Tous les coups sont-ils désormais permis pour le fisc ?

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Un récent arrêt de la Cour de cassation relatif à l’usage de preuves illégales par le fisc pose question. L’avis d’Adrien Masset, avocat spécialisé en droit des affaires.

C’est un beau petit pavé dans la marre que vient de jeter la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu le 22 mai dernier, elle estime en effet que “l’utilisation par l’administration d’une preuve obtenue par des méthodes illégitimes doit être confrontée aux principes de la bonne gouvernance et au droit à un procès équitable.” En d’autres mots, le fisc peut désormais utiliser des preuves obtenues de manière illégale. De quoi surprendre les avocats spécialisés en droit des affaires.

Arbitraire

“Dorénavant, le fisc qui est lui-même partie prenante à un procès pourra se délivrer des preuves irrégulières, déplore Adrien Masset, avocat spécialisé en droit pénal financier. Il faudra bien sûr voir de quelle manière ces preuves ont été obtenues, si c’est par inadvertance, par bourde d’un fonctionnaire ou si des règles ont été délibérément violées. En tout état de cause, ce n’est pas un message porteur pour la démocratie. Plus un dossier sera important, plus il sera possible de s’asseoir sur les textes de loi. Pour le dire autrement, ceux-ci fléchiront à l’aune des affaires les plus exceptionnelles. La notion de procès équitable en matière fiscale avancée par la Cour de cassation pour justifier sa décision sera à l’avenir toute relative.” Selon lui, l’équité n’est pourtant pas une notion univoque. A partir de combien d’euros en effet l’administration pourra-t-elle et se saisir illégalement de preuves ? On peut se poser la question.

KB Lux, HSBC…

Du côté des services de l’administration, on se veut néanmoins rassurant. Pas question d’utiliser n’importe quel moyen pour obtenir des informations sur un contribuable. “Cette possibilité exceptionnelle ne sera utilisée que dans des cas exceptionnels, affirme Florance Angelici, porte-parole du SPF Finances. Il appartiendra au juge de décider si l’intérêt général, c’est-à-dire la lutte contre la fraude, l’emporte sur l’intérêt particulier du prévenu. Nous continuerons donc à travailler de la même façon, c’est-à-dire avec la volonté de toujours respecter les procédures.” Comme le sous-entend Adrien Masset, on ne voit pas pourquoi le fisc se priverait d’essayer d’exploiter au maximum ce nouveau pouvoir. Surtout à l’heure où la lutte contre la fraude est non seulement devenue une question de justice sociale, mais aussi un véritable enjeu budgétaire. À titre d’exemple, “cela pourrait avoir une incidence dans le cadre de certains dossiers fiscaux et pénaux liés à l’affaire HSBC, sachant que les informations recueillies par le fisc en provenance de France et de Suisse ont été volées et ont circulé à travers l’Europe.” Cela n’aurait rien changé par contre dans le cadre de l’interminable procès KB Lux, complète Adrien Masset, avocat de la défense qui y a obtenu gain de cause face à l’État partie civile et face au parquet. “Bien au-delà de certaines preuves qui ont été jugées irrecevables, il y a carrément eu tromperie envers les juridictions. L’instruction a tout simplement été menée de manière déloyale.” Bref, au-delà de la validité des preuves, des erreurs ont été commises par les magistrats.

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