Les nouveaux chasseurs de primes de Wall Street

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La dénonciation de délits financiers est encouragée à coups de poignées de billets verts. Les chasseurs de primes encaisseraient 100.000 dollars au minimum, et jusqu’à plusieurs millions.

Wanted, dead or alive. Pour d’aucuns, cette phrase, suivie d’un visage, d’un nom et d’une somme en dollars, fait partie des mythes américains. Quant aux chasseurs de primes du Far West, ils ont délaissé les déserts et les saloons pour se tourner vers le Financial District. Car les cow-boys ont troqué chapeau et cheval contre un costume et un ordinateur. Et sont aujourd’hui dans le collimateur du gouvernement américain.

Une première salve avait été tirée à leur encontre, en 2002, lorsque la loi Sarbanes-Oxley encourageait la dénonciation de fraudes boursières. Las, face à la crainte de perdre leur emploi et de compromettre leur carrière, de nombreux cadres n’osaient pas révéler les fraudes de leur employeur. Le prix à payer était trop élevé et le gain quasiment nul.

Une prime jusqu’à 30 % du montant

Une deuxième salve vient toutefois d’être tirée. Avec cette nouvelle loi, les choses pourraient changer. Pour briser la loi du silence qui règne dans la finance, la Securities & Exchange Commission (SEC), le régulateur des marchés financiers outre-Atlantique, a discrètement inséré une mesure dans les 2.300 pages de la loi sur la réforme de Wall Street.

Concrètement, pour faire des salariés, des actionnaires ou des consultants, des chasseurs de primes, la nouvelle loi prévoit de reverser aux informateurs entre 10 % et 30 % du montant des sanctions pécuniaires infligées aux banques ou aux entreprises concernées par des comptes maquillés, des manipulations boursières et autres arnaques à la Madoff. Un système qui pourrait encourager fortement les vocations puisque la récompense pourrait au minimum atteindre 100.000 dollars et jusqu’à des montants astronomiques au regard des dernières amendes records.

Celui qui actionne la sonnette d’alarme doit remplir trois conditions. Primo, son information doit être “originale”. Secundo, l’enquête doit aboutir à des sanctions. Tertio, ces sanctions doivent représenter au minimum 1 million de dollars. L’administration Obama espère que ce système connaîtra le même succès que celui utilisé par le fisc américain. Depuis trois ans, en effet, l’Internal Revenue Service (IRS) récompense ses informateurs par un pourcentage de l’impôt récupéré. Ce qui a fait exploser le nombre de dénonciations de fraude fiscale.

Aucun incitant financier chez nous

Chez nous, point de chasseurs de primes parmi les whistleblowers. Et pour cause. Bien que la CBFA encourage le système d’alerte interne via une circulaire publiée en 2007 et relative aux attentes prudentielles en matière de bonne gouvernance des établissements financiers, celle-ci n’a pas de valeur contraignante. De plus, le gendarme belge ne peut utiliser légalement des informations contre paiement. Notons qu’une plainte sur dix reçues par la CBFA concernerait cette problématique.

Enfin, le fisc et la justice gardent en mémoire la mauvaise expérience des “informations volées” dans le cadre de l’affaire KB-Lux. Un retour de boomerang n’est donc pas exclu pour le dénonciateur fiscal belge. Car si le fisc ne livrera pas l’identité du délateur, celui-ci aurait pourtant tort de se croire à l’abri. En effet, si la lettre de dénonciation ne finit pas à la poubelle, c’est son auteur qui risque bien de faire l’objet d’un contrôle fiscal.

Valéry Halloy

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