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Bourses au top avant un flop?

C’est pas moi qui le dis, c’est Ben Bernanke. Le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) s’est effectivement exprimé vendredi dernier à Chicago devant une audience de banquiers et d’analystes financiers sur un ton qui laissait transparaître l’inquiétude. “Nous suivons de près les exemples de ‘recherche du rendement’ et les autres formes de prises de risques excessives qui peuvent affecter les prix des actifs et leurs relations avec les fondamentaux”, a-t-il affirmé.

Message sous-jacent : ne vous réjouissez pas outre mesure des records battus récemment par Wall Street ! Ils s’inscrivent dans un climat d’euphorie qui s’accompagne d’un nombre anormalement élevé de transactions sur des junk bonds, comme on les appelle (littéralement, des “obligations pourries”), où l’on pourrait percevoir quelques relents du douloureux épisode des subprimes.

Faut-il craindre une, voire des bulles ? C’est en tout cas ce que laisse entendre le patron de la Fed. Qui en serait lui-même responsable… ? En partie du moins : la politique monétaire actuelle de la Fed, dite “ultra-accommodante” et résultant dans une injection massive d’argent dans l’économie américaine, pousserait les banques non pas à prêter de l’argent aux entreprises, mais bien à spéculer sur des produits qui ne servent pas véritablement l’économie réelle. “Wall Street is back”, titre The Economist cette semaine… Mais il ajoute : “That is not necessarily good for America”, ce n’est pas nécessairement bon pour l’Amérique. Pourquoi ? Parce que si les titans de Wall Street (JP Morgan Chase, Goldman Sachs et Citigroup, qui comptent ensemble pour un tiers des revenus du secteur financier) dominent à nouveau la finance mondiale, ils seront aussi les premiers à faire les frais d’un krach futur. Un krach qui serait rendu possible aussi par la place importante qu’occupe à nouveau la “finance de l’ombre”, vocable par lequel on désigne le marché de l’intermédiation financière. Ces acteurs, qui se trouvent à l’extérieur du système bancaire et qui servent d’entremetteurs entre les acheteurs finaux et les vendeurs d’actifs financiers, animent les échanges en se servant au passage. S’ils sont moins nombreux qu’avant la débâcle de 2008, ils ont toutefois récupéré une place particulière dans le “système”… Mais personne ne sait comment ce “système” réagirait en cas de faillite de l’un d’eux.

Dans ce contexte, la Fed organiserait-elle un abandon progressif de sa politique monétaire non conventionnelle, qui injecte quelque 85 milliards de dollars par mois dans l’économie américaine via le rachat d’obligations ? C’est en tout cas ce que rapportait le Wall Street Journal, sans pour autant en préciser les modalités ni le calendrier. Mais l’annonce a suscité pas mal d’émoi, vu la fragilité persistante de l’économie mondiale. La tâche périlleuse de renverser la vapeur monétaire avant que des bulles ne surviennent et n’éclatent, et avant que l’inflation ne s’emballe, reviendra probablement au successeur de Ben Bernanke, son mandat s’achevant au mois de janvier prochain. Fameux examen d’entrée pour celui — ou celle, l’économiste Janet Yellen étant régulièrement citée — qui s’y collera !

CAMILLE VAN VYVE Rédactrice en chef adjointe

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