Taxe Tobin : un idéal réduit à peau de chagrin ?

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La célèbre taxe Tobin, remise à l’honneur par le mouvement altermondialiste, pourrait bien voir le jour à l’occasion du G20. Mais dans une version européenne… voire uniquement franco-allemande.

G20 : les ONG plaident pour la taxe sur les transactions financières

Les ONG des pays du G20 ont insisté mercredi, auprès de Nicolas Sarkozy, pour que le sommet de Cannes, jeudi et vendredi, permette l’adoption dans certains pays “pionniers” d’une taxe sur les transactions financières pour financer le développement dans les pays pauvres.

“L’important, c’est qu’il y ait à Cannes une affirmation double : d’abord, que la taxe ne soit pas bloquée par certains pays, sachant qu’il n’y aura de toute façon pas de décision unanime du G20 à ce sujet ; ensuite, que les fruits de cette taxe bénéficient effectivement au développement”, a rapporté Luc Lamprière, directeur général d’Oxfam France.

“Le président Sarkozy a fait la promesse de mettre en place des financements innovants à la fin de l’année : il faut que ces promesses soient honorées à Cannes, c’est le moment de vérité pour la France et le G20”, a renchéri Friederike Röder, de One France, après leur échange avec Nicolas Sarkozy.

Avatar de la “taxe Tobin” portée par le mouvement altermondialiste, la taxe sur les transactions financières et, plus généralement, la question des financements innovants pour le développement, a été inscrite à l’ordre du jour du G20 par Nicolas Sarkozy mais fait l’objet d’une opposition catégorique de la part de certains pays comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Hormis la France, seule l’Allemagne a annoncé sa décision de mettre en place unilatéralement cette taxe. En suggérant en pleine crise des dettes souveraines que le produit de cette taxe puisse être affecté au désendettement, Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont toutefois jeté le trouble sur sa portée et inquiété les ONG.

Le G20, possible rampe de lancement d’une taxe Tobin… européenne

Le sommet du G20 à Cannes devrait permettre de poser les bases d’une taxe sur les transactions financières mais, devant l’hostilité des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, son périmètre se réduira, au mieux, à un noyau dur formé autour de la zone euro.

Nicolas Sarkozy fera “tout” pour que ce G20 présidé par la France fasse “bouger les lignes”, a assuré lundi Henri Guaino, conseiller spécial du président français : “C’est un sujet capital, à la fois pour la réforme de la finance et pour trouver de l’argent” afin de “combattre la misère”.

Pour autant, Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances dont le pays est très favorable à cette taxe, a déjà envisagé une solution de repli : “Si le G20 devait être utilisé comme une excuse pour ne rien faire, alors je suis favorable à ce que l’on aille de l’avant en Europe”, a-t-il prévenu cette semaine.

De la “taxe Tobin” à la “taxe sur les transactions”, en passant par l'”impôt mondial de solidarité”

Portée par la mouvance altermondialiste, l’idée d’une taxe sur les transactions financières, avatar de la “taxe Tobin”, a prospéré avec la crise de 2008. “Nous y tenons beaucoup”, a encore assuré Nicolas Sarkozy aux côtés de la chancelière allemande Angela Merkel, le 23 octobre.

Dans l’esprit du prix Nobel d’économie américain James Tobin, la taxe qui porte son nom devait être un moyen de freiner les “allers et retours” spéculatifs de très court terme sur le marché des devises, en imposant très faiblement les transactions. C’est un éditorial d’Ignacio Ramonet, Désarmer les marchés, publié par le mensuel Le Monde diplomatique en décembre 1997 et suivi de la création du mouvement altermondialiste Attac, qui en a ressuscité l’idée.

Rebaptisée “impôt mondial de solidarité”, la taxe Tobin version altermondialiste avait pour objectif l’aide au développement. La formule qui sera débattue jeudi et vendredi lors du sommet des 20 principales économies avancées et émergentes à Cannes, est à mi-chemin.

La nouvelle taxe financerait bien le développement mais contribuerait aussi, au coeur de la crise des dettes publiques, au désendettement des pays qui la lèveraient. Pour Nicolas Sarkozy, il s’agirait d’un juste retour des choses, une “obligation morale”. Estimant que le “système financier n’a obéi à aucune règle” pendant la crise, le président français y verrait un moyen de le contraindre “à assumer ses responsabilités”.

Paris et Berlin sont parvenus à convaincre la Commission européenne, qui entend inscrire le sujet au menu des discussions des 27 dans les prochains mois. Bruxelles estime que la taxe pourrait générer 55 milliards d’euros de revenus annuels. Les garanties publiques au secteur financier ont atteint 4.600 milliards d’euros ces trois dernières années, “il est temps qu’en retour, le secteur financier apporte sa contribution à la société”, a fait valoir José Manuel Barroso, président de la Commission.

Toute une série de puissances économiques, y compris européennes, y sont cependant farouchement opposées, à commencer par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, mais aussi la Chine, la Russie et la Suède. Le grand projet d’une taxe mondiale pourrait ainsi se réduire comme peau de chagrin à l’Europe et, plus vraisemblablement encore, à la zone euro voire au couple franco-allemand.

Elle n’a guère besoin d’être universelle pour voir le jour, a cependant jugé le milliardaire philanthrope Bill Gates, qui viendra présenter en personne à Cannes un rapport sur le développement demandé par la présidence française du G20.

Trends.be, avec Belga

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