Les valeurs bancaires européennes chutent dans le sillage de Deutsche Bank

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Les doutes sur la santé fragile de Deutsche Bank font resurgir les inquiétudes concernant le secteur bancaire européen, confronté à un environnement de taux bas et de nouvelles normes qui pèsent sur sa rentabilité.

“Deutsche Bank est la quatrième banque la plus systémique au monde. Quand on commence à avoir des inquiétudes sur un établissement de cette envergure, il est normal que tout le monde soit touché”, a expliqué à l’AFP Jérôme Legras, directeur de la recherche au sein de la société de gestion Axiom AI.

L’attention se focalise depuis plusieurs jours sur le grand établissement allemand, sous la menace d’une lourde amende de 14 milliards de dollars aux Etats-Unis dans un dossier lié à la crise des “subprime” et qui peine à convaincre de sa capacité à dégager des résultats dans les temps à venir.

Et de nombreux observateurs de se poser la question de savoir s’il faut faire un parallèle avec une autre grande banque, Lehman Brothers, dont la faillite en 2008 avait plongé la finance mondiale dans le chaos.

Mais, si l’épée de Damoclès américaine a joué un rôle de déclencheur dans les soubresauts de cette semaine, c’est davantage l’environnement dans lequel les banques ont à opérer actuellement qui suscite les craintes des investisseurs.

A commencer par les taux bas persistants, qui rognent les marges des établissements et brident leur profitabilité.

Un phénomène encouragé par les grandes banques centrales, qui incitent les banques à prêter à leurs clients. Pour cela, elles ont entrepris de faire payer ces établissements lorsqu’ils déposent de l’argent dans leurs coffres plutôt que de l’injecter dans l’économie réelle.

Les banques sont donc contraintes de revoir leurs modèles d’affaires et de chercher de nouvelles sources de revenus, en diversifiant leurs activités, par exemple dans la location longue durée de véhicules, ou en s’implantant dans des régions jusqu’ici moins prioritaires, à l’image de l’Asie.

En recherche de nouveaux débouchés

“On assiste à un mouvement de diversification géographique indéniable du côté des établissements systémiques. Certains vont en Asie, d’autres en Amérique latine et l’Afrique commence réellement à émerger. Tous ces paris ne seront pas gagnants mais il est impensable aujourd’hui pour une grande banque de rester sur son modèle traditionnel”, a souligné un analyste du secteur ne souhaitant pas être identifié.

C’est d’ailleurs le monolithisme de leur modèle d’affaires que paient aujourd’hui les banques allemandes, qui traditionnellement tirent leurs bénéfices des produits des intérêts mais, en période de taux négatifs, voient leurs dépôts auprès de la Banque centrale européenne leur être facturés.

Surcoût qu’elles, comme d’autres banques européennes, comptent répercuter auprès de leurs clients notamment via l’augmentation des frais bancaires ou la taxation des dépôts des entreprises et institutions.

L’enjeu est d’autant plus important qu’elles sont aussi confrontées à des exigences croissantes en termes de solidité, avec l’instauration de nouvelles règles destinées à éviter tout risque de faillite et mises sur pied après la crise financière de 2007-2008 et la déconfiture de Lehman Brothers.

Parmi celles-ci, l’exigence de mettre en réserve des fonds propres supplémentaires.

Mais près de neuf ans plus tard, le chantier réglementaire n’est toujours pas achevé au grand dam des banques qui redoutent un durcissement des règles susceptible, selon elles, de plomber durablement leur rentabilité.

Remous boursiers en perspective

“L’épisode Deutsche Bank montre au contraire pourquoi on a toutes ces nouvelles exigences réglementaires, plus strictes, qui permettent de faire face à ce type de situation”, estime pour sa part, Nicolas Véron, économiste du laboratoire d’idées Bruegel et au Peterson Institute à Washington.

Mais, d’après Joel Kruger, analyste pour la maison de courtage britannique LMAX Exchange, même si “nous n’avons pas atteint avec Deutsche Bank, le même niveau de panique qu’avec Lehman en 2008,les gouvernements et banques centrales ne disposent plus des mêmes outils pour combattre les menaces systémiques (…), la plupart de cet arsenal ayant été épuisé ces dernières années”.

“C’est une perspective effrayante qui va certainement éprouver la détermination des marchés durant les prochains mois”, anticipe-t-il.

Les valeurs bancaires européennes en chute

Ce vendredi matin, les valeurs bancaires chutaient en Europe, de Paris à Londres en passant par Milan, Madrid ou Zurich, sous l’effet des craintes entourant la solidité de Deutsche Bank.

A 10H11 (08H11 GMT), Société Générale perdait 3,94% à 29,60 euros à Paris, après avoir lâché plus de 5%, Barclays reculait de 3,53% à 161,40 pence à Londres, Unicredit perdait 4,81% à 1,94 euro et Santander 4,74% à 3,76 euros. UBS reculait de 3,38% à 12,59 francs suisses, et Credit Suisse – 3,25% à 12,19 Francs suisse.

Il y a “une aggravation de la perception du risque par les investisseurs”, constatait auprès de l’AFP Alexandre Baradez, un analyste de IG France.

L’information jeudi selon laquelle une dizaine de fonds spéculatifs avaient commencé à réduire leur exposition à Deutsche Bank a causé une petite panique à Wall Street. Les craintes sur la santé de Deutsche Bank, une énorme banque aux multiples ramifications internationales, sont de plus en plus fortes.

Selon M. Baradez, cette information “a mis un peu le feu aux poudres hier soir”. La posture de statu quo adoptée par la banque et le gouvernement allemand ont par ailleurs tendance à “entretenir les inquiétudes sur les banques”, ajoute M. Baradez.

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