Les banquiers yankee à l’assaut du monde

© Reuters

Ces 20 dernières années, les banques américaines se sont concentrées sur le marché intérieur. Elles doivent désormais se tourner vers l’étranger.

Les grands groupes industriels américains ont incontestablement une envergure mondiale. Comparativement, les banques font figure de nains. Trois des quatre plus grandes d’entre elles ne tirent qu’un quart voire moins de leurs revenus à l’extérieur du marché nord-américain. Même si certaines institutions américaines sont bien implantées dans des centres financiers comme Hong Kong et Londres, au-delà de ces bases et mise à part dans des activités de banque d’investissement, elles ne sont guère présentes.

Entrée de jeu hésitante

Tout cela est le résultat d’une entrée en jeu aussi tardive qu’hésitante. Les banques américaines agréées à l’échelle nationale n’ont eu le droit de franchir les frontières du pays qu’à partir de 1913. Si Citigroup n’a cessé de se renforcer à l’international, en 1960 seuls sept établissements sur plusieurs milliers avaient ouvert des agences hors des Etats-Unis. Mais la situation a rapidement changé, lorsque les banques se sont précipitées à l’étranger afin de contourner les mesures de contrôle des capitaux et accéder aux nouveaux marchés des prêts à l’étranger. Après un pic d’activité à la fin des années 1970, nombre d’entre elles se sont de nouveau repliées sur le marché américain. Par facilité.

Dans les années 1990, la libéralisation financière a lancé le boom du crédit et ouvert le marché intérieur (auparavant fragmenté par un cadre légal variant d’un Etat à un autre). Le secteur a également pu s’ouvrir aux métiers de la banque d’investissement et d’assurance. S’en est suivie une vague de consolidation.

Deux bonnes raisons de se bouger

Si, en 2010, les financiers ont pris conscience à quel point le marché US se prépare à devenir léthargique et lourdement réglementé, en 2011, ils auront deux autres raisons de regarder vers le large.

La première est que, si l’équilibre des échanges commerciaux se modifie (comme le souhaite Washington pour contrer la concurrence chinoise), il leur faudra impérativement s’adapter. Les entreprises américaines désireuses d’accroître leurs exportations attendront de leurs banques qu’elles les assistent davantage à l’étranger. Par ailleurs, si les pays asiatiques épargnent moins et dépensent plus, leurs consommateurs demanderont davantage de produits financiers. Les banques américaines voudront en profiter.

La seconde raison est que la plupart des banques américaines ont fait un mauvais pari. Elles pensaient que le monde se développerait de la même manière qu’elles : en s’appuyant sur des activités de marché (émission de titres financiers…) pour lever des fonds ensuite réinvestis sous forme de crédits. C’est pourquoi la plupart ont concentré leurs efforts à l’étranger sur l’activité de banque d’investissement. Mais depuis la crise, de nombreux pays en développement aspirent à un système financier différent, dans lequel les banques étrangères accorderaient davantage de prêts, privilégieraient les dépôts d’argent au niveau national et ouvriraient plus d’agences, au lieu de se contenter d’opérer à partir de centres extraterritoriaux et de compter sur les fonds empruntés pour se financer.

Le changement est amorcé. Citigroup s’est recentré sur son coeur de métier, la banque internationale, tandis que le nouveau PDG de Bank of America Brian Moynihan tente de rehausser la stature mondiale du groupe. JP Morgan Chase souhaite progresser dans le lucratif métier de la banque transactionnelle – c’est-à-dire aider les entreprises clientes à déplacer leurs liquidités aux quatre coins de la planète.

Mais, en s’ouvrant sur le monde en 2011, les banques américaines s’apercevront à quel point la concurrence y est vive. Les établissements européens se sont déjà implantés dans la plupart des marchés en développement, et les Etats rechignent à voir leurs systèmes bancaires tomber un peu plus entre des mains étrangères. Enfin, les banques des marchés émergents (Chine, Brésil, Inde) sont en train de développer exactement le même genre de présence internationale. Pendant que les banques américaines se faisaient dévorer chez elles, sur toute la planète leurs homologues se sont développés.

Patrick Foulis, journaliste financier à The Economist

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content