Les banques ont boudé la BCE ? C’était prévisible

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La première opération de refinancement (TLTRO) destinée à donner de l’argent bon marché aux banques afin que celles-ci prêtent aux entreprises et aux ménages n’est pas une réussite. La BCE n’a prêté que 82,6 milliards. Mais vu les incertitudes qui règnent dans le marché, on ne pouvait pas s’attendre à un succès.

On s’est beaucoup lamenté ces dernières heures sur le très faible succès de la première des six opérations de TLTRO (crédits très bon marché, à long terme) qui a été lancée par la Banque centrale européenne ce jeudi. Les plus pessimistes s’attendaient à ce que les banques européennes empruntent au moins 100 milliards d’euros. Les 255 banques qui se sont présentées au guichet de la BCE jeudi n’ont finalement emprunté que 82,6 milliards. La banque italienne Unicredit a, à elle seule, pris 10% de ce montant.

Mais est-ce si extraordinaire que cette première opération ait été boudée ? Non.

D’abord, les banques en ont-elles besoin ? Aujourd’hui, les banques européennes ont déjà remboursé de manière anticipée 700 milliards d’euros sur les 1000 milliards de crédits long terme LTRO qui leur avaient été prêtés par la BCE, en deux opérations, fin 2011 et début 2012. Beaucoup de banques regorgent de liquidités. On sait que les grands groupes bancaires ont du mal à employer tous leurs dépôts. Contrairement à ce que l’on entend, dans les pays du “noyau dur” en tout cas, si le marché du crédit bancaire n’est pas très tonique, c’est autant parce que les entreprises n’investissent plus que parce que les banques ont resserré leurs conditions. En bref, le problème n’est pas dans l’offre de crédit. Il est dans la demande.

Question de taux et de timing

Ensuite, le timing de l’opération n’est pas opportun. Les banques ne vont pas mettre un crédit supplémentaire sur leur bilan alors qu’elles sont en train de passer un stress test dont les résultats ne seront connus que dans la seconde quinzaine du mois d’octobre. C’est aussi le mois prochain que l’on connaîtra les modalités selon lesquelles la BCE allègera le bilan des banques et rachètera certains crédits bancaires titrisés (ces modalités doivent être dévoilées le mois prochain). Dans l’attente, pourquoi s’endetter ?

Enfin, le taux de cet LTRO est certes minime (0,15%), mais il est trois fois supérieur au taux directeur de la BCE (0,05%). Les banques ont donc tout intérêt à aller chercher de l’argent via les opérations classiques de refinancement hebdomadaire et à épuiser ce moyen avant d’utiliser les TLTRO.

Tout ceci explique pourquoi les banques européennes ont fait la fine bouche devant cette première tranche. Elles devraient être davantage en appétit pour la deuxième, en décembre. D’abord parce qu’il reste encore 300 milliards d’anciennes LTRO, logés surtout dans les banques des pays périphériques, qui n’ont pas été remboursés anticipativement à la BCE. Mais ils arrivent à échéance à la fin de cette année et les banques chercheront donc à les remplacer par ces nouvelles TLTRO. Ensuite parce que certaines incertitudes seront levées puisqu’en décembre, on connaîtra les résultats des stress tests et les modalités de l’opération d’assouplissement monétaire (le rachat par la BCE de certains crédits bancaires). Il n’y a donc pas de quoi lever les bras au ciel : le faible succès de cette première opération était prévisible. Mais la suivante devrait être plus tonique.

Pierre-Henri Thomas

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