Les Bourses qui dégringolent, c’est grave?

© REUTERS/Christian Hartmann

5300 milliards de dollars se sont évaporés en Bourse depuis le début du krach larvé entamé le 22 juillet dernier. Ce qui ne sera pas sans conséquences pour les entreprises et la croissance mondiale. Explications.

En quatre semaines, les Bourses mondiales auraient ainsi fondu de plus de 5300 milliards de dollars, selon les calculs de Standard & Poor’s (à la clôture du 18 août). Quel risque la nervosité des marchés fait-elle porter à l’économie réelle?

Quelles sont les conséquences concrètes de la chute des Bourses?

A court terme, les Bourses n’influent pas directement sur la santé des entreprises. Il faut les considérer plus comme un thermomètre, un indice de la santé future de ces entreprises. Dire que des milliers de milliards de dollars s’envolent en fumée lors d’un krach boursier n’a donc pas de réel sens économique, puisqu’il ne s’agit pas de destruction d’argent au sens propre. Les entreprises en effet ne subissent pas de pertes sèches, la Bourse étant principalement un vecteur pour leur permettre de lever du capital à un instant T, notamment par une augmentation de capital. Au final, le risque réel pour les entreprises qui chutent en Bourse est que ces dernières deviennent tout à coup beaucoup plus OPAbles, c’est-à-dire une proie plus facile pour les acquéreurs potentiels. Attention néanmoins, cette virtualité monétaire ne signifie pas que les petits porteurs ne trinquent pas, surtout si dans la panique ambiante, ils se mettent à vendre massivement leurs titres.

Et à plus long terme?

A plus long terme, une chute des Bourses ne peut plus être considérée comme un simple phénomène financier. Les effets d’une chute drastique des cours peuvent en effet être désastreux pour l’économie réelle. Et ce pour plusieurs raisons. Pour une entreprise cotée qui avait des gros projets qu’elle prévoyait de financer par augmentation de capital déjà, des soubresauts boursiers sont souvent le signe que l’entreprise ne pourra pas mener à bien ses projets. D’une part parce que l’entreprise ne parviendra pas à lever autant de fonds qu’espérés, mais aussi parce qu’elle n’en aura plus forcément les moyens. Avec la baisse des indices, en effet, les primes de risques actions augmentent considérablement, ce qui rend le coût du capital beaucoup plus élevé. Plus globalement, en période d’anxiété économique, les entreprises sacrifient les budgets R&D, ce qui a pour conséquence de rogner la croissance à long terme. Ceci est d’autant plus catastrophique que la prophétie boursière est souvent auto-réalisatrice : quand les cours boursiers sont mauvais, les industriels retardent leurs investissements, ce qui va faire baisser leur prévision de croissance, et donc leurs indices boursiers etc…

Ceci peut-être d’autant plus grave que de l’autre côté de la machine économique, les ménages, qui participent à la crise d’angoisse généralisée, réagissent en réduisant leur consommation et en augmentant leur épargne dite de précaution. En clair: plutôt que d’investir dans des produits servant à financer la croissance – comme les actions -, les ménages se dirigent vers les actifs les moins risqués, comme l’or, les devises ou encore les obligations d’Etats jugées les plus sûres. Ils consomment moins et investissent dans ce qui est économiquement improductif, ce qui grippe encore un peu plus les moteurs de la croissance.

A partir de quel moment faut-il s’inquiéter?

Le mécanisme le plus redouté en ces périodes de crises boursières s’appelle dans le jargon financier le credit crunch. C’est-à-dire, la contraction du crédit bancaire. Face à la dévaluation de leurs actifs, les banques, qui souhaitent préserver leur solidité financière, provisionnent davantage et deviennent plus prudentes dans l’octroi du crédit (immobilier, consommation, entreprises..). Celui sans lequel justement l’activité économique et donc la croissance, ne peuvent plus être financées. C’est exactement ce qui s’est passé en 2008 après la chute de Lehman Brother. Après une crise de confiance généralisée – les banques n’osaient plus se prêter entre elles -, les établissements bancaires ont commencé à resserrer leurs conditions de crédit, ce qui a pesé très fortement sur la croissance mondiale. A l’époque, heureusement, les pouvoirs publics et les institutions monétaires disposaient d’outils pouvant relancer la croissance et les Bourses: ils pouvaient augmenter leurs dépenses budgétaires et baisser les taux d’intérêts pour relancer l’activité, et rendre de nouveau les Bourses attractives aux yeux des investisseurs. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, ces leviers ayant tous été épuisés…

Faut-il pour autant céder dès maintenant à la panique? Difficile à dire puisque tout dépendra in fine de la vigueur de l’économie mondiale et des solutions qui seront apportées au niveau politique. Contentons-nous simplement de rappeler qu’en octobre 1987, lorsque la Bourse de New York connaissait la plus forte baisse de son histoire (-22,6% le 19 octobre), la plupart des économistes avaient pronostiqué une crise mondiale de grande ampleur, qui n’a jamais lieu. D’autres types de krach n’ont pas eu un dénouement aussi heureux. En 1990, la crise immobilière japonaise a plongé pays dans une récession dont il ne s’est jamais vraiment remis. Quand au krach de 2008, encore très présent dans les esprits, l’économie mondiale en porte plus que jamais encore les stigmates…

Julie de la Brosse

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