Rik Vandenberghe (ING): “Nous venons d’engager un ‘chief innovation officer'”

© Debby Termonia

Deux cent quarante milliards d’euros, c’est le montant des liquidités que les sociétés belges ont dans leurs coffres. Que vont faire les entreprises de cet argent qui pourrait soutenir l’investissement ? Nous avons posé la question à Rik Vandenberghe (ING).

Deux-cent quarante milliards d’euros, ce chiffre ressort d’une étude réalisée par B-Information, la société spécialisée dans l’information financière, qui a analysé sur ces six dernières années les bilans déposés par les sociétés non financières du pays. Que vont faire les entreprises de cet argent qui pourrait soutenir l’investissement, mais qui hésitent encore en raison de la conjoncture économique?

Nous avons posé la question à cinq patrons: Luc Bertrand (AvH), Serge Fautré (AG Real Estate), Pieter Timmermans (FEB), Rik Vanpeteghem (Deloitte), Rik Vandenberghe (ING Belgium).

Aujourd’hui, entretien avec Rik Vandenberghe (ING)

Rik Vandenberghe est le patron d’ING Belgique depuis mai 2013. Il prendra aussi la présidence de Febelfin, l’association qui regroupe les professionnels de la finance, à partir de l’an prochain. Il est bien placé pour voir si les entreprises recommencent à investir. Et il nous parle aussi de la politique d’investissement de sa banque. Entretien.

Vous êtes banquiers, et donc en première ligne pour observer les demandes de liquidités des entreprises. Vous avez l’impression que celles-ci ont à nouveau envie d’investir ?

Tout tourne autour de la confiance. Je crois fermement dans un avenir positif pour l’économie belge et européenne, mais s’asseoir sur le cash ne fait rien avancer. Les entreprises doivent montrer une certaine dose de confiance.

Vous voyez un changement depuis le début de l’année ?

Nous avons vu une bonne reprise au cours des six premiers mois de l’année. Mais depuis l’été, c’est de nouveau plus calme. Aujourd’hui, le niveau de l’activité dans le pays est à peine supérieur de 2 ou 3% à ce qu’il était avant la crise. Il y a beaucoup de liquidités. Mais cela reste compliqué. Mais je vois aussi pas mal d’initiatives. Des entreprises qui pensent davantage au commerce extérieur, à l’innovation…

Qu’est ce qui pourrait donner envie aux entreprises d’investir ?

Augmenter le niveau de compétitivité est un point important et le gouvernement a pris des mesures importantes à ce niveau. La stabilité juridique aussi est aussi un élément crucial pour augmenter la confiance. Et puis nous avons eu ces derniers jours les résultats des stress tests bancaires, et c’est un élément positif. Ces tests, qui ont été fait très sérieusement, montrent que les banques en général ont désormais de solides ratios de solvabilité et sont capables d’affronter des changements de situation. Je tiens à souligner que nous, ING Belgique, soutenons les entreprises dans leurs projets. Chez nous, l’encours crédits aux entreprises a augmenté de 40% entre 2009 et aujourd’hui, alors qu’il a augmenté de 25% en moyenne dans notre pays et qu’il a stagné dans la zone euro.

Quels sont les domaines dans lesquels vous allez investir vous, patron d’ING Belgique ?

Au niveau de la banque, nos investissements directs se font dans l’informatique. Nous sommes en train de renouveler toute notre plateforme, c’est un énorme projet, qui nécessite une dépense chaque année de 400 millions d’euros. Cela afin de mieux servir les clients, de simplifier les processus, d’améliorer le “customer experience”, de multiplier le nombre de canaux d’accès pour que les clients puissent effectuer leurs opérations “any time anywhere”.

Dans une banque, la formation du personnel est également importante.

Oui, clairement. Nous recrutons chaque année 350 personnes et nous avons pas mal de collaborateurs qui changent de fonction. La banque est dans une grande transformation, le métier de banquier traditionnel est en train de disparaître pour donner la place à une série de compétences particulières. Nous avons par exemple besoin de spécialistes de certains secteurs d’activités (les médias, l’immobilier, la logistique,..). La moitié des compétences dont nous avons besoin n’existaient pas voici dix ou quinze ans.

Comment se les approprier ?

Nous avons par exemple organisé un concours lors d’un week-end qui s’adressait à des jeunes. Nous leur demandions de développer des applications dans le domaine bancaire : 25 jeunes spécialistes ont participé à la compétition, au terme de laquelle nous avons engagé sept personnes ! L’innovation dans notre métier est un élément capital. Un chiffre pour vous donner une idée : chaque mois dans le monde se créent 2.300 sociétés technologiques qui s’adressent plus ou moins au domaine financier. Nous devons rester en tête du peloton. Et pour cela, il faut évoluer, innover, investir. C’est pour cela que je crois que nous aurons besoin de plus en plus à l’avenir de rentrer dans des partenariats avec des sociétés technologiques.

Dans notre secteur comme dans d’autres l’innovation est essentielle pour assurer l’avenir. C’est pour cela que nous venons d’engager un “chief innovation officer”, une fonction qui n’existait pas. Un groupe comme le nôtre est présent dans 40 pays pour l’activité” commercial banking” (banque des entreprises) et 15 pays pour la banque des particuliers. Nous nous échangeons parfois nos meilleures recettes d’un pays à l’autre, mais des groupes comme les nôtres ont de plus en plus la volonté de développer certaines applications destinées à l’ensemble de leur réseau à partir d’un pays spécifique. Si ces développements pouvaient se faire en Belgique, ce serait évidemment un plus.

Comme le Luxembourg a créé certains domaines de compétences propres, dans l’administration des fonds par exemple, la Belgique pourrait créer les siens.

Oui. Je me réjouis que l’accord gouvernemental mentionne dans une phrase la volonté du gouvernement de renforcer la position de la Belgique et de Bruxelles comme centre financier. Maintenant c’est au secteur de venir avec des propositions et de discuter avec le politique. Mes nouvelles fonctions de président de Febelfin débutent en janvier et c’est un sujet sur lequel nous allons vouloir travailler, en apportant des idées pour attirer certains business intéressants vers Bruxelles et la Belgique.

Une dernière question sur les entreprises familiales. Une étude de Deloitte observe qu’elles sont généralement plus rapides que les autres à réinvestir leur cash dans des fusions et acquisitions ou des opérations de croissance organique. Vous confirmez cette meilleure réactivité ?

Oui. Cela a à voir, je crois, avec le fait que l’entreprise familiale a des structures plus légères et peut prendre des décisions plus rapidement. Je tiens à ajouter que pour ces entreprises, il y a un grand coup à jouer dans l’internationalisation. Car beaucoup de ces entreprises sont seulement en train de découvrir l’international. Toutefois, avec l’arrivée des nouvelles générations, cette tendance s’accélère. Et c’est très positif.

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