Manipulation du Libor : l’ex-courtier Tom Hayes condamné à 14 ans de prison

Tom Hayes © REUTERS

Un ex-courtier d’UBS et Citigroup a été condamné lundi à 14 ans de prison pour avoir manipulé le taux de référence interbancaire Libor, une première dans ce retentissant scandale qui a coûté des milliards au secteur bancaire et entaché sa réputation.

Tom Hayes, un Britannique de 35 ans, a été reconnu coupable lundi par le jury du tribunal de Southwark, sur la rive sud de la Tamise à Londres, à l’issue d’un procès de deux mois et d’une semaine de délibérations.

“Ce procès a souligné l’absence d’intégrité qui devrait caractériser l’univers de la banque”, a statué le juge Jeremy Cooke, qui a reproché à M. Hayes d’avoir “joué un rôle moteur dans la manipulation du Libor”.

D’après l’Office britannique de lutte contre la délinquance financière (SFO), M. Hayes a orchestré de septembre 2006 à septembre 2010 un système de collusion avec des traders des banques suisse UBS et américaine Citigroup, mais aussi avec ceux d’autres établissements, afin d’influer à leur avantage sur le niveau du Libor.

M. Hayes avait dans un premier temps accepté de témoigner en détail auprès de la SFO, en 2013, et reconnu son implication, se décrivant comme “un délinquant en série”. Mais l’ex-courtier avait ensuite changé d’avis et plaidé non-coupable avant son procès, soulignant que ces pratiques étaient communes dans l’industrie bancaire.

En présentant sa défense ces derniers jours, M. Hayes s’est à un moment effondré en larmes devant le tribunal, a rapporté l’agence de presse Bloomberg News. “J’étais obligé de dire que j’avais mal agi. Il fallait que je sois poursuivi. J’étais quasiment en dépression”, a souligné l’ex-courtier, revenant sur son témoignage devant la SFO, qui s’est avéré une pièce centrale du dossier.

Il devra passer la moitié des 14 ans prévus derrière les barreaux, avant de pouvoir prétendre à une liberté conditionnelle.

Mauvaises conduites sur le marché des changes

Le Libor est un taux interbancaire fixé à Londres qui sert de référence pour de nombreux produits financiers, du compte d’épargne le plus classique au produit dérivé complexe, en passant par les emprunts immobiliers, les crédits à la consommation, les prêts aux entreprises et aux autorités publiques. Il concerne des centaines de milliers de milliards de dollars de transactions par an dans le monde.

La détermination de ce taux constitue normalement un processus technique censé refléter la réalité des conditions de prêts entre les banques, mais l’accusation a mis en exergue le fait que la manipulation à laquelle il s’était livré avait permis à M. Hayes d’élever les bénéfices de ses employeurs, afin d’obtenir de meilleures rémunérations pour son propre compte.

Ce taux est décliné en plusieurs monnaies et les faits reprochés à M. Hayes concernaient le Libor appliqué aux transactions en yen, à la fixation duquel le courtier a participé en tant qu’employé d’UBS puis de Citigroup à Tokyo.

Le scandale du Libor, qui a touché de nombreux grands établissement financiers, avait éclaté au grand jour en 2012 lorsque la banque britannique Barclays avait révélé qu’elle devait payer 290 millions de livres pour mettre fin à des enquêtes au Royaume-Uni et aux États-Unis, poumons de la finance mondiale.

D’autres institutions (comme UBS, RBS, Rabobank et Deutsche Bank) ont dû depuis régler des pénalités équivalentes à des milliards d’euros au total aux autorités de régulation et institutions judiciaires de ces deux pays, où de nouveaux procès de courtiers sont prévus.

Ben Rose, un avocat du cabinet Hickman and Rose spécialisé dans les affaires financières, a estimé que cette condamnation représentait une victoire pour le SFO qui enquête sur d’autres cas de manipulation du Libor.

Mais il a aussi jugé “étrange” qu’aucune banque n’ait été traînée devant les tribunaux en tant que personne morale. “Lorsqu’une industrie toute entière (…) est complice d’une pratique, il semble vraiment dur de ne montrer du doigt que des individus isolés” comme Tom Hayes, a-t-il souligné.

Depuis cette affaire, les accusations de mauvaise conduite se sont étendues à d’autres plates-formes, notamment au très important marché des changes, et les banques, régulièrement condamnées à des amendes, sont sous une pression accrue de la part des régulateurs.

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