que par pression sociale, contrairement à une autre affirmation fréquente. Si cette pression suffisait, Gand serait de longue date francophone.

La Flandre voudrait flamandiser Bruxelles, mais les Flamands la fuient. Contrairement aux Wallons, ils n’ont donc jamais migré vers la capitale. Résultat : ils n’y représentent globalement qu’un dixième de la population et infiniment moins en certains endroits. Dans le quartier de la place Dumon, à la limite de Woluwe-Saint-Pierre et de Kraainem, les commerçants accueillent plus de clients japonais que de flamands ! Si les Etats-Unis sont devenus anglophones, c’est que les colons britanniques l’ont emporté numériquement sur les populations locales, à l’inverse de ce que l’on a observé dans les colonies européennes en Afrique. On ne conquiert un pays ou une ville, ni avec la troupe, ni avec l’implantation d’institutions quelconques. Alors, le Voka à Bruxelles pour appuyer l’identité flamande de la ville, c’est vraiment pathétique.

Au moins l’immeuble occupé par l’institution patronale flamande n’échappera-t-il pas au précompte immobilier, contrairement aux implantations nordistes officielles. Car en plus, la Flandre ne paie guère pour “sa” capitale, notamment pour l’usage que font de ses routes et de son métro un quart de million de navetteurs. Ils rapatrient chaque année dans le nord du pays pour 17 milliards d’euros de salaires et y paient la totalité de leurs impôts. C’est ainsi que Bruxelles génère 8,5 % du PIB de la Flandre… tout en se morfondant dans un profil bas. Les récentes déclarations du patron du Voka vont-elles enfin changer les choses ? Il serait temps ! Merci, Luc…

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