Zone euro: pourquoi les marchés boudent les plans de sauvetage

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Les investisseurs sont-ils schizophrènes? La spéculation contre l’euro explique-t-elle la chute des bourses et les tensions sur le marché obligataire? L’avis de Stanislas de Bailliencourt, gérant du fonds Sycomore Allocation Patrimoine, chez Sycomore AM.

Le plan d’aide à l’Espagne n’a pas fait grimper les marchés plus d’une demi journée avant qu’il ne repartent dans le rouge, comme l’a confirmé la nouvelle baisse de 0,55% du Cac 40 ce mercredi. Surtout, il n’a pas empêché les taux d’intérêt à long terme espagnols de toucher un nouveau sommet, entraînant au passage ceux de l’Italie. L’Europe prétendait pourtant frapper vite et fort en mettant 100 milliards d’euros sur la table. Et ce avant que l’Espagne n’ait vraiment calculé ses besoins. Sans doute son plan était-il trop imprécis dans sa première mouture. Mais, à la décharge des dirigeants européens, il est aujourd’hui de plus en plus difficile de plaire aux marchés tant ces derniers sont devenus schizophrènes. Ils exigent une réduction des déficits publics excessifs, mais s’alarment de voir que l’activité en pâtit. Ils veulent une recapitalisation des banques, mais s’inquiètent de la dégradation des comptes publics qui en résulte. Trends.be fait le point sur la psychologie des marchés, avec Stanislas de Bailliencourt, gérant du fonds Sycomore Allocation Patrimoine, chez Sycomore AM.

Les marchés veulent tout est son contraire. Sont-ils schizophrènes?

Ce qu’ils veulent surtout, ce sont des solutions crédibles et durables. Le plan d’aide de 100 milliards d’euros à l’Espagne manque de précisions. Et pas des moindres : quel est le vrai besoin de refinancement des banques ? Qui paiera quoi ? Une fois de plus, les hommes politiques donnent l’impression d’être en retard, de coller des rustines à la suite de sommets de la dernière chance. Cette façon de procéder ne concerne pas uniquement le dossier espagnol. Nous en sommes déjà à la troisième année de crise, or l’Europe a très peu avancé sur les vrais sujets. Par exemple, faut-il continuer à aider l’Irlande si elle fait du dumping fiscal ? Comment convaincre l’Allemagne de faire des eurobons sachant qu’elle profite actuellement de conditions exceptionnelles sur les marchés obligataires ? Et je ne parle même pas de la question des transferts agricoles, dossier sur lequel l’Europe commence à peine à parler ” gros sous “. En fait, l’Europe a prix la fâcheuse habitude de prendre les problèmes un par un sans vision d’ensemble.

L’Europe a pourtant mis beaucoup d’argent sur la table. On a aussi l’impression qu’elle a coché beaucoup de cases sur la liste des choses à faire pour éviter l’explosion de l’Union monétaire.

Ces cases sont à moitié cochées. En Europe, il s’écoule toujours beaucoup de temps entre les prises de décision et leur application sur le terrain. Prenez le FESF par exemple : il a fallu du temps pour mettre d’accord les Européens sur ce dossier. Comme prévu, le FESF fait des émissions de titres qui servent à secourir les pays européens en difficulté, mais le montant cumulé de ses émissions semble plus proche de 50 milliards que des 440 annoncés. Le MES semble mieux conçu. Mais ce système n’est pas encore clairement défini. Pourra-t-il prêter aux banques ? On ne le saura sans doute qu’après le sommet du 28 et 29 juin. Ce qu’il y a dans la tête des marchés est très simple : c’est une perte continue de crédibilité du pouvoir politique depuis deux ans. Qu’il s’agisse de la Grèce, de l’Espagne ou des institutions européennes. La seule exception, c’est la BCE. Celle-ci reste crédible aux yeux des marchés. En effet, elle fait ce qu’elle dit ; ses décisions sont rapides ; elles ne doivent pas être validées par de nombreux pays.

La spéculation contre la zone euro peut-elle expliquer le fait que les marchés ne semblent jamais satisfaits ?

Je ne nie pas la spéculation. Mais je ne pense pas qu’elle soit déterminante sur la période récente. La spéculation vient de deux types d’acteurs : les banques lorsqu’elles réalisent des opérations pour compte propre, et les hedge funds. Or à l’heure actuelle, les deux ont des difficultés financières. Difficile dans ces conditions de les pointer du doigt. J’ajoute que parier sur l’effondrement de la zone euro comporte des risques. Les marchés ont déjà beaucoup baissé. Si les bonnes décisions politiques sont prises, on risque d’avoir un rebond important sur les marchés, comme après les mesures de soutien aux banques décidées par la BCE. Or les investisseurs ne veulent pas rater cet éventuel rebond. En résumé, il y aura une grosse pression sur le sommet européen de la fin du mois de juin. Si les décisions restent floues, la baisse des marchés boursiers démarrée le 15 mars se poursuivra.

Par Sébastien Julian, L’Expansion

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