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Ruling fiscal et exonération des plus-values… rien de neuf sous le soleil

Le Luxembourg pratique un “ruling” fiscal en faveur d’entreprises multinationales, dont des belges. Marc Coucke a vendu sa société Omega Pharma et empoche ainsi 1,45 milliard d’euros sans payer d’impôt. Ces deux informations ont fait les gros titres et défrayé la chronique la semaine dernière et pourtant… rien de neuf sous le soleil.

En effet, les montages tels que ceux décrits dans le cadre de Lux Leaks – ces révélations faites par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à propos des pratiques fiscales luxembourgeoises – ne datent pas d’hier et étaient connus des experts fiscaux, de la Commission européenne et de l’OCDE, pour ne citer qu’eux. De même, l’exonération des plus-values sur actions a pour les particuliers quasiment toujours existé en Belgique : elle est même antérieure au Code des impôts de 1964. Le débat entre ceux qui estiment qu’il s’agit d’une injustice fiscale par rapport aux revenus du travail lourdement taxés et ceux qui y voient une ultime incitation à la création d’entreprise est donc vieux comme notre législation.

Ruling fiscal et exonération des plus-values… rien de neuf sous le soleil

Mais, sans nier leur importance, le sensationnalisme avec lequel ces informations ont été traitées pose question. Comme si l’adage content is king (le contenu est roi) était subitement devenu context is king : sur fond de crise économique et de révolte sociale, il est évidemment aisé de faire passer la fausse nouvelle de faibles impôts payés par de riches compagnies et particuliers pour un scoop.

Bien sûr, dans le traitement de l’information, la contextualisation est indispensable. Et si l’opinion publique s’émeut de faits qui ne sont pas nouveaux, c’est probablement aussi parce que le contexte – et donc la perception d’une même réalité – a changé. Pierre Gramegna, le ministre des Finances luxembourgeois l’a lui-même admis de façon très laconique : “Ce qui est légal aujourd’hui n’est peut-être plus souhaitable”.

Fondamentalement, le fait qu’une entreprise paie à un Etat moins de 3 % d’impôts sur le bénéfice d’activités qui sont exercées ailleurs – là où ses propres employés paient parfois jusqu’à 50 % d’impôts sur leur propre revenu – n’est pas acceptable. Mais l’intérêt n’est pas tant de pointer du doigt ceux qui ont en toute légalité usé du système que de remettre en question un système qui ne correspond visiblement plus à l’éthique moderne. Avec en toile de fond cette interrogation : c’est quoi, le juste impôt ?

Soyons réalistes. La réforme de la fiscalité européenne est un chantier titanesque, et chaque ajustement aura à coup sûr des conséquences inattendues. L’affaire Lux Leaks en révèle déjà une : le secret bancaire a été remplacé par le secret d’Etat – puisqu’on reproche essentiellement au fisc Luxembourgeois le caractère occulte de ses fameux “rulings”. Quant au juste impôt, il n’y a sans doute pas d’autre façon de le définir que comme le seuil au-delà duquel les contribuables font tout ce qui est possible pour l’éviter. Dès lors, l’affaire Lux Leaks aura peut-être mis en lumière une intéressante analyse de sensibilité.

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