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Pourquoi la ‘taxe sur la spéculation’ est totalement absurde

La taxe dite “sur la spéculation” a tout de ces monuments législatifs inutiles dans lesquels le législateur belge excelle.

Son rendement annoncé (34 millions d’euros) est ridiculement faible, elle vise prétendument une catégorie — les spéculateurs — qu’elle n’atteindra jamais, et elle a comme seule caractéristique particulière d’être le fruit d’un compromis entre partis, destiné à permettre à chacun de brandir un trophée devant un électorat qui n’y comprend rien. Enfin, ses caractéristiques techniques relèvent de la plus totale absurdité.

Les caractéristiques techniques de la ‘taxe sur la spéculation’ relèvent de la plus totale absurdité

Le gouvernement annonce donc une taxe de 33 % sur “les plus-values spéculatives”. Il paraît oublier que, depuis 50 ans, les plus-values relevant de “toute spéculation ou opération quelconque” sont déjà taxées à ce même taux de 33 %, sauf lorsqu’elles relèvent de la “gestion normale d’un patrimoine privé”.

La seule nouveauté de la taxe annoncée est donc qu’elle frappera désormais des plus-values réalisées dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé. Ce n’est pas exactement ce que le gouvernement annonce, lorsqu’il déclare s’en prendre aux “spéculateurs”, catégorie qui présente l’avantage qu’en l’occurrence personne ne considère y appartenir.

Le gouvernement traite comme “spéculatives” les plus-values réalisées dans les six mois qui suivent l’acquisition des actions ou des produits dérivés visés. Or, la réalisation d’une plus-value à bref délai n’est ni nécessaire, ni suffisante pour définir une opération spéculative. Il est parfaitement possible de spéculer sur un plus long terme et une opération à court terme peut très bien être justifiée par une progression inattendue des cours, une analyse différente de leur évolution probable, ou simplement la nécessité de vendre des actions pour faire face à un événement imprévu : un divorce, une acquisition immobilière, ou tout simplement l’opportunité d’acquérir, dans de bonnes conditions, d’autres actions.

Pour grappiller quelques millions, on rend la taxe applicable à toutes les plus-values réalisées dans les six mois sur des titres acquis depuis le 1er janvier 2015. Ce n’est pas strictement une rétroactivité juridique, mais il faut bien convenir que des personnes ayant acquis des titres en 2015 et les ayant revendus avant l’annonce du projet de loi seront prises au dépourvu et soumises à une taxe qu’ils ne pouvaient prévoir. C’est une atteinte grave, dans son principe, à la sécurité juridique et elle est d’autant moins acceptable à l’égard des quelques personnes qui en seront victimes, que le rendement escompté est dérisoire. On fait comme s’il était normal, désormais, de taxer des opérations entièrement révolues, alors qu’en l’occurrence, ni au moment de l’achat, ni au moment de la vente, la taxe ne pouvait être prévue. C’est une banalisation inutile d’un procédé législatif qui heurte le principe de confiance. En règle générale, le contribuable doit toujours savoir, lorsqu’il réalise une opération quelconque, ce qu’il devra payer à l’Etat.

Le rendement que l’Etat peut escompter de la mesure dans son ensemble est par ailleurs lui-même très faible. Il va de soi que, désormais, les contribuables sauront qu’il suffit de conserver les titres pendant six mois pour échapper à toute taxation. On peut comparer cette mesure à celle, prise par le gouvernement précédent, pour taxer les plus-values réalisées dans un délai d’un an par les sociétés, à un taux de 25 % : la taxe n’a pratiquement rien rapporté parce que les sociétés, sauf grande distraction, conservent désormais leurs actions pendant un délai suffisant. Dans les deux cas, les actionnaires vendeurs peuvent se prémunir contre les variations de cours en utilisant des produits dérivés.

Le plus choquant toutefois dans la taxation annoncée est que l’Etat taxera les plus-values réalisées sur des actions, sans accepter de déduction des moins-values réalisées par le même contribuable, pendant le même exercice. En clair, si je réalise une plus-values de 100 sur une action A et une moins-value de 100 sur une action B, je n’ai rien gagné, mais je devrai néanmoins payer 33 % du bénéfice de 100 réalisé sur les actions A. Pire, si je gagne 100 sur les actions A, perds 200 sur les actions B, j’aurai perdu de l’argent mais devrai payer l’impôt.

On dit en général qu’un bon impôt, si cela existe, doit être juste, efficace et répondre à des règles logiques et compréhensibles. La taxe que l’on annonce ne répond visiblement à aucun de ces critères. Sa seule raison d’exister est qu’elle était nécessaire pour concilier des points de vue contradictoires répondant à d’obscures stratégies politiques.

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