Stress tests, crédits structurés… Dexia essaie de désamorcer deux bombes

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Depuis des mois, les actionnaires de Dexia, à savoir les Etats belge, français et luxembourgeois, se demandaient pourquoi le groupe en liquidation devait être traité par les régulateurs comme une banque normale.

La question n’était pas innocente en cette période où la Banque centrale européenne (BCE) fait passer un examen sévère aux principales banques européennes. Les banques sont à la fois soumises à une sévère revue de la qualité de leurs actifs et à un stress test qui consiste à voir comment elles se comportent en situation de graves tensions économique et financière. Aujourd’hui, Dexia suit la feuille de route qui a été validée par la Commission européenne après la deuxième recapitalisation du groupe intervenue en 2012. Sans crise majeure, la banque devrait disposer de suffisamment de capital et les contribuables belges, français et luxembourgeois ne devraient pas une nouvelle fois remettre au pot. Cependant, on sait, pour l’avoir vécu en 2008 puis en 2011, que Dexia est particulièrement vulnérable à un choc obligataire.

Avec un bilan de 237 milliards fin mars, et des fonds propres durs (common equity tier one dans le jargon) de 9,1 milliards, la banque présente certes un solide ratio de solvabilité en temps normal (plus de 16%). Toutefois, elle n’est pas véritablement à l’abri d’une recapitalisation si les marchés sont pris de fortes turbulences. Fallait-il donc obliger Dexia à renforcer préventivement son capital ? Finalement, non. Dexia bénéficiera de la clémence des examinateurs de la BCE. “Dexia est très spécifique. C’est le seul établissement en gestion extinctive. Quel est l’intérêt d’avoir pour cet établissement un jeu de stress tests avec des scénarios extrêmes”, observe Robert Ophèle, sous gouverneur à la Banque de France, qui confirme ainsi que Dexia passera des tests allégés.

Une inconnue à 17 milliards Mais une inconnue subsiste encore sur les crédits “toxiques” de la banque franco-belge, ces crédits structurés parfois à hauts risques (comme ceux indexés sur les prix pétroliers ou le franc suisse), octroyés à des communes, des départements ou des hôpitaux français. Voici plus d’un an, le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par sept collectivités, avait condamné Dexia à ne pouvoir toucher sur ces crédits que le taux légal, à savoir 0,04% aujourd’hui. Les juges avaient estimé que Dexia aurait dû, dans le fax confirmant ces opérations (il ne s’agissait pas du contrat en tant que tel), mentionner certains éléments, et surtout le TEG (taux effectif global). Or, ce manquement apparaît dans la plupart des crédits structurés produits par Dexia. Du coup, les procédures se sont multipliées (plus de 200 clients sur 5.000 ont déjà saisi la justice) et il existe un énorme risque, pour Dexia mais surtout pour la SFIL/CAFILL, propriété de l’Etat français. La SFIL est en effet la nouvelle banque des communes françaises qui a repris 10 des 12 milliards d’euros de crédits structurés de Dexia.

Un rapport parlementaire estime ce risque à 17 milliards d’euros, un risque reposant quasi exclusivement sur la France. Certes, la Belgique est actionnaire à 54% de Dexia, mais il est peu probable qu’elle consente à payer pour des crédits commercialisés exclusivement en France, note le rapport. Ces 17 milliards de risque maximal se déclinent en 7 milliards pour la SFIL, 3 milliards pour Dexia et 7 milliards de frais indirects. Car si ces risques se matérialisent, il faudrait naturellement recapitaliser Dexia et surtout la SFIL. Or contrairement à Dexia, la SFIL est une banque opérationnelle. Dès lors cette aide d’Etat devrait être notifiée à la commission européenne, qui ne manquerait pas d’imposer ses conditions à ce sauvetage. Ainsi, très vraisemblablement, l’Europe exigerait la mise en extinction de la SFIL. Or, la SFIL perçoit des revenus non négligeables sur la production de nouveaux crédits aux collectivités (des revenus qu’elle partage avec la Banque postale). Une mise en extinction signifierait donc la perte de ces revenus, mais aussi une baisse de la note financière de la SFIL. Et donc, un cout de financement plus élevé.

On le voit, ces crédits structurés constituent une sacré bombe, qui explique que Paris a fait passer voici une dizaine de jours une loi spéciale. Elle ne cible que les crédits octroyés à des personnes morales de droit public et dit en substance qu’il n’est pas obligatoire de mentionner le TEG sur la confirmation de ces opérations. Tout est bien donc ? Oui, sinon que les collectivités françaises ne l’entendent pas de cette oreille. Elles comptent saisir à nouveau le conseil constitutionnel français. Elles l’avaient déjà fait une première fois avec succès puisque la première mouture de la loi avait été recalée fin de l’an dernier. Cette fois, la copie gouvernementale sera-t-elle acceptée ?

Pierre-Henri Thomas

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