Pieter Timmermans

Qu’est-ce qu’une fiscalité équitable ?

Pieter Timmermans Administrateur délégué de la FEB

‘Qu’y a-t-il de certain dans ce monde, hormis la mort et l’impôt ?’, disait l’homme politique Benjamin Franklin au 18e siècle. Pour la Belgique, cela signifie : la mort et de très nombreux impôts.

Or, le débat qui anime aujourd’hui le pays sur une fiscalité plus équitable tourne étrangement autour d’une seule et même question : comment augmenter la pression fiscale. En tant qu’organisation patronale, nous sommes convaincus qu’il est possible de générer plus d’activité économique et de progrès social avec moins de charges.

Revue de presse de ces derniers mois : ‘La Belgique n’a plus aucune raison de ne pas approuver la taxe sur les transactions financières.’ ‘L’impôt sur le revenu de la fortune est une question de fiscalité équitable.’ ‘Les entreprises avec des actionnaires étrangers paient trop peu d’impôt des sociétés, nous devons instaurer un impôt minimum.’ Dans le même temps, la plupart des défenseurs de ces mesures estiment qu’il ne faut surtout pas économiser sur les dépenses publiques, qui s’élèvent toujours dans notre pays à 53,3% du PIB. Un budget en équilibre ? Qu’à cela ne tienne !

Les classements de l’Union européenne et de l’OCDE ne font que confirmer ce que chacun sait déjà. Le pays prélève beaucoup trop d’impôts, qui sont tous très élevés. Le débat sur une fiscalité équitable ne peut dès lors porter que sur la suppression, la réduction ou le glissement intelligent d’impôts, et non sur l’introduction de nouvelles taxes, accroissant encore la pression fiscale. En clair : avec une pression fiscale totale de 44,3%, nous occupons la quatrième place dans l’Union européenne.

En 2017, la Belgique demeure championne en matière de taxation du travail. Pour une personne isolée sans enfant (chiffre le plus élevé de tous les pays OCDE), le coin salarial atteint même 54%. Avec des taux au-delà de 53,5%, les 10% de Belges les plus riches paient près de la moitié des revenus provenant de l’impôt des personnes physiques.

La politique de réduction des charges par le biais du tax shift, du saut d’index et de la modération salariale a mené à une forte augmentation de la création d’emploi dans le secteur privé (125.000 unités en deux ans). Mais les entreprises restent malgré tout confrontées à un handicap de 10% par rapport à la France, à l’Allemagne et aux Pays-Bas en matière de coût salarial horaire. La voie vers une suppression progressive de ce handicap n’est donc pas un cadeau pour les employeurs, mais pour l’emploi. Et qui dit plus de personnes au travail (principalement dans le secteur privé), dit plus de pouvoir d’achat.

Avec un taux nominal d’impôt des sociétés de 34%, nous possédons le troisième taux le plus élevé au monde. Si la France (34,4%) et les États-Unis (38,9%) mettent en oeuvre leurs projets, c’est à nous que reviendra la palme. Par ailleurs, les niches fiscales belges ont fondu comme neige au soleil ces dernières années, ce qui fait qu’une entreprise belge moyenne paie aujourd’hui un taux effectif de 32,8% (contre 28% en 2013). Les recettes issues de l’impôt des sociétés sont en outre passées de 2,8% en 2011 à plus de 3,6% du PIB en 2016. Si nous voulons tenter de positionner notre pays comme un pays d’investissement, nous devons diminuer notre taux à 24% ou moins.

La Belgique, qui a récemment détrôné la France, possède également les impôts sur la fortune les plus élevés d’Europe (4,3% du PIB). Et pourtant, le discours sur la fiscalité équitable porte encore et toujours sur l’introduction d’une nouvelle taxe sur les plus-values. Or, celle-ci aura un effet contreproductif dans le sens où elle freinera l’entrepreneuriat et générera des revenus extrêmement incertains et volatils.

La FEB entend toutefois envoyer un message clair : l’agenda de la justice fiscale doit être maintenu. Lorsque la société émet des signaux, sous forme ou non de slogans, il faut y apporter une réponse. Mais pourquoi mener ce débat de manière unilatérale ? Pourquoi ne pouvons-nous pas examiner quels impôts pourraient être réduits structurellement par le biais d’une baisse des dépenses publiques ? Personne ne me fera croire qu’une fiscalité équitable passe obligatoirement par un renforcement de la pression fiscale dans notre pays.

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