Où vont les exilés fiscaux belges?

© Thinkstock

On distingue en général les “évadés fiscaux”, qui demeurent dans leur pays mais envoient leurs capitaux ailleurs, des “exilés fiscaux”, qui partent eux-mêmes vers des cieux plus cléments sur le plan fiscal.

En Belgique, ces derniers sont de plus en plus nombreux. Les continuelles augmentations d’impôts des deux dernières années, la rigueur accrue de certains contrôles fiscaux et les déclarations agressives de certains politiciens envers les entrepreneurs, soupçonnés d’être des fraudeurs compulsifs, amènent beaucoup de contribuables aisés à se poser la question du départ vers l’étranger.

En soi, ce comportement est évidemment licite. Quitter son pays parce qu’on se considère victime de la politique qui y est menée est un mode d’exercice de la liberté individuelle. C’est une manière de “voter avec ses pieds”, comme jadis les Allemands de l’Est passaient à l’Ouest tant qu’un Mur ne les en empêchait pas. Ce n’est même pas un “abus fiscal”, puisque la loi qui sanctionne les pratiques abusives ne porte que sur des “actes” juridiques, et non sur les simples faits, comme un déménagement vers l’étranger.

Mais, pour rester licite, le changement de résidence fiscale doit être réel. Il ne s’agit pas de louer une boîte aux lettres à Monaco ou de passer deux semaines de février dans un chalet en Suisse, mais de réellement déplacer le centre de sa vie familiale et professionnelle dans un autre pays.

Où vont ceux qui quittent la Belgique pour des raisons fiscales ? Cela dépend bien sûr de leurs motivations, qui sont un mélange de nécessités fiscales et de choix personnels, liés à des besoins familiaux, scolaires, linguistiques et professionnels.

Ceux qui quittent la Belgique pour poursuivre une activité professionnelle vont souvent au Royaume-Uni, pour y bénéficier du régime particulier des “résidents non domiciliés”, imposés seulement sur les revenus d’origine anglaise ou ramenés dans le pays, avec un minimum forfaitaire qui reste avantageux pour les titulaires de gros revenus.

Les plus riches choisiront fréquemment la Suisse, dont les attraits ne doivent néanmoins pas être surestimés. Beaucoup fantasment sur les “forfaits” accordés par la majorité des cantons. Ceux-ci ne sont toutefois reconnus qu’à condition de ne pas exercer d’activité professionnelle en Suisse, et sont calculés le plus souvent sur sept fois la valeur locative du domicile, avec un plancher élevé. Ces systèmes qui consistent en réalité en une taxation au taux normal d’un revenu calculé sur les dépenses estimées forfaitairement, n’est réellement avantageux que pour des personnes bénéficiant d’importants revenus de la fortune. Il y a aussi la possibilité, pour ceux qui s’établissent en Suisse, de payer simplement l’impôt fédéral et l’impôt cantonal, le même que ceux que paient les Suisses, avec, en général, une imposition à un taux inférieur de plus de 20 % à celui de la Belgique, des cotisations de sécurité sociale plus basses et offrant une meilleure couverture, mais aussi… un impôt sur la fortune !

Les retraités sont en revanche plutôt sensibles à une faible taxation de leur pension et de leurs revenus du patrimoine, ainsi qu’à l’absence de droits de succession. Cette dernière préoccupation leur fait préférer les pays qui ne connaissent aucun droit de succession ou qui n’en connaissent pas pour la transmission de parents à enfants. Le Portugal, la plupart des cantons suisses, le Luxembourg, l’Italie, mais aussi dans certains cas l’Espagne, sont attrayants de ce point de vue. Le Portugal, qui vient d’instaurer un régime particulier de “résident non habituel”, monté sur mesure pour satisfaire aux besoins des retraités, sauf ceux du secteur public qui demeurent taxables en Belgique, attire beaucoup de candidats à l’exil fiscal et… ensoleillé.

Ce sont aussi des destinations au climat chaud qui offrent un cumul de tous les avantages, à condition d’y vivre réellement. Ceux qui émigrent vers Monaco ou dans les Emirats arabes unis peuvent s’attendre à ne payer pratiquement aucun impôt, ni sur la succession, ni sur les revenus, de même que, pendant une période de 10 ans, ceux qui s’établissent en Israël.

Le candidat au départ ne doit toutefois jamais oublier que le changement de résidence ne peut être factice, et qu’il va dès lors nécessairement bouleverser sa vie. Cela pose la vraie question, que chacun résoudra à sa manière : quels sont les sacrifices personnels qu’il est prêt à supporter effectivement pour payer moins d’impôts ?

THIERRY AFSCHRIFT – Professeur ordinaire à l’Université libre de Bruxelles

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content