Les banques n’ont jamais autant prêté aux entreprises

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Avec un volume pointant à plus de 140 milliards d’euros, 2016 fut une année faste pour le financement des entreprises. Explications.

La crise, quelle crise ? Grâce à une reprise économique modeste mais persistante, la demande de prêts n’a jamais été aussi forte du côté des entreprises. L’encours des crédits a ainsi atteint un nouveau sommet l’an dernier : plus de 140 milliards d’euros, soit 5,5 % de plus qu’en 2015 (voir graphique ” L’encours des crédits atteint un niveau historique “).

Depuis le début des mesures prises pour assainir le secteur bancaire après la crise de 2008, ” les banques n’ont jamais accepté autant de demandes de crédit qu’en 2016 “, se félicite Luc Vansteenkiste, président de la plateforme Financement des entreprises chez Febelfin (la fédération belge du secteur financier). C’est dire si les entreprises belges utilisent massivement les crédits qui leur sont accordés. Au cours du quatrième trimestre de 2016, tant le nombre que le montant des crédits demandés dépassaient le niveau atteint au cours de la même période un an plus tôt.

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Bon signe

A l’image de la fédération bancaire, Pierre Gustin, directeur chez ING Belgique du segment entreprises et institutionnels en Wallonie, se réjouit de voir le volume d’affaires s’inscrire en hausse. ” L’augmentation de l’encours est supérieure à la croissance du PIB. C’est le signe d’une assez bonne santé de l’économie. ”

Alors que la croissance est, en effet, de l’ordre de 1,5 %, la banque de l’avenue Marnix a vu son volume d’affaires progresser de 6 % sur le segment des entreprises moyennes (chiffres d’affaires compris entre 4 et 250 millions d’euros).

1,59%, c’est le taux d’intérêt moyen pour les nouveaux crédits aux entreprises en 2016.

Du côté de Belfius, on affiche même une croissance à deux chiffres. En 2016, la banque publique a en effet accordé près de 15 milliards d’euros de nouveaux crédits à long terme, dont 6,4 milliards (+15 %) au segment business (PME, indépendants et professions libérales) et corporate (grandes entreprises). ” Deux créneaux qui, depuis leur relance en 2015, ont connu une croissance exponentielle, dépassant largement celle du marché “, se félicite Dirk Gyselinck, membre du comité de direction et responsable du public & corporate banking de Belfius.

Moins de dossiers refusés

Bien sûr, le niveau historiquement bas des taux d’intérêt n’est pas étranger à ces chiffres en croissance. Selon les calculs de la Banque nationale, le taux moyen des nouveaux crédits aux entreprises est tombé en décembre 2016 à un nouveau plancher historique de 1,59 % (voir graphique “La faiblesse des taux d’intérêt continue à soutenir l’octroi de crédits”). Quant aux marges, ” elles restent globalement sous pression en raison de l’environnement fortement concurrentiel, ce qui est naturellement positif pour les emprunteurs “, avance Dirk Gyselinck qui ajoute que les alternatives au financement bancaire mettent également la pression sur le marché classique des crédits.

Nous enregistrons beaucoup de demandes pour des investissements à long terme comme l’achat de nouvelles machines ou de bâtiments industriels. Cela veut dire que les entreprises commencent enfin à retrouver une visibilité à cinq ans”, Pierre Gustin, directeur entreprises et institutionnels Wallonie chez ING.

Parallèlement à ces conditions de financement avantageuses, moins de dossiers sont aussi refusés. En effet, ” les chiffres indiquent que le crédit aux entreprises est et reste accessible, note Luc Vansteenkiste. Ceci donne à penser que les entrepreneurs introduisent des dossiers de crédit solides et bien préparés”. Un avis que partage Dirk Gyselinck pour qui ” l’ensemble des dossiers de crédit ont été mieux préparés et étoffés dans la période qui a suivi la crise”. De sorte que ” le taux de refus a de nouveau baissé pour retrouver son niveau d’avant la crise “. Alors qu’au cours du premier trimestre de 2013, 28,5 % des entrepreneurs avaient un avis négatif sur les conditions de crédit, ce pourcentage est tombé à 6,1 % au quatrième trimestre de 2016, selon la BNB (voir graphique “Les crédits aux entreprises restent accessibles”).

En outre, le moral des entrepreneurs s’améliore. ” Il y a moins de sociétés en difficulté aujourd’hui, observe Pierre Gustin chez ING Belgique. Globalement, le climat est relativement bon. Nous enregistrons beaucoup de demandes pour des investissements à long terme comme l’achat de nouvelles machines ou de bâtiments industriels. Cela veut dire que les entreprises commencent enfin à retrouver une visibilité à cinq ans. Il y a une sorte de dynamique positive, y compris en Wallonie. ” De fait, ” la confiance des chefs d’entreprise est croissante, mais on ressent malgré tout une grande prudence. Divers développements géopolitiques (Brexit, élection de Donald Trump, Etat islamique, Turquie, les présidentielles françaises, etc.) modèrent quelque peu l’enthousiasme “, nuance Dirk Gyselinck.

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Construction, grande exportation, etc.

Par ailleurs, le climat des affaires a beau s’améliorer, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. ” Ce sont surtout les secteurs de la construction, de l’industrie, de l’automobile et de la grande exportation qui se portent pour le moment le mieux, signale Pierre Gustin. C’est par contre un peu plus compliqué pour d’autres secteurs comme la distribution (magasins de bricolage, par exemple), qui sont des créneaux non seulement plus concurrentiels mais qui sont aussi attaqués par Internet “, ajoute le banquier d’ING Belgique.

140,4 milliards d’euros, c’est le montant record du volume de crédits accordés aux entreprises belges en 2016.

A cet égard, Dirk Gyselinck constate que le secteur de la construction continue de croître fortement ” en dépit du fait que les pouvoirs publics, qui sont les plus grands commanditaires, restent modérés en raison des restrictions budgétaires”. Le responsable de Belfius pointe également une forte activité en matière de rachat d’entreprises, tous secteurs confondus. Au point que ” le marché s’échauffe avec des prix d’acquisition élevés et des crédits à effet levier, ce qui, à terme, peut s’avérer dangereux”.

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Prêts coup de pouce

En marge de ce constat général, notons enfin que le prêt coup de pouce, lancé à l’automne dernier par le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt, qui permet à un citoyen (en échange d’un avantage fiscal) de prêter un montant maximum de 50.000 euros à une jeune PME ou à un indépendant qui a lancé son activité il y a maximum cinq ans, affiche lui aussi des chiffres encourageants.

La confiance des chefs d’entreprise est croissante, mais on ressent malgré tout une grande prudence”, Dirk Fyselinck, membre du comité de direction de Belfius.

En six mois, quelque 63 demandes ont été introduites par des entrepreneurs wallons, totalisant 1,3 million d’euros. Un premier bilan positif, estime le SNI (Syndicat neutre pour indépendants). Si l’on compare le dispositif wallon à son équivalent flamand (win-winlening), ce dernier avait totalisé six mois après son lancement en 2006 une soixantaine de demandes pour un montant total levé de 1,7 million d’euros. Or, ” n’oublions pas qu’il y a deux fois plus d’indépendants et de PME en Flandre qu’en Wallonie “, souligne Christophe Wambersie, secrétaire général du SNI pour la Wallonie et Bruxelles. Fin 2015, il y avait en effet 635.507 indépendants en Flandre (61 % de tous les indépendants du pays), contre 287.464 en Wallonie (soit 28 %). Des premiers résultats wallons qui n’ont donc pas à rougir de ceux enregistrés en Flandre.

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