Renégocier son taux hypothécaire, il n’est pas encore trop tard

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Les banques relèvent le taux de leurs crédits logement, mais obtenir un prêt bon marché est encore possible. Si votre crédit court depuis longtemps en revanche, il est grand temps d’en renégocier le taux auprès de votre banque.

“Tout comme certaines personnes paient trop cher leur gaz ou leur électricité, il en existe qui paient des intérêts trop élevés pour leur crédit logement, affirme Renaat Acke de hypotheek.winkel. Inversement, grâce à la chute continue des taux, certains emprunteurs sont déjà parvenus à deux ou trois reprises à renégocier le taux de leur emprunt hypothécaire à la baisse. ”

La baisse persistante des taux semble désormais avoir atteint une limite, à l’heure où les investisseurs estiment que Donald Trump stimulera l’inflation grâce à de gigantesques travaux d’infrastructure. Le taux belge à 10 ans a quitté son seuil historiquement bas de moins de 0,1 % pour remonter début septembre à environ 0,7 %. Ce taux constitue l’une des variables dont les banques se servent pour calculer le taux de leurs crédits hypothécaires. BNP Paribas Fortis, par exemple, a annoncé qu’elle relèverait son taux hypothécaire dès ce 1er décembre si le taux à 10 ans ne déviait pas de sa courbe actuelle.

La plus grande banque de notre pays figure parmi les exceptions qui n’adaptent leurs tarifs pour les prêts hypothécaires qu’une seule fois par mois, alors que pour la majorité des organismes de crédit, c’est chaque semaine. ” Il va désormais être moins simple d’obtenir un crédit logement “, déclare Renaat Acke.

Pour autant, si vous n’avez pas encore trouvé la maison de vos rêves ou que vous n’êtes pas encore prêt à acquérir un bien immobilier, ne désespérez pas. ” Il faudra encore attendre un peu avant de voir le taux atteindre le niveau de 2009, assure Renaat Acke. Et lorsque le taux hypothécaire grimpe, les prix de l’immobilier ont tendance à chuter à moyen terme. J’en suis persuadé. ” En présence d’un taux plus élevé, les montants que sont susceptibles d’obtenir les candidats-emprunteurs sont plus faibles. Autrement dit, les moyens dont ils disposent pour l’achat d’une habitation ou d’un terrain s’en retrouvent réduits.

Des banques toujours aussi conciliantes

Herman Bruyland, fondateur de la société de courtage en crédit Konsilas et ancien membre du comité de crédit de Record Bank, nuance lui aussi la récente hausse des taux. ” Obtenir un prêt bon marché est encore possible. Une forte augmentation du taux hypothécaire aura en outre pour effet d’exercer une pression baissière sur les prix de l’immobilier dans notre pays. Néanmoins, en cas de hausse progressive, les prix pourraient tout aussi bien rester stables. ”

Selon Herman Bruyland, les banques ne répercuteront pas totalement l’augmentation du taux belge à long terme sur leurs clients. Il rappelle que les banques belges disposent encore d’excédents de trésorerie. ” Les banques déposent chaque soir ces excédents de liquidité auprès de la BCE, ce qui leur coûte 0,04 % d’intérêts, explique-t-il. Voilà pourquoi les banques sont encore toujours très promptes à consentir des crédits, surtout aux clients présentant un profil de risque solide. ”

Tout comme certaines personnes paient trop cher leur gaz ou leur électricité, il en existe qui paient des intérêts trop élevés pour leur crédit logement.” Renaat Acke (hypotheek.winkel)

A partir de 2017, les banques prêteront encore plus attention au profil de risque, étant donné que la Banque nationale de Belgique (BNB), qui est chargée de la supervision des banques, a l’intention d’obliger celles-ci à dégager davantage de capital pour les prêts hypothécaires dont les montants sont supérieurs à 80 % de la garantie du bien immobilier concerné (quotité excédant 80%).

Renaat Acke souligne qu’aujourd’hui déjà les grandes banques orientent leurs clients vers cette quotité de 80 %. ” Avant la crise de 2008, certains organismes de crédit octroyaient des crédits pouvant aller jusqu’à 125 % de la valeur du bien ; fait-il remarquer. La limite est aujourd’hui fixée à 105 %, et il s’agit plutôt d’une exception que d’une règle. La plupart des organismes refuseront en effet d’octroyer des prêts excédant une quotité de 100 %. ”

Selon la BNB, plus de 30 % des nouveaux prêts contractés en 2015 atteignaient une quotité de plus de 90 %. Pour le superviseur, de tels prêts présentent trop de risques. La BNB voit également d’un mauvais oeil les prêts qui obligent l’emprunteur à consacrer plus de la moitié de ses revenus au paiement des intérêts ou ceux qui courent sur plus de 25 ans.

Privilégier la rapidité de remboursement

” D’un point de vue purement théorique, visez toujours la plus courte durée possible, explique Herman Bruyland. Plus long sera le délai de remboursement, plus vous paierez d’intérêts. Vous devez néanmoins veiller à disposer d’une capacité de remboursement suffisante. Pour tous les crédits de plus de 25 ans, les banques calculent une prime de risque élevée. Voilà pourquoi il vaut mieux éviter d’aller au-delà. ”

Renégocier son taux hypothécaire, il n'est pas encore trop tard
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Quant à savoir quel pourcentage des revenus doit être consacré à l’amortissement du crédit, Herman Bruyland n’a pas de réponse toute faite : ” Les banques n’appliquent pas toutes les mêmes critères. Maintenant, quel pourcentage du salaire faut-il consacrer au remboursement du crédit ? Tout dépend du montant de votre salaire. Pour les bas salaires, 50 % se révèlent déjà de trop. Pour les salaires plus élevés, on pourrait envisager un pourcentage supérieur. ”

Pas de règle d’or

A partir de quel moment un refinancement vaut-il la peine ? ” On entend parfois dire qu’il faut attendre de voir le taux hypothécaire baisser de 1 % avant d’envisager un refinancement, déclare Renaat Acke. Néanmoins, cette règle présente des lacunes. En réalité, tout dépend de la durée du crédit et du montant emprunté. On dira peut-être que je prêche pour ma chapelle, mais je conseillerais à tout le monde de réaliser un calcul détaillé auprès d’un courtier en crédit. Cela ne coûte rien, mais qui sait, vous pourrez peut-être en tirer un avantage. ” Hypotheek.winkel perçoit une commission de distribution de la part de l’organisme de crédit auprès duquel vous contractez le prêt en bout de chaîne. Par contre, lorsque vous passez par l’agence d’une grande banque, cette commission va à l’agence locale. Voilà globalement selon quel business model le secteur fonctionne.

Il est également intéressant de savoir que pour tout refinancement d’un crédit logement, le client doit prendre à sa charge les frais de dossier et s’acquitter d’une indemnité de réemploi à concurrence de trois mois d’intérêts. Pour les frais de dossier, comptez facilement plusieurs centaines d’euros. A titre d’exemple, KBC a augmenté ses frais de dossier pour les crédits cette année de 350 à 500 euros. BNP Paribas Fortis lui a emboîté le pas : les frais de dossier sont passés le 1er septembre de 350 à 500 euros. Pour les refinancements internes, BNP Paribas Fortis facture même 700 euros.

Et si vous décidez de changer de banque, des frais viendront s’ajouter pour la radiation de votre ancienne hypothèque et l’inscription de la nouvelle au registre des hypothèques ainsi que les frais de notaires, dont 1 % de droits d’enregistrement sur le montant du crédit. Le bénéfice d’un refinancement doit s’avérer supérieur à l’addition de tous les frais, Qui peuvent rapidement atteindre plusieurs milliers d’euros. ” En dépit des taux d’intérêt actuels, il vaut encore la peine de comparer les tarifs de différentes banques “, estime Herman Bruyland.

Cette comparaison devrait être plus facile à partir d’avril 2017. A compter de cette date en effet, les banques auront l’obligation de fournir aux clients un résumé standardisé de toutes les données. ” Les frais de dossier ainsi que tous les autres frais doivent être calculés dans un taux annuel effectif global (TAEG), comme c’est le cas déjà pour les crédits à la consommation “, souligne Herman Bruyland.

Tous les clients ne disposent pas de la même force de frappe à la table des négociations face à leur banquier. Plus petits seront les montants du capital et des intérêts encore à rembourser, moins vous serez en position de force pour changer de banque. ” Les banques connaissent bien leur affaire, souffle Renaat Acke. Elles feront en sorte de fixer le tarif pour un refinancement interne juste assez bas, de manière à décourager les clients de changer de banque, une opération qui coûte plus cher. ”

Déménagement de 18 milliards d’euros de crédits

Obtenir un prêt bon marché est encore possible. Je ne pense pas que les banques répercuteront totalement la hausse du taux belge à long terme sur leurs clients.” Herman Bruyland (Konsilas)

L’Union professionnelle du crédit (UPC) dispose uniquement de chiffres sur les refinancements externes. Un tel refinancement implique que le preneur de crédit change de banque, car il estime pouvoir obtenir de meilleures conditions dans la deuxième banque que dans la première où il a initialement contracté le crédit. Au cours du dernier trimestre 2014, le nombre de refinancements externes a quintuplé par rapport à la moyenne des trois premiers trimestres. Depuis lors, les refinancements se sont suivis à un rythme accéléré. L’UPC a enregistré plus de 144. 000 refinancements externes au cours des deux dernières années, soit une valeur totale de 18 milliards d’euros.

Et ce n’est que le sommet de l’iceberg, étant donné que les banques ne fournissent aucune donnée concernant les refinancements internes. Selon Renaat Acke, les grandes banques auraient surtout accordé des refinancements internes à leurs bons clients, dans l’idée qu’ils peuvent leur vendre une kyrielle d’autres produits : ” Grâce aux commissions sur les produits d’investissement, elles peuvent récupérer une partie des revenus futurs qu’elles perdent en refinançant ces prêts “.

Au-delà du taux

Il n’y a pas que le taux dont il convient de tenir compte, précise Renaat Acke. La majorité des banques belges acceptent de vous fournir un taux plus bas si vous êtes disposé à souscrire une assurance solde restant dû ou une assurance incendie, voire d’autres produits encore. Les frais engendrés par ce paquet de produits doivent de plus en plus souvent être pris en compte lorsque vous comparez les conditions d’une banque à celles d’une autre. Les frais liés aux transactions bancaires, notamment, sont en train de grimper. Plusieurs banques en ont déjà fait l’annonce.

” Certains emprunteurs pensent par exemple qu’ils sont obligés de verser leur salaire sur un compte à vue, souligne Renaat Acke. Mais c’est faux. Prenez Crédit Foncier, par exemple, la filiale d’une banque française. Son seul métier en Belgique est l’octroi de crédits. Cet organisme ne propose donc pas de comptes à vue dans notre pays. Par contre, il vous imposera de souscrire une assurance incendie ou solde restant dû, que vous êtes libre de prendre auprès de l’assureur de votre choix. Les organismes qui octroient des crédits sans imposer toutes ces obligations sont assez méconnus. La banque Triodos figure parmi les plus célèbres. Elle n’exige pas de domiciliation de salaire ni de souscription à un quelconque produit. ”

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