Un infiltré chez les “banksters”

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Ancien correspondant du “Monde” à Londres, fin connaisseur de la City, auteur de plusieurs ouvrages sur le monde de la finance, le journaliste Marc Roche a enquêté sur l’univers obscur des “banksters”, ces banquiers aux méthodes de gangsters. Morceaux choisis.

“Tout était sous mes yeux mais je n’ai rien vu !” Notre compatriote Marc Roche l’avoue. Lui le journaliste chevronné, ancien du Soir, correspondant du Monde à Londres pendant plus de 20 ans, chargé à ce titre de couvrir la City, déjà auteur d’une implacable enquête sur Goldman Sachs, il n’a rien vu venir. Aveuglé. Dupé durant de nombreuses années : “Je suis un libéral qui doute, un déçu du capitalisme, un angoissé de l’avenir.”

Car les choses n’ont pas vraiment changé depuis la chute de Lehman Brothers en 2008. “La culture bancaire est restée la même”, assène-t-il, répondant à nos questions à propos de son dernier livre “Les bankstsers : voyage chez mes amis capitalistes”.

Un ouvrage qui nous plonge au coeur de cet univers de banquiers peu scrupuleux. Un univers dominé par l’appât du gain, l’opacité, les relais politiques et l’absence de remords. En voici quelques passages les plus saillants.

Extrait 1 Les traders mènent toujours le bal

Aux Etats-Unis, le bilan des quatre premières banques — JP Morgan, Bank of America, Citigroup et Goldman Sachs — représente la moitié du PNB américain et plus de trois fois celui de la France. Aujourd’hui, les 10 plus grands établissements des Etats-Unis contrôlent plus de 50 % des actifs bancaires, contre 30 % dans les années 1980. (…) Cette taille excessive est d’autant plus dangereuse que la structure des banques n’a fondamentalement pas changé. Comme avant la crise, les traders continuent de mener le bal. Au sein de ces conglomérats offrant l’ensemble des services financiers, cohabitent deux faces le plus souvent antagonistes.

La première, la plus importante en termes d’effectifs, est fondée sur les rapports personnels avec les clients, des liens marqués par la civilité, le donnant-donnant et le respect d’un minimum d’éthique. Les fusions-acquisitions, les introductions en Bourse, la levée de capitaux ou la gestion de patrimoine relèvent par exemple de cette culture. C’est la banque “vanille”, comme on dit à Londres à propos du sexe pas très imaginatif : prudente, consensuelle, simple. L’esprit d’équipe l’emporte sur les commodités personnelles. (…) Le second aspect est l’activité de trading. Grâce à des transactions dans lesquelles le prix, le volume et la rapidité importent avant tout. Les liens avec les institutions financières partenaires par téléphone ou e-mails sont impersonnels et conflictuels. Le trader est par définition un individualiste forcené, peu loyal envers ses collègues et l’entreprise. Son seul objectif est de faire rapidement du chiffre pour gonfler sa prime de fin d’année. Immédiatement et quelle que soit la méthode. C’est la spéculation sans entraves.

Retrouvez tous les autres extraits dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

Sébastien Buron

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