Sauvetage des banques US : une réussite, vraiment ?

© Reuters

Alors que les Etats-Unis ont enterré dimanche le plan de sauvetage du secteur financier, la Maison-Blanche ne s’est pas privée de vanter son faible coût pour le contribuable. Mais aux yeux de la population, le traitement de faveur dont ont bénéficié les grandes banques reste impardonnable.

Le plan américain de sauvetage de la finance est officiellement arrivé à son terme dimanche à minuit. Le programme de 700 milliards de dollars, probablement l’un des dispositifs les plus impopulaires auprès de l’opinion américaine, ne sera pas regretté. Il n’a pourtant pas que du mauvais ce “Troubled Asset Relief Program”, ou TARP, pour les intimes. Aux dires du secrétaire au Trésor, Tim Geithner, il s’agit même d’un “des programmes d’urgence les plus efficaces de l’histoire de la finance”. Bien que le plan ait été adopté par George Bush, c’est l’administration actuelle qui se retrouve à défendre son bilan, tâche d’autant plus ingrate que la situation économique ne cesse de se détériorer.

“Pas juste mais nécessaire”

De fait, peu d’économistes contestent que le plan a permis de stabiliser le système financier américain et d’éviter une catastrophe économique de l’ampleur des années 30. “Ce n’était pas juste mais c’était nécessaire”, avouait déjà le secrétaire au Trésor en avril. Si le gouvernement n’avait pas massivement injecté des capitaux, “un ‘crunch’ de liquidités aurait jeté les Etats-Unis et le monde dans le chaos”, explique le blogueur Grim’s Hall. “AIG, Citigroup et Bank of America se seraient effondrées, confirme dans le Financial Times l’un des conseillers à l’automobile de Barack Obama, Steven Rattner. S’en serait suivi un run bancaire et l’évaporation du crédit”.

Deuxième argument mis en avant par le gouvernement : le plan ne coûtera finalement pas très cher aux Américains. 700 milliards de dollars était certes un montant difficile à avaler. Or le Trésor n’en a finalement utilisé que 387 milliards. Et sur cette somme, il en a d’ores et déjà récupéré 200 milliards, à quoi s’ajoutent 25 milliards dollars d’intérêts, de dividendes et de bénéfices divers. Pour le reste, le Trésor a multiplié les annonces récemment, indiquant poursuivre son désengagement de Citigroup, dont l’Etat devrait sortir gagnant, et affirmant être certain de récupérer l’argent avancé à l’assureur AIG, dont le plan de remboursement est pourtant pour le moins obscur. Ainsi, la perte de l’Etat au titre du TARP serait finalement inférieure à 50 milliards, selon les derniers calculs du Trésor. Les estimations les plus optimistes assurent même que le plan raportera aux contribuables.

Le cadeau aux banques

Mais le gouvernement a beau souligner aussi bien la nécessité que le faible coût du plan, il y a une chose que les Américains ne lui pardonnent pas : d’avoir laissé les banques s’en sortir sans exiger la moindre contrepartie de leur part.

“Voir les architectes du Krach se remplir les poches avec des bonus obscènes pendant que les autres ont perdu leur travail ou sont inquiets pour leur avenir n’aide pas”, résume Chris in Paris sur Americablog. Le cas d’AIG demeure un symbole de l’indulgence sans bornes dont l’Etat a fait preuve vis-à-vis des établissements financiers. L’injection de 185 milliards de dollars de fonds publics n’a en effet pas empêché la compagnie d’assurance, en partie responsable du gonflement de la bulle des CDO, de s’accorder 165 millions de dollars de bonus en 2009 et 100 millions en 2010.

Au delà de la question des primes, le TARP n’a surtout rien fait pour protéger les propriétaires en difficulté. Résultat, les procédures de saisies immobilières ont atteint en août leur plus haut niveau depuis plus de cinq ans. A en croire la Fed, elles devraient continuer d’augmenter jusqu’en 2011. Il faut dire que les grandes banques ne font pas de cadeaux à leurs clients. Trois des plus grands organismes de crédits américains, dont Bank of America et JP Morgan, ont en effet reconnu la semaine dernière avoir procédé à des saisies immobilières sans avoir suivi “les procédures correctes”.. Et ce dans la très grande majorité des cas. L’affaire a commencé à faire grand bruit lorsque l’ancien organisme de crédit de General Motors GMAC, aujourd’hui rebaptisé Ally Bank, a admis des “erreurs de procédure” dans la signature de déclarations requises pour certaines saisies, et le fait que ces documents avaient parfois été signés “sans connaissance personnelle du dossier”.

A plus long terme, c’est la possiblité d’une vraie réforme en profondeur du système financier qui a été sacrifiée par un plan de sauvetage excessivement généreux. “Obama n’a pas changé la structure et les motivations de Wall Street quand il en a eu l’opportunité, début 2009, regrette ainsi Simon Johnson, l’ancien économiste en chef du FMI. Le temps que l’administration mette en place sa réforme financière, les banques étaient de nouveau en pleine forme et prêtes à dépenser des sommes illimitées pour préserver leur droit de prendre des risques exorbitants”.

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que les démocrates, bien que soucieux de mettre en avant l’utilité du programme de sauvetage, se gardent de trop vanter ses résultats.

Laura Raim, L’Expansion.com

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