Les agences de notation pour les nuls

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Elles n’ont pas vu la crise venir et ensuite elle l’ont aggravée. Un an plus tard, les agences de notation n’ont pourtant rien perdu de leur autorité. Tous les yeux sont rivés sur les notes qu’elles décernent à la Grèce. Petit rappel de ce qui ne va pas avec ces entreprises omnipotentes.

Qu’est ce qu’une agence de notation?

Ce sont des entreprises privées qui apprécient le risque de solvabilité financière d’une entreprise, d’un Etat ou d’une opération financière. Elles mesurent le risque de non remboursement des dettes que présente l’emprunteur. Plus la note est élevée et plus l’entreprise trouvera des fonds à des taux d’intérêt faibles.

L’incapacité à anticiper une crise

Les agences de notation n’ont jamais été capables d’anticiper les crises, que ce soit la crise asiatique de 1997-1998, ou celle des subprimes. Moodys, S&P et Fitch ont toutes trois flanqué des triple A, la note maximale, aussi bien à AIG qu’à ses dérivés sur les produits hypothécaires subprime. De même, lorsqu’en 2001, Goldman Sachs a fourni à la Grèce, déjà fortement endettée, un produit dérivé camouflant un prêt d’un milliard de dollars, Moody’s a scellé le montage financier de la note maximale.

Visiblement, leurs modèles d’évaluation ne sont pas au point. “Elles ne prennent pas suffisamment en compte les perspectives macro-économiques et ont une vision trop court-termiste”, explique Céline Antonin, économiste à l’OFCE. Leur méthode repose en effet sur l’utilisation de statistiques historiques, ce qui ne leur a pas permis “d’avoir une vision prospective du risque de défaut de ces produits, confirme un rapport du think tank de gauche Terra Nova. Les notations ont alors semblé évoluer avec la situation courante des produits notés sans anticiper un potentiel défaut en cas de récession”..

L’incitation à surnoter les entreprises

Les agences de notation sont payées par les entreprises qu’elles évaluent. Elles sont comme des critiques culinaires qui seraient rémunérés par les restaurants. Le conflit d’intérêt est inévitable. En pratique, l’entreprise demande aux différentes agences de faire du “pre-rating”, c’est à dire des simulations de notation, puis elle choisit celle qui la note la plus favorablement. C’est le “rating shopping”. “Les moins bonnes notes issues de ces simulations ne sont pas publiées”, ajoute Céline Antonin.

Une action procyclique qui aggrave la crise

Une fois que la santé d’une entreprise ou d’un Etat est visiblement dégradée, l’agence finit par abaisser la note. Or cela ne fait que “l’enfoncer” davantage, puisqu’une mauvaise note signifie un taux de refinancement plus élevé, et éventuellement une obligation de collatéral. C’est pourquoi gouvernements et investisseurs ont aujourd’hui les yeux rivés sur la note qui sera attribuée à la Grèce et sur le montage financier que lui avait élaboré Goldman Sachs. Car si elle est rétrogradée, cela déclenchera un “appel de collatéral fatal” de 5,4 milliards d’euros pour la Grèce, prévient l’économiste Paul Jorion.

De maigres réformes

Dans l’immédiat, les autorités politiques misent sur le nouveau règlement européen, en vigueur depuis le 7 décembre 2009, qui sera appliqué fin 2010. “Cette réforme a le mérite de mettre fin au conflit d’intérêt qui naissait du fait que c’était l’agence qui faisait du conseil en montage financier qui notait ensuite ce même montage”, explique Céline Antonin. A part ça, la réforme ne s’est pas attaquée aux autres disfonctionnements et conflits d’intérêts qui caractérisent les agences.

Quelles sont les solutions ?

La structure oligopolistique du marché de la notation est souvent présentée comme un responsable de la convergence des notes. De fait, les trois agences détiennent 85% du marché. Une possibilité serait donc de permettre à plus d’agences, y compris des agences publiques, de pénétrer le secteur. Mais noter toutes les dettes du monde est une tâche coûteuse, nécessitant des milliers d’analystes. Atteindre la masse critique pour la financer n’est pas donné à tout le monde. De plus, cette solution risque d’amplifier la tendance du “rating shopping”.

Plusieurs pistes ont été explorées pour abolir le conflit d’intérêt qui naît du lien entre les banques et les agences. Première option : transformer ces agences en organes publics. Après tout, il peut sembler paradoxal que ce soit une entreprise privée à but lucratif qui ait ce rôle de régulateur. Deuxième option : adresser la facture non plus à l’entité notée, mais à l’investisseur. Pour autant, le conflit d’intérêt ne serait pas supprimé, mais seulement déplacé : les gouvernements, en tant qu’émetteurs d’obligations, chercheront eux aussi à influencer les agences. Quant aux investisseurs, ils pourraient être tentés de pousser les agences à abaisser la note des bons afin de percevoir des intérêts plus élevés.

Reste une voie : changer les mentalités pour sortir de la dépendance des agences. “Les marchés financiers peuvent fonctionner sans ces notes, affirment Jerome Fons et Frank Partnoy dans le New York Times. Les régulateurs et investisseurs doivent utiliser l’outil dont ils se servaient pour évaluer le risque avant de déléguer cette tâche aux agences : cet outil s’appelle le discernement”.

Trends.be, Laura Raim,L’Expansion.com

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