Paiement sans contact: comment ça marche (et pourquoi ça ne décolle pas)

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La Belgique s’est laissée distancer dans les paiements par carte sans contact. La France ou les Pays-Bas sont coutumiers de cette méthode ultrarapide, idéale pour les petites sommes. Elle va se développer chez nous dans les deux prochaines années. Par ailleurs, Bancontact a désormais activé son appli pour permettre les paiements sans contact via smartphone.

Payer sans code pin, juste en approchant une carte d’un terminal ? C’est possible en Belgique pour les achats jusqu’à 25 euros, mais c’est assez rare. A peine 0,42 % des paiements Bancontact passent par cette voie, faute d’être bien connue des particuliers et même des commerçants. La situation devrait changer en un ou deux ans. Pour se rapprocher de la France, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas voire même de l’Italie, où le paiement sans contact est entré dans les habitudes.

Un paiement sur trois par carte aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas, plus d’un achat sur trois par carte, en magasin, s’opère de cette manière. A Londres, le métro ou les bus acceptent ce type de paiement, il n’est plus nécessaire d’acheter au préalable un ticket, il suffit de ” taper ” en douceur la carte sur un terminal, au niveau des portiques d’entrée et de sortie des stations de métro, ou en montant dans un bus. En France, plus de 20 % des paiements en dessous de 20 euros sont réalisés sans contact, jusque dans les commerces des petits villages.

Le retard belge est surprenant : le pays a été pionnier dans les paiements électroniques. Notamment pour les petits montants. N’est-ce pas ici qu’a été développée la carte Proton, un porte-monnaie électronique sans code pin en usage de 1995 à 2014 ? La technologie avait même été exportée avec un certain succès, avant qu’elle ne soit dépassée (lire l’encadré ” Le successeur de la carte Proton ” plus bas). La carte sans contact était son successeur naturel, plus pratique et plus rapide. Hélas, les banques ont tardé à diffuser des cartes adaptées, dotées de la puce NFC (near field communication). Elles ont préféré repousser l’investissement, qui concerne près de 17 millions de cartes de débit.

Décollage en vue

Pourtant tout était prêt : la société Bancontact, qui gère le moyen de paiement éponyme, avait mis au point les standards et les procédures en 2014, juste à temps pour la transition. Il n’y a guère que KBC et CBC qui ont commencé à distribuer des cartes Bancontact contactless dès 2015. ING a suivi. La première banque du pays, BNP Paribas Fortis, vient juste de distribuer les premières cartes. Belfius va suivre d’ici la fin de l’année. ” Au deuxième trimestre 2017, il y avait 14,7 % des cartes Bancontact qui acceptaient les paiements sans contact “, avance Kim Van Esbroeck, CEO de la société Bancontact. Il faudra encore attendre un ou deux ans avant que la barrière des 50 % ne soit franchie et que ce type de paiement devienne courant. En France, plus de 68 % des Cartes Bancaires (le système de paiement le plus populaire) sont équipées.

” Pour le moment, le paiement sans contact est dans le dilemme de l’oeuf et de la poule, continue Kim Van Esbroeck. La fonction est mal connue et il n’y a pas encore assez de cartes pour lancer une grande campagne de communication, mais ça viendra assez vite, sans doute vers la fin 2018. ” Le décollage devrait être d’autant plus rapide que le nombre de terminaux de paiement équipés est important. ” Il représente environ 60 % du parc en Belgique. ” Worldline, un des principaux fournisseurs du marché, ne vend plus de terminaux sans cette fonctionnalité depuis 2014.

A lire aussi: Payer sans contact, c’est désormais possible aussi avec l’appli Bancontact

La Stib y passe en 2019

Paiement sans contact: comment ça marche (et pourquoi ça ne décolle pas)
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Pousser les cartes contactless, c’est encourager les petits paiements par carte et réduire l’usage du cash. La tarification des paiements Bancontact encourage déjà les petits montants. Les paiements de moins de 5 euros coûtent 2 cents au commerçant. Le paiement sans contact a l’avantage d’accélérer le passage à la caisse, il devrait stimuler encore davantage l’usage de Bancontact. Quelques killer applications devraient aussi pousser ce type de paiement. Cela devrait être le cas des trams, bus et métros de la Stib, lorsqu’ils proposeront le paiement par carte bancaire sans contact à partir de 2019.

En Grande-Bretagne, c’est le paiement dans le métro, les bus, les trams et même certains trains urbains de Londres qui a beaucoup contribué à populariser ce type de paiement. ” Londres a été le grand laboratoire, il a stimulé l’usage des paiements sans contact ailleurs, dans les transports, avance Marc Christoph, expert en paiement chez Worldline, la société qui distribue des terminaux et gère les paiements Bancontact en Belgique. Cet usage va plus loin que le paiement, on parle d’open transit, le paiement remplace le ticket. ” Cela permet de mieux traiter les voyageurs occasionnels, qui n’ont pas de raison d’avoir un abonnement, ou les voyageurs étrangers. Les sociétés de transport cherchent à éviter ou à limiter la vente de tickets à bord des bus ou trams, par le conducteur, pour ne pas les retarder. Parfois elles arrêtent la vente à bord ou rendent – c’est le cas à la Stib – les tickets plus chers, compliquant l’accès pour les voyageurs ponctuels. Le paiement sans contact offre une réponse qui va faciliter la vie de tous.

” Un nouveau valideur sera installé à côté des appareils Mobib de couleur rouge, avance Cindy Arendts, porte-parole de la Stib. Le voyageur pourra ouvrir les portillons du métro tout simplement en passant sa carte bancaire devant ce valideur. De même, il disposera d’un titre de transport valable pour monter dans le bus ou le tram. ” L’approche est connue du public puisque la Stib, la SNCB et les TEC recourent à des cartes maison sans contact pour les abonnements (les cartes Mobib, Ndlr).

À peine 0,42% des paiements Bancontact sont réalisés sans contact en Belgique, contre un paiement sur trois aux Pays-Bas.

Complémentaire avec le paiement mobile

Le développement des paiements par smartphone ne rendent pas obsolète l’usage de carte sans contact. BNP Paribas Fortis les développe pour les téléphones Android. La plupart des nouveaux smartphones sont équipés d’une puce NFC (near field communication) qui permet de réaliser ce type de paiement. Malgré de nombreuses initiatives, il reste encore très marginal. Pour l’heure, les systèmes de paiement mobile tâtonnent en Belgique, aucun n’a remporté de vrai succès. Cela viendra peut-être un jour. En attendant, les cartes Bancontact, Maestro, Visa, etc. sans contact devraient toucher rapidement un grand nombre d’utilisateurs, y compris ceux qui n’ont pas encore acquis un smartphone. Elle leur est plus familière. Les deux approches sont plus complémentaires que concurrentes. Les utilisateurs pourront payer sans contact sur les mêmes terminaux, avec des cartes ou un smartphone.

Il reste toutefois à rassurer les utilisateurs. Les articles sur les piratages informatiques se multiplient. Certains évoquent le risque potentiel d’un ” siphonnage ” des cartes à distance. ” Nous menons des recherches pour mesurer la confiance des consommateurs dans ce type de paiement sans code pin “, avance Kim Van Esbroeck. Les réactions sont positives, même s’il y a plus de réticences qu’il y a cinq ou 10 ans, avec la carte Proton. Pourtant la perte ou le vol de cette dernière pouvait entraîner la perte de la somme contenue dans la carte (jusqu’à 120 euros). Les cartes sans contact sont protégées par des sécurités qui limitent la perte potentielle. Ainsi un code pin est demandé après un certain nombre de transactions en dessous de 25 euros. Cela limite les risques au cas où la carte serait subtilisée et que son porteur ne s’en serait pas aperçu rapidement.

Plus sûr que Proton

” La carte sans contact offre plus de sécurité “, précise Marc Christoph, de Worldline. En cas de perte, il y a moyen de la neutraliser immédiatement car le dispositif fonctionne toujours en ligne, ce qui n’était pas le cas de la carte Proton. L’hypothèse d’un piratage par un indélicat, qui aurait approché un terminal de paiement portable à l’insu du porteur de carte, est très théorique. ” On saura où est arrivé le paiement. Le détenteur du terminal portable sera immédiatement identifié, continue Marc Christoph. La transaction sera alors remboursée. ” Et puis l’exercice est assez compliqué. Il faut approcher le terminal très prêt de la carte pour obtenir un paiement.

A l’usage, en Belgique, la carte sans contact souffre du manque de connaissances des commerçants. Certains ignorent la fonction, le personnel du magasin n’est pas toujours au courant. L’utilisation du terminal complique aussi un peu les choses. Il faut d’abord insérer le montant avant de réaliser la transaction. S’ils ne sont pas familiers de ce type de paiement, beaucoup de commerçants attendent que le client insère sa carte avant d’encoder le montant. Si ce dernier souhaite payer sans contact, il ne se passera donc rien. C’est donc un autre réflexe à avoir pour que les paiements se fassent plus rapidement. ” Il y a encore un travail d’explication à faire auprès des commerçants, ajoute Marc Christoph. Les consommateurs peuvent jouer un rôle en attirant l’attention sur cette fonction. L’adoption sera plus rapide avec les grands commerçants. “

Comment ça marche ?

La carte. Il faut disposer d’une carte qui accepte le paiement sans contact (Bancontact, Maestro, Visa ou d’un autre standard). Un logo spécifique, représentant un rayonnement, avec quatre courbes, permet de savoir si la carte est compatible ou pas. Les porteurs d’une carte sans cette fonction peuvent anticiper l’échéance de renouvellement et demander un modèle conctactless à leur banque. KBC, CBC, ING, BNP Paribas Fortis et Beobank diffusent, notamment, ce type de carte.

Paiement sans code pin. Il est possible de payer des montants jusqu’à 25 euros sans code pin.

Le terminal. Les paiements sans contact sont acceptés par les terminaux affichant le logo décrit plus haut. Sur les terminaux Worldline, très courants en Belgique, l’opération est réalisée sur le côté gauche du terminal, il faut appliquer la carte en l’approchant perpendiculairement. Quatre témoins lumineux bleus s’allument lorsque la transaction est réalisée. Sur beaucoup d’autres terminaux, il faudra appliquer la carte sur l’écran.

A l’étranger. Les cartes émises en Belgique sont acceptées à l’étranger sur les terminaux sans contact. Les cartes de débit Bancontact sont généralement aussi des cartes Maestro, standard très répandu. Les terminaux dans les gares italiennes, par exemple, acceptent ces paiements.

Le successeur de la carte Proton

Les cartes sans contact sont les successeurs du porte-monnaie électronique Proton. Ce dernier avait été lancé en Belgique en 1995 et a été utilisée jusqu’à la fin 2014. Elle était l’oeuvre de Banksys, rachetée en 2006 par Atos Worldline. Propriété des principales banques du pays à cette époque, Banksys cherchait à développer des petits paiements, dans les boulangeries, chez les marchands de journaux, etc. Des paiements avec Bancontact qui coûtaient alors trop cher pour les commerçants. Internet n’avait pas encore réduit les coûts de communication. La technologie a été vendue à l’étranger, notamment aux Pays-Bas (carte Chipknip), en Suisse (Exact) ou au Canada (Exact). L’utilisateur chargeait la carte et dépensait ses sous sur des terminaux qui n’étaient pas en ligne. Le commerçant les branchaient une fois par jour sur la ligne téléphonique pour obtenir le paiement des transactions. Le dispositif est devenu obsolète car le développement d’Internet et du wi-fi ont rendu abordable la validation en ligne de chaque transaction. La diminution des frais accélère les paiements par Bancontact. Proton n’a donc plus d’utilité.

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