Une union bancaire européenne pour quoi faire?

José Manuel Barroso © AFP

En pleine crise bancaire espagnole, la Commission européenne a présenté mercredi son plan pour qu’à l’avenir les pouvoirs publics n’aient plus à renflouer les banques. Un premier pas vers l’union bancaire réclamée par la BCE. Trends.be fait le point.

La Commission européenne a proposé mercredi d’accorder aux autorités de régulation des prérogatives élargies pour traiter les dossiers de banques en situation de faillite, une étape de plus vers l’union bancaire qu’appelle de ses voeux la Banque centrale européenne pour assurer l’avenir de l’euro.

C’est quoi l’union bancaire?

L’idée – lancée récemment par Mario Monti – est sur toutes les lèvres depuis que Mario Draghi, le président de la BCE, a décidé de la soutenir. Très simplement, il s’agit de fournir un nouveau cadre réglementaire, défini à l’échelle européenne, destiné à prévenir et résoudre les faillites bancaires. Concrètement ce projet repose sur trois piliers: la surveillance centralisée, un mécanisme de résolution des faillites bancaires, et une assurance commune des dépôts des banques systémiques.

L’objectif du premier pilier est de mieux anticiper les risques en donnant notamment davantage de pouvoirs à l’Autorité Bancaire Européenne, ainsi qu’aux régulateurs nationaux.

Le deuxième pilier a pour vocation d’obliger les banques à se préparer à l’avance à un scénario catastrophe, en élaborant des plans de redressements bancaires, via des restructurations de leurs activités et éventuellement un changement de management. Selon le projet de la Commission, en cas d’insolvabilité d’une banque, “les autorités de surveillance pourront désigner un administrateur spécial” dont le rôle sera d’assainir les finances de l’établissement. Les autorités nationales auraient ainsi le droit de procéder à la vente ou à la fusion d’activités, de créer temporairement une banque provisoire pour assumer les fonctions essentielles, de procéder à une restructuration des dettes de la banque, ou de placer les actifs douteux dans une bad bank, de sorte que seuls les actionnaires et les créanciers soient mis à contribution.

Pour fonctionner, ce système nécessitera la création de fonds de résolution financés par les banques, dont le montant devra atteindre 1% des dépôts couverts dans un délai de 10 ans. Ces fonds n’auront pas vocation à renflouer ou à sauver des banques, mais uniquement à garantir une gestion méthodique des défaillances. C’est le troisième pilier du dispositif. Les Etats auront la possibilité de fusionner ces fonds avec les systèmes de garantie de dépôts. Mais contrairement à ce que réclamait la BCE, la Commission européenne n’a pas demandé à mutualiser les fonds de garantie des dépôts, ce qui aurait permis d’éviter la panique bancaire que l’on craint actuellement en Europe. Elle s’est en effet contentée de proposer que des interactions soient possibles entre les différents fonds nationaux.

Quelle en serait l’efficacité?

Il est peu probable que les nouvelles dispositions entrent en vigueur avant 2015, bien trop tard donc pour l’Espagne, qui risque de devoir solliciter une aide extérieure pour renflouer son système bancaire. “A court terme, il nous faut d’autres mesures”, a d’ailleurs déclaré ce mercredi Sharon Bowles, présidente de la commission économique et financière du Parlement européen, regrettant ainsi les cinq années qui se sont écoulées depuis le déclenchement de la crise des Subprime.

A long terme toutefois, l’utilité du dispositif ne fait guère polémique. Il s’agit d’éviter que les citoyens aient à payer la facture des futures crises bancaires. Comme le rappelle la Commission européenne, entre octobre 2008 et octobre 2011, 4500 milliards d’euros ont été injectés dans les établissements financiers européens, ce qui équivaut à 37% du PIB de l’Union européenne. Des mesures qui ont fortement pesé sur le contribuable, et grevé les dépenses publiques. Grâce à cette union bancaire, l’UE souhaite que les banques mettent en place les moyens de se restructurer elles-mêmes, ce qui permettrait de mieux anticiper les problèmes, et de ne pas pénaliser le contribuable.

“Aujourd’hui en Europe, la prévention et la résolution des crises bancaires repose encore sur un patchwork de dispositifs nationaux. Le problème, c’est l’absence filet de sécurité au niveau européen”, explique Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste à l’université Paris 1. Si un tel filet de sécurité – comprenant la réglementation prudentielle, la garantie des dépôts, et les prêts en dernier ressort de la BCE- est mis en place, les choses iront donc dans le bon sens. “En plus de mieux organiser les faillites bancaires, ce dispositif devrait en principe limiter le problème de l’aléa moral des banques”, ajoute notre économiste.

Febelfin favorable à une “union bancaire” européenne

La fédération belge du secteur financier (Febelfin) est globalement favorable à l’émergence d’une “union bancaire”, un concept qui fait l’objet d’intenses discussions entre les dirigeants européens. Sous réserve d’un examen plus approfondi, les banques belges sont globalement favorables à l’émergence d’une telle “union”. “Aujourd’hui, 82% des banques en Belgique ont leur centre de décision à l’étranger”, a rappelé à Belga l’administrateur-délégué de Febelfin, MichelVermaerke.Dans ce contexte, la perspective de règles européennes est accueillie plutôt favorablement. C’est le cas notamment au sujet des divers fonds bancaires pour la stabilité et la protection des dépôts. La Belgique a joué un rôle de précurseur en la matière, avec des contributions de 250 millions d’euros (pour la stabilité) et de 838 millions (pour la protection des dépôts) en 2012, souligne M. Vermaerke, qui chiffre à plus de 1,3 milliard la contribution totale du secteur aux comptes publics cette année. Sans règles européennes en la matière, il existe un risque de distorsion de concurrence, selon lui.

Qu’en pensent les autres Etats ?

Ils ont plutôt bien accueilli cette proposition, même les Etats les plus réticents. Pour le Royaume-Uni par exemple, l’initiative “représente une avancée positive pour s’attaquer aux problèmes des banques trop grosses pour faire faillite”, selon une porte-parole de Downing Street.

L’Allemagne, elle reste toujours défavorable à l’idée d’une mutualisation de la garantie des dépôts bancaires, comme l’a rappelé cet après-midi Berlin. Mais la Commission l’ayant volontairement écartée, Berlin a applaudi le principe d’une surveillance centralisée des banques. La Fédération allemande des banques (BDB) l’a d’ailleurs qualifié de “bonne chose” et de “seul moyen” de protéger la stabilité des marchés financiers des risques liés aux banques. Quant à l’Espagne, qui aurait grand besoin de ce mécanisme, elle y est complètement favorable.

Trends.be avec Belga et Julie de la Brosse, L’Expansion

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