“Les banques sont beaucoup mieux armées pour résister à une crise qu’en 2008”

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Après le remboursement, fin de l’année dernière, du restant de l’aide de l’Etat, KBC peut dorénavant totalement s’orienter vers le futur. “Nous croyons très fort en notre modèle de banque assurance intégrée. KBC est unique de ce point de vue”, dit Johan Thijs, CEO du groupe.

Avec son foodtruck dans le hall d’accueil et l’odeur du café, l’imposant siège en granit de KBC situé à l’avenue du Port rayonne d’une agréable chaleur. “Et cela ne nous coûte presque rien”, dit le CEO Johan Thijs en souriant. L’ambiance chez KBC est on ne peut mieux. Nous sommes à la veille des vacances de Noël et la banque vient de rembourser les 3 milliards d’euros restants de l’aide d’Etat. Ce n’est toutefois pas une raison pour le CEO de ne pas se soucier des petites dépenses.

Quelle était l’importance pour vous du remboursement accéléré de l’intégralité de l’aide d’Etat ?

Johan Thijs: “C’était surtout important pour la perception dans le monde extérieur. KBC a un free float (ou marge libre) d’environ 58% (actions qui n’ appartiennent pas au noyau fixe des actionnaires et qui peuvent être échangées librement, ndlr). Ces actions se trouvent en grande partie chez des investisseurs anglo-saxons, pour qui l’aide d’Etat est une donnée contre nature. Nous sommes maintenant libérés de cette perception négative. Nous sommes reconnus comme étant un banque-assureur solidement capitalisé.”

Vous êtes aussi libéré des clauses d’amende pour l’aide d’Etat, qui étaient liées à la politique de dividendes. Envisagez-vous l’accélération du versement des dividendes ?

Johan Thijs: “Non. Nous continuons à viser un versement de dividendes de minimum 50% à partir de l’année comptable 2016, donc payables en 2017. Concernant l’année comptable 2015, il n’y a pas de distribution de dividendes, pour la simple raison qu’il y avait encore l’aide d’Etat.”

La chance est réelle que quelque chose se passe cette année avec la banque d’Etat Belfius. Vous avez déjà déclaré dans une interview que vous examineriez un éventuel dossier d’acquisition. Quels avantages voyez-vous à une ‘grande banque belge’ ?

Johan Thijs: “Aujourd’hui, il n’y a pas de dossier Belfius et tant qu’il n’y en a pas, je ne ferai pas de déclaration à ce sujet. Mon respect pour les personnes de Belfius et le travail qu’elles fournissent sont trop grands pour cela. Depuis 2008, énormément de collaborateurs de KBC on dû travailler sous une pression gigantesque. Combien n’y a-t-il pas eu d’articles parus qui se demandaient si KBC s’en sortirait ? Je peux vous l’assurer: tous ces collaborateurs, qui font chaque jour de leur mieux, ne méritaient pas cela. J’ai constaté en interne la peine que peuvent causer ces communiqués au sujet d’une vente ou d’une acquisition. Hé bien, je ne vais pas mettre la même pression sur les personnes de Belfius. Aujourd’hui, parler au sujet d’une éventuelle reprise serait témoigner peu de respect pour chaque personne qui travaille chez Belfius.”

D’accord, mais d’un point de vue purement théorique: un élargissement d’échelle est-il nécessaire ? Une des leçons de la crise financière n’était-elle pas qu’être trop grande est source de danger pour les banques ?

Johan Thijs: “KBC est une grande institution. Mais l’élargissement d’échelle ou de la part de marché n’est pas un but en soi pour nous. Notre objectif est une croissance durable et rentable. Et cela, nous désirons l’atteindre en servant correctement le client et en accomplissant notre rôle dans la société. C’est pourquoi nous trouvons qu’il est de notre devoir d’examiner dans les principaux marchés de KBC, donc aussi la Belgique, toutes les entreprises ou actifs qui arrivent sur le marché. Mais si une acquisition ne satisfait pas à tous les critères ou si la stabilité du groupe en est menacée, nous ne l’envisageons tout simplement pas. Nous avons examiné Keytrade, mais cela ne cadrait pas dans notre ensemble. Nous avons également étudié des dossiers dans d’autres pays, mais ce n’est qu’en Slovaquie que nous avons finalisé une petite acquisition l’an dernier.”

Cette discipline est-elle encore une conséquence de la crise financière ?

Johan Thijs: “Une des leçons principales de la crise financière a été que nous devions nous concentrer sur quelques pays et sur le coeur de notre modèle d’entreprise: la banque-assurance intégrée pour les particuliers, les PME et les entreprises de taille moyenne. Même dans les pires moments de la crise, ce modèle n’a pas échoué. Au contraire, cela nous a maintenus debout. Les problèmes de KBC provenaient d’une activité secondaire, les produits structurés. Le modèle de la banque-assurance a résisté à l’épreuve.”

La crise financière était aussi un test pour le modèle d’actionnariat de KBC. Les actionnaires de référence ne pouvaient plus, à un moment donné, apporter de capital supplémentaire. Des conclusions ont-elles été tirées de cela ?

Johan Thijs: “Plus de cinquante banques européennes ont eu besoin d’une aide d’Etat dans cette période. Aux Etats-Unis, plus de 400 banques ont fait faillite. Cela montre que la crise n’avait rien à voir avec la structure de l’actionnariat, mais essentiellement avec la magnitude du choc. Nos actionnaires principaux ont d’ailleurs bel et bien suivi dans l’augmentation de capital de 2012.”

N’y a-t-il aucun aléa moral ? Les actionnaires de KBC pouvaient se reposer sur le soutien de l’Etat pour le sauvetage de la banque, mais le potentiel de hausse est pour eux. Pourquoi cela serait-il différent à l’avenir ?

Johan Thijs: “Un tel sauvetage est en opposition avec notre stratégie, dont le bénéfice durable occupe une place centrale. Le point de départ est que nous devons dorénavant pouvoir, en toutes circonstances, assurer notre sauvetage avec nos propres capacités, sans aide de l’Etat. Croissance et rentabilité durables sont étroitement liées à notre stratégie, mais si nous devons vraiment choisir, la rentabilité est prioritaire. Un exemple: en 2010 déjà, nous avons choisi de réduire le taux garanti sur les produits de la branche 21. Parce que nous avions vu que les taux bas à long terme impliquaient un énorme risque de rentabilité pour ces produits. Nous avons donc appuyé sur la pédale de frein et nous avons payé le prix en part de marché”

Les crises sont inévitables. Vos fonds propres sont-ils suffisamment solides pour la prochaine crise?

Johan Thijs: “Les exigences de capital sont maintenant plus strictes qu’en 2008. A la fin du troisième trimestre de 2015, nous avions un ratio de fonds propres ordinaires de 13,7%. C’est un rapport cinq fois plus grand que nos fonds propres en 2007. La liquidité s’est également fortement améliorée. En comparaison avec 2008, KBC est hyper solide. Globalement, les banques sont beaucoup mieux armées pour résister à une crise.”

Malgré la pression sur la marge d’intérêt, les banques belges ont pu présenter de beaux résultats ces dernières années. Cela continuera-t-il ?

Johan Thijs: “En 2014 et 2015, le refinancement des crédits logement a entraîné un effet positif temporaire. Mais la marge nette d’intérêt diminue déjà depuis quelques trimestres chez KBC. C’est logique. Les titres qui arrivent à échéance, vous devez les investir à un rendement d’intérêt plus bas. Le taux d’intérêt moyen pour les crédits aux entreprises s’élève à peine à 2,02%. C’est bas. KBC a anticipé cela en diversifiant ses revenus. Nous sommes un banque-assureur intégré, qui retire ses revenus non seulement de la marge d’intérêt, mais aussi des fees et des commissions sur les fonds de placement, la gestion de portefeuille, les produits d’assurance … Et du côté des coûts, nous faisons simplement très attention à toutes les petites dépenses.”

Quelles sont les perspectives d’avenir pour KBC ?

Johan Thijs: Boring (Ennuyeuses). Le classique métier de banquier et d’assureur pour les particuliers, les PME et les entreprises. Nous croyons fort dans notre modèle de banque-assurance intégrée. KBC est unique de ce point de vue. Nous pouvons offrir à nos clients la palette complète des investissements, des produits d’épargne aux produits d’assurance, en passant par les produits de placement. Financièrement, peu importe pour KBC dans quoi les clients investissent leur argent, il y a toujours des revenus à la clé. Grâce à l’intégration complète jusque dans le back-office, le modèle est particulièrement efficace au niveau des coûts.

La banque-assurance ne se situe-t-elle pas à ses limites ?

Johan Thijs: “En Belgique, cela fonctionne très bien. L’intégration des activités de la banque et de l’assurance est complète et le moteur tourne à plein régime. Mais en Europe Centrale, ce n’est pas encore entièrement le cas. L’étape suivante est l’intégration des activités de la banque et de l’assurance dans nos autres pays principaux : Tchéquie, Slovaquie, Hongrie et Bulgarie. Toutes les entités sont actuellement rentables dans ces pays, mais elles travaillent trop séparément. Plus de collaboration commerciale doit faire augmenter les revenus, alors que la fusion des back-offices comprimera les coûts.”

Et la digitalisation ?

Johan Thijs: “Je vois cela comme le plus important défi pour le secteur des banques et des assurances. L’impact de la digitalisation sera très grand. Le comportement du consommateur est en train de changer fondamentalement. Sous l’influence d’entreprises comme Google, Amazon ou Facebook, les gens vont penser et acheter autrement. J’ai été impressionné par les 350.000 colis que Bol.com a expédiés en Belgique et aux Pays-Bas pour Saint-Nicolas. Ce sont 350.000 personnes qui laissent leur voiture au garage, qui ne font pas leur choix en prenant un produit en main dans un magasin, qui ne font pas la file aux caisses, mais qui choisissent à partir de l’approvisionnement en ligne. Accès et réponse rapides, convivialité, … cela devient les paramètres les plus importants. Dans notre industrie, nous devons nous en inquiéter.”

Observez-vous les agences bancaires se vider ?

Johan Thijs: “Dans les petites agences, il y a moins de fréquentations. Pour les transactions de base, nous constatons un glissement vers l’internet et les applications mobiles. Pour les conseils, les clients viennent cependant encore à l’agence. Notre stratégie est que le client peut choisir lui-même la manière dont il désire être servi. Le modèle de distribution de KBC consiste en quatre canaux (les agences, l’online, le mobile et les télécentres), et les clients les utilisent tous les quatre. A mesure que le client adaptera son comportement, nous le suivrons. Si nous décidions de supprimer le réseau d’agences, cela serait purement une conséquence du choix du consommateur pour d’autres canaux. Le client déterminera à quelle vitesse l’évolution digitale aura lieu chez KBC.”

Il ressort d’une étude de Roland Berger que l’approche omni-canal n’est pas une tellement grande réussite. Beaucoup d’informations sont apparemment perdues lorsqu’un client passe d’un canal à l’autre.

Johan Thijs: “KBC investit un demi-milliard d’euros pour cela. Notre objectif est une interconnexion intégrée des quatre canaux de distribution. Toutes les informations des clients doivent simultanément être disponibles via tous les canaux. D’ici fin 2017, cette intégration devra être un fait. Nous désirons ainsi optimaliser la prestation de service de manière proactive et offrir aux clients l’accessibilité et la convivialité qu’ils désirent.”

Patrick Claerhout et Daan Killemaes.

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