Une taxe Tobin “light” pourrait être mise en ½uvre dès 2016

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Une dizaine de ministres européens des finances se sont mis d’accord pour taxer les transactions sur actions à partie de 2016. Au grand dam des banques, et des partisans d’une taxe élargie aux obligations et produits dérivés qui condamne un enterrement de la mesure.

“Une mesure contre-productive” clament les banques. “Un enterrement discret. Une pure opération de com’, peu avant les élections européennes”, commente de son côté l’eurodéputé Vert Philippe Lamberts. Les dernières décisions prises par une dizaine de ministres européens des Finances concernant l’instauration possible d’une taxe sur les transactions financières ont l’air de faire l’unanimité… contre elles.

De quoi s’agit-il ? Cette taxe, qu’on qualifie aussi de taxe Tobin, est un serpent de mer qui surgit épisodiquement depuis des mois. L’idée, initiée en 1970 par le prix “Nobel” d’économie James Tobin, était de taxer les transactions monétaires afin de calmer les opérations de pure spéculation sur le marché monétaire. Elle a été reprise par la Commission européenne en 2011 comme un des outils permettant d’éviter une nouvelle crise financière tout en contribuant au budget européen (la Commission estime qu’elle pourrait rapporter 36 milliards d’euros par an). La proposition prévoyait au départ de taxer à 0,1% les transactions sur les obligations et les actions, et à hauteur de 0,01% celles sur les produits dérivés. Le projet a toutefois provoqué des levées de bouclier dans de nombreux pays, le Royaume-Uni et Luxembourg en tête. Le projet a cependant été adopté par onze pays, dont la Belgique (au côté de l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie) selon le principe de la coopération renforcée. Un principe qui permet à plusieurs pays d’avancer sur certains sujets sans attendre qu’il y ait unanimité entre Etats-membres.

Pour tenter de bloquer le processus, le Royaume-Uni avait saisi la Cour européenne de Justice. Londres a toutefois été débouté le 30 avril, la Cour estimant qu’il était prématuré de s’opposer à ce qui n’est encore qu’une idée non concrétisée.

Du coup, la voie était libre pour avancer. Ce mardi, réunis en Conseil Ecofin, les grands argentiers européens, du moins la dizaine d’entre eux qui étaient d’accord pour avancer sur le sujet, ont réalisé un timide pas en avant en se déclarant prêt à instaurer une taxe Tobin dès 2016. Mais une taxe “light”, car elle ne porterait que sur les actions et ne rapporterait au mieux que 4,6 milliards d’euros contre les 36 milliards prévus initialement. On n’exclut pas de parler aussi d’une taxe sur les dérivés plus tard dans l’année. Sans autre précision. Lors de l’Ecofin de mardi, certains grands argentiers dans le clan “anti Tobin” étaient d’ailleurs très énervés du peu de détails fournis. Le contenu de l’accord et l’impact sur les pays européens, tout cela tenait sur une feuille A4 !

Ainsi, on ignore encore les modalités d’application. Où et comment cette taxe serait appliquée ? Si l’on décide que c’est dans le pays où s’est déroulée la transaction, il suffirait aux banques de délocaliser ces opérations dans des pays où cette taxe ne sera pas d’application, comme le Luxembourg ou le Royaume-Uni. Pour éviter cela, la taxe s’appliquerait d’office aux titres émis par une société européenne, où qu’ils soient échangés. Mais comment mettre cela en pratique ? Est-ce réalisable ? “Il y a encore un bout de route à franchir avant de mettre cette taxe en place” conclut le commissaire européen en charge des matières fiscales, Algirdas Semeta.

Pierre-Henri Thomas

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