“Les grandes banques n’auront d’autre choix que de bouger vers le continent européen”

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Le processus enclenché par le vote en faveur du Brexit mettra des “années à se dénouer” et c’est cela “qui va stresser le plus les marchés”, explique Matthew Beesley, directeur actions internationales de la société de gestion britannique Henderson Global Investors.

AFP: Comment expliquez-vous l’ampleur du choc qui a frappé vendredi les marchés européens ?-

Matthew Beesley: Les marchés attendaient un maintien. Cela a donc été clairement un gros choc pour eux.

Je pense que si tout le monde était préparé à ce qui pouvait se passer en cas de vote pour une sortie, la réalité est toujours un peu différente. Et les investisseurs mettront du temps à comprendre l’ampleur de l’implication de ce changement.

Pour un investisseur à long terme, comme je le suis, il est vraiment difficile d’évoluer sur le marché un jour comme cela, car vous êtes soumis à d’intenses mouvements de volatilité et d’émotions. Nous avons commencé l’année avec des marchés très déprimés, et ils le sont encore plus désormais.

Quelles sont les perspectives pour les marchés britannique et européens ?

Je suis inquiet pour le Royaume-Uni, inquiet pour l’Europe car les investisseurs vont s’interroger sur la viabilité de l’Union européenne ce qui pourrait nous ramener aux heures sombres de (la crise de la dette en) 2011 et 2012, avec des craintes sans doute plus fortes et profondes d’une crise de la zone euro.

Car le Royaume-Uni est une économie très importante, avec un rôle significatif au niveau mondial. Ses liens avec le Commonwealth, l’Amérique du Nord et bien sûr la zone euro en font une économie mondialisée, réputée pour la flexibilité de son droit du travail et son environnement propice à entrepreneuriat. Tout cela va être remis en question.

Cela va entraîner certainement un ralentissement de l’économie de la Grande-Bretagne, peut-être même une récession technique. Et ce qui va stresser le plus les marchés est qu’il va falloir au minimum plusieurs années pour que ce processus se dénoue. Or cela se produit dans un environnement différent pour l’économie mondiale.

En 2012, certes la zone euro se débattait (contre la crise de la dette), mais l’économie chinoise allait plus vite qu’aujourd’hui tout comme l’économie américaine et il y avait encore des marges de manoeuvres pour un soutien budgétaire et monétaire. Aujourd’hui les banques centrales luttent déjà pour influencer le marché via leur politique monétaire. Il reste donc peu de place pour un soutien supplémentaire. Une réponse budgétaire coordonnée semble aussi presque impossible à mettre en place en zone euro.

La livre sterling sera soumise à encore beaucoup de pressions dans les jours et semaines à venir parce qu’il va y avoir un vide dans les investissements au Royaume-Uni de grandes entreprises jusqu’à ce que la situation s’éclaircisse. Cela va constituer un gros problème, car l’équilibre du budget britannique repose beaucoup sur les investissements étrangers. Par contre une livre sterling faible va offrir un soutien aux exportations britanniques.

La place dominante dans la finance européenne de la City londonienne va-t-elle être remise en cause ?

Ce vote est clairement très négatif pour la City de Londres. Si vous regardez la population de la zone euro, il y a un déséquilibre en matière de force de frappe dans les services financiers entre Londres et le reste de l’Europe. Cela va manifestement changer.

Un grand nombre de marchés sont gérés par des personnes basées à Londres. Les grandes banques d’investissement n’auront pas d’autre choix que de bouger et de déplacer leurs employés vers le continent européen.

Ce n’est pas la fin de Londres en tant que place financière, mais indubitablement sa domination et sa force en la matière sur l’ensemble de l’Europe vont connaître des changements. Comme l’ont déjà dit JPMorgan et Deustche Bank, beaucoup de banques vont envoyer leurs employés à Paris, Francfort ou peut-être Milan. Cela ne se passera pas forcément tout de suite, mais cela se passera.

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