Un contrepoids important aux actions

ECB-voorzitter Mario Draghi © Reuters

La faiblesse des taux obligataires décourage de nombreux investisseurs d’y placer leurs deniers. A tort, selon les spécialistes en la matière, qui insistent sur l’importante de la diversification.

Les marchés obligataires ont connu une année globalement positive. Au sein de la zone euro, les pays de la périphérie ont profité du regain d’appétit des investisseurs pour leurs émissions. Grâce à la quête désespérée de rendement et aux commentaires de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), qui a assuré qu’il mettrait tout en oeuvre pour maintenir l’euro à flot. L’Irlande démontre à quel point le sentiment par rapport à la périphérie a changé : le pays est parvenu à regagner la confiance des marchés financiers. Cela dit, cette année, l’Espagne a également opéré un véritable come-back : elle a progressé considérablement dans le processus d’assainissement de son secteur bancaire et dans la réforme structurelle de son économie. Le Portugal forme une exception notable, qui n’est toujours pas parvenu à convaincre les marchés financiers.

Selon Carl Vermassen, gestionnaire de fonds chez Petercam, le Portugal pourrait faire office de facteur déstabilisateur en 2014. Il déconseille par conséquent les obligations étatiques portugaises. “Le sentiment positif entourant la zone euro actuellement peut subsister encore un moment, mais ce n’est pas garanti. La croissance est en effet toujours molle et la dette de certains pays tels que le Portugal et l’Espagne n’est pas encore tout à fait sous contrôle. Si la reprise de la zone euro a des ratés, le climat pourrait rapidement s’assombrir”, prévient Carl Vermassen. Pour se prémunir contre une nouvelle flambée de la crise de l’euro, les obligations d’Etat allemandes – les Bunds – peuvent constituer un matelas utile pour le portefeuille. “Les Bunds ne s’achètent pas pour leur rendement mais pour la couverture qu’ils offrent contre la crise de l’euro. Les investisseurs doivent considérer le rendement extrêmement faible comme une prime d’assurance”, conclut Carl Vermassen.

Diversification Dans le sillage des obligations publiques, le rendement des obligations d’entreprises a également baissé. Peter De Coensel, qui gère chez Petercam le volet Obligations d’entreprises à haut rating de solvabilité (investment grade), constate qu’un nombre croissant d’investisseurs réduisent la pondération des obligations à haut rating de solvabilité de leur portefeuille car ils pensent – à tort – que celles-ci sont insuffisamment porteuses. Il replace cependant la faiblesse des taux dans une perspective historique. “Au cours des 140 dernières années, le taux des obligations à 10 ans de l’Etat américain a oscillé entre 2 et 4 % en moyenne. Les niveaux actuels des taux ne sont dès lors que normaux en comparaison avec les niveaux élevés qui prévalaient dans les années 1980 et 1990.” En délaissant les obligations à haut rating de solvabilité, les investisseurs se privent cependant d’une forme importante de diversification par rapport aux actions, plus volatiles.

Andy Howe, spécialiste du segment obligataire auprès de l’émetteur de fonds Fidelity, prêche lui aussi les vertus de la diversification. “Les obligations occupent une place importante dans tout portefeuille judicieusement pondéré, assure Howe. Les coupons constituent une source non négligeable de revenus, et grâce à leur moindre volatilité, les obligations représentent un bon contrepoids aux actions.” Andy Howe souligne également les fondamentaux solides du marché actuel des obligations d’entreprises. “Les marges bénéficiaires des entreprises sont particulièrement élevées et le taux de couverture des paiements d’intérêts ressort en moyenne à 4 (les revenus opérationnels couvrent quatre fois les paiements d’intérêts dus, Ndlr). Le default rate _ nombre de faillites _ est du reste historiquement faible et le restera, compte tenu de la vague de refinancements bon marché qui a déferlé ces dernières années”, affirme Andy Howe.

Les investisseurs en obligations doivent cependant s’adapter à l’évolution de la situation, selon lui : croissance économique molle suppose qu’on privilégie les entreprises stables ayant une solvabilité élevée. Il conseille d’étaler les échéances des emprunts et de prendre en portefeuille plusieurs obligations liées à l’inflation. “Nous privilégions les obligations allemandes et américaines liées à l’inflation, dans la mesure où nous anticipons une recrudescence inflationniste.” Les obligations françaises liées à l’inflation sont à écarter du fait que ce risque est plus faible dans l’Hexagone, faiblesse de l’économie oblige.

Rendement élevé Les obligations à rendement élevé (celles émises par des sociétés jouissant d’une note de crédit inférieure) ont enregistré une année particulièrement porteuse. De l’avis de Bernard Lalière, spécialiste des obligations à rendement élevé chez Petercam, 2013 fut le meilleur cru de leur histoire, les nouvelles émissions d’obligations à haut rendement ayant totalisé 60 milliards d’euros. Tout comme la gamme de ces outils, la demande des investisseurs a aussi progressé de manière sensible. Bernard Lalière attribue ce phénomène à la disparition des craintes de récession, à la hausse des marchés boursiers et à l’amélioration notable de la solvabilité générale du segment highyield du marché obligataire. Celui-ci est actuellement dominé par les entreprises créditées d’un rating BB _ la note la plus élevée du segment à haut rendement _, alors que les entreprises notées ‘CCC’ ne représentent guère plus de 10 %. De nombreuses entreprises highyield ont exploité la faiblesse des taux pour refinancer leurs dettes bancaires et leurs obligations en circulation. Seule une minorité des capitaux est affectée au paiement de dividendes ou à des acquisitions. Ce qui contraste nettement avec les années qui ont précédé la crise financière, lorsque les emprunts contractés servaient surtout à financer des acquisitions coûteuses.

L’amélioration de la qualité générale des obligations à haut rendement ne signifie pas pour autant que les investisseurs puissent baisser la garde. Le gros danger des obligations à coupon élevé se situe en période de crise, où il n’est pas rare qu’elles se négocient au rabais, à supposer qu’elles trouvent acquéreur. Bernard Lalière recommande dès lors aux investisseurs de donner leur préférence aux entreprises créditées BB et surtout à celles qui pourront prochainement prétendre faire partie du segment investment grade. Et de donner quelques exemples : ArcelorMittal, Fiat Industrial (CNH), Heidelberg Cement et Lafarge. Il ajoute que certaines entreprises exploitent actuellement la relative faiblesse des taux pour relever leur taux d’endettement de manière agressive, notamment pour pouvoir reverser davantage de liquidités aux actionnaires. Ces entreprises sont dès lors plus vulnérables en cas de correction des marchés.

Hausse des taux La crainte d’un relèvement monétaire étreint de nombreux investisseurs. Aux Etats-Unis cette année, les taux ont flambé lorsque Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, a évoqué un possible allègement des mesures de soutien de l’économie (rachat d’obligations permettant de maintenir les taux longs à un niveau artificiellement bas). Si les taux prennent de la hauteur, les cours des obligations existantes s’orientent dans la direction opposée. Plus l’échéance de vos obligations est éloignée, plus leur rendement est faible et plus elles sont sensibles à une hausse des taux.

Andy Howe relativise cependant le risque de hausse des taux. “Par le passé, comme en 1994, en 1999 et en 2004, les relèvements monétaires n’ont eu qu’un impact somme toute limité sur le rendement des portefeuilles obligataires. Le réinvestissement de coupons et de capitaux venant à échéance contribue à compenser les pertes de cours initiales”, note-t-il, ajoutant que par le passé, lors d’une hausse de taux de 2 %, un portefeuille diversifié d’euro-obligations avait récupéré les pertes accusées au bout de trois ans et demi. Le mot d’ordre, ici encore, est la diversification ; assurez-vous que les échéances de vos obligations soient échelonnées dans le temps de manière à pouvoir réinvestir régulièrement des capitaux frais au taux relevé.

Mathias Nuttin

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