“Les stress tests sont tardifs et incomplets, mais il faut les faire”

© Thinkstock

Les résultats des tests de résistance des banques européennes seront publiés ce soir, après la clôture de la Bourse. Que penser de cette opération transparence ? Jean-Louis Mullenbach, associé dirigeant du cabinet Bellot Mullenbach et Associés, répond.

Pourquoi accomplit-on ces tests de résistance ?

Le but est de rassurer les investisseurs, préoccupés par la situation des banques de la zone euro, d’autant plus après la crise grecque et les doutes concernant la solvabilité des Etats : le marché exige de la transparence et on est bien obligé de lui en donner. Cela dit, il y a un certain nombre de limites à ces tests.

Lesquelles ?

La première réside dans les critères choisis : ceux concernant les créances douteuses ou les hypothèses de croissance me paraissent réalistes, mais ceux qui touchent aux risques de décote sur les dettes souveraines reposent sur des hypothèses trop modérées. Cela se comprend d’une certaine manière. C’est dur pour les Etats, qui n’ont cessé de communiquer sur le fait qu’il n’y avait aucun risque, de faire l’hypothèse inverse. Pourtant, on sait bien, par exemple, que l’on ne coupera pas à un rééchelonnement et à une restructuration de la dette grecque.

Certaines banques devront donc forcément prendre leurs pertes, ce qu’elles se refusent à faire pour le moment. Du coup, après la crise de liquidité des 6 et 7 mai, la Banque centrale européenne s’est trouvée contrainte d’acheter de la dette grecque pour stabiliser la situation des établissements financiers, notamment français. Il faut savoir qu’ils détiennent à eux seuls pour 100 milliards d’euros, soit un tiers de la dette grecque : 35 milliards pour les banques, 65 milliards pour les compagnies d’assurance et les fonds. C’est loin d’être négligeable.

Il sera donc intéressant de voir ce que publieront les banques françaises dans leurs résultats semestriels concernant leur exposition aux dettes souveraines. On peut penser que celles qui sont dans une situation plutôt favorable se montreront exhaustives et transparentes. Mais les autres ?

Existe-t-il d’autres limites à ces stress tests ?

On se trouve également face à un problème d’harmonisation. Chaque banque établit ses calculs et les transmet à sa banque centrale. Or, chaque banque centrale a sa définition des indicateurs. Au final, chaque pays a fait sa tambouille, qui plus est sans forcément respecter la confidentialité. Lorsqu’on voit les déclarations de certains ministres, comme Christine Lagarde en France, qui annoncent d’ores et déjà que les résultats des tests seront bons, on se dit que chaque pays protège ses banques nationales. Cela contraste avec les Etats-Unis, qui ont fait un travail sérieux, sans fuites, et en utilisant des critères réalistes.

Au final, ces tests serviront-ils vraiment à quelque chose ?

Malgré tout, oui. Ces stress tests sont tardifs et incomplets, mais c’est bien de les faire. Au final, on pourra prendre le pouls du secteur bancaire, ce qui est une bonne chose. Cela confirmera par exemple que les banques régionales allemandes et espagnoles ont commis beaucoup d’erreurs, ce qui nécessitera des recapitalisations importantes, soit par appel au marché, soit par appel à des fonds publics, soit par des fusions avec les banques mieux portantes.

Les besoins de recapitalisation des banques françaises devraient être très limités. Selon les analystes de marché, il y aurait au total un besoin de recapitalisation d’environ 100 milliards d’euros sur les 91 banques concernées, sans compter les banques non testées, qui représentent 35 % du secteur et sont a priori plus fragiles que les établissements plus importants. Les Etats n’ont pas fini de payer pour les errements de leurs banques.

Benjamin Masse-Stamberger, L’Express

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content