Les 5 défis de Belfius

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Huit mois après avoir été rachetée par l’Etat, la banque doit maintenant se forger un avenir digne de ce nom. Nouvelle stratégie, maîtrise des coûts, augmentation des revenus, etc. : les défis sont de taille pour l’ex-Dexia Banque.

Souvenez-vous, c’était en octobre dernier. La zone euro connaissait une nouvelle poussée de fièvre. Et Dexia, de nouveau, n’en menait pas large. Pour sauver les meubles, on décide alors de séparer ce qui peut vivre seul de ce qui doit encore être aidé. Et l’Etat rachète le pôle bancaire (Dexia Banque) du groupe franco-belge. Montant du chèque : quatre milliards d’euros.

Huit mois plus tard, le dénouement des liens avec le groupe Dexia avance bien. La banque est stabilisée. Elle a fortement réduit son exposition aux pays en difficulté de la zone euro. Désormais propriété à 100 % de l’Etat, elle a regagnée la confiance de pas mal de clients. Elle s’est aussi dotée d’une nouvelle direction et d’un nouveau conseil d’administration. Elle a bien sûr également, mais faut-il le rappeler, changé de nom.

Ceci dit, tout n’est pas simple. Ainsi, l’agence de notation Moody’s a dernièrement abaissé d’un cran sa note à “Baa1”. Motif ? Belfius a bouclé une année difficile, terminant 2011 sur une lourde perte de 1,4 milliard d’euros. Dans un environnement économique qui reste difficile et instable, sur fond de crise de dette souveraine combinée à des taux historiquement bas, elle aura aussi probablement besoin de plus de temps que prévu pour mener à bien sa restructuration, estime encore Moody’s.

Une restructuration pour laquelle l’ex-Dexia Banque a d’ailleurs remis, mi-avril, un business plan à cinq ans (2012-2016) à la Commission européenne. Il doit permettre de répondre à une question essentielle : maintenant que Belfius est détachée de Dexia, la banque est-elle viable ? La réponse de l’exécutif européen est attendue dans les semaines qui viennent. Elle devrait être globalement positive. A condition toutefois pour Belfius de relever cinq grands défis.

1. Se fixer un cap clair

C’est effectivement la première chose à faire. Certes, la banque affirme avoir l’ambition de rester dans le top 3 des acteurs de bancassurance en Belgique, et de maintenir sa part de marché actuelle dans les différents segments de clientèle. Mais l’Etat doit clarifier ses intentions à propos de son avenir. S’agit-il d’habiller la mariée avant de s’en séparer ? Parce que les pouvoirs publics n’auraient pas vocation à être actionnaire d’une institution financière. Ou bien s’agit-il au contraire de profiter d’une configuration 100 % étatique pour faire de la banque autrement ? De ce choix dépendront la définition d’une vraie stratégie et les moyens mis en oeuvre pour la mener.

Du côté syndical en tout cas, “nous sommes partisans d’une banque publique sur le long terme”, avance pour sa part Luigi Franco, délégué Setca chez Belfius, dont les propos ont le mérite d’être clairs. Contrairement à l’attitude du gouvernement, au sein duquel il ne semble guère y avoir de consensus sur le sujet. Celui-ci est-il dans son ensemble sur la même longueur d’onde que le ministre des Finances Steven Vanackere (CD&V) qui souhaiterait se débarrasser de la banque le plus vite possible ? Seule certitude : trouver des capitaux privés qui compenseront la capacité de financement de l’Etat sera difficile. De sorte que la Belgique risque bien de se retrouver avec Belfius sur les bras pendant de longues années encore.

2. Retrouver le chemin des bénéfices

Quelle que soit l’option retenue, revente à un investisseur privé ou maintien d’une banque publique, il faudra absolument faire la démonstration du fait que celle-ci est capable de survivre en stand alone dans la jungle bancaire . A cet effet, la banque pourra plus que probablement compter sur divers coups de pouce “règlementaires” de la part de l’autorité publique.

L’Etat a en effet tout intérêt à créer un environnement favorable aux grandes banques dont il est actionnaire, qu’il s’agisse de Belfius ou de BNP Paribas Fortis. “En fixant de nouvelles règles du jeu, analyse cet expert en matière de services financiers, il est en mesure d’influencer le fonctionnement du marché bancaire belge pour garder la concurrence feutrée et les marges confortables. Il peut donc ainsi favoriser la rentabilité de ses participations dans les grandes enseignes dont il est actionnaire au détriment des autres acteurs.” A vrai dire, n’est-ce pas ce qu’il vient de faire en instaurant une nouvelle taxe sur les banques dont les dépôts ne servent pas à financer l’économie réelle ? La mesure pénalise clairement les établissements d’origine étrangère qui siphonnent l’épargne des Belges pour financer leur dette publique nationale, néerlandaise ou italienne, pour ne citer que ces exemples.

Plus prosaïquement, et du côté opérationnel, Belfius prévoit surtout de ramener son ratio “cost/income” (le rapport entre ses coûts et ses revenus) à 69 %, contre 87 % actuellement. Histoire de se rapprocher non seulement de la moyenne européenne (62 %) mais aussi et surtout de ses rivales directes que sont BNP Paribas Fortis (74 %) ou ING Belgique (71 %).

3. Alléger ses coûts

Qui dit amélioration de ce cost/income ratio, dit diminution du dénominateur… et donc des coûts. La banque ne s’en cache d’ailleurs pas. “La maîtrise des coûts représente un point d’attention capital pour Belfius”, reconnaît-on du côté du boulevard Pachéco, siège de l’enseigne. Selon nos informations, l’idée serait d’atteindre une sorte de stabilité de la masse salariale en empêchant que cette dernière ne gonfle naturellement par le jeu de l’indexation.

Différentes pistes existent pour y parvenir. Le dégraissage en est une. Il serait ainsi question de jouer la carte des départs naturels pour supprimer 1.000 emplois en quatre ans sur les 6.000 que compte la banque. Une option que ne confirme ni infirme Moniek Delvou, porte-parole de l’institution. Sans doute parce que des discussions doivent encore s’ouvrir avec les syndicats à ce propos, dès la rentrée, en septembre. Et que comme nous l’explique, Luigi Franco, il y a bien d’autres pistes à explorer. “Plutôt que de supprimer des emplois, pourquoi ne pas faire l’impasse sur une évolution barémique ou minimiser les charges sociales en proposant des éléments salariaux non soumis à l’ONSS. Je pense notamment aux plans de pension complémentaire ou aux voitures de société.”

C’est du reste “toute la structure opérationnelle, qui était celle d’un mastodonte, qui doit être repensée pour la rendre plus légère”, note cet autre observateur privilégié. A cet égard, on ne parle pas uniquement de réduire les effectifs mais aussi de simplifier l’informatique, de jouer la carte de la banque multicanal, de mettre les agents indépendants sous pression, etc. Bref, de rendre le réseau moins onéreux.

4. Gonfler ses recettes

Réduire les coûts est un levier important pour améliorer son efficacité opérationnelle. Mais dans le cas de Belfius, cela ne suffira pas. La plupart des spécialistes vous le diront : pour couvrir ses énormes frais fixes, le vrai défi pour Belfius consiste surtout à générer des revenus par client (particuliers et entreprises) plus élevés. Ceux-ci sont, et ce n’est pas nouveau, relativement faibles. Surtout si on les compare à ceux, par exemple, de la véritable machine de guerre qu’est KBC. Pour cela, il faut une efficacité économique irréprochable et un meilleur positionnement de ses produits grand public. Voire jouer la carte de l’agressivité commerciale. Histoire de grignoter des parts de marché. Le tout dans une logique de volume. Ce serait, paraît-il, déjà le cas sur le terrain du crédit aux entreprises. Un marché pour le moment timide mais sur lequel Belfius mènerait actuellement une offensive commerciale.

5. Nourrir sa nouvelle marque

Force est de le reconnaître, le changement de nom est plutôt une réussite. La marque Belfius a réussi à se faire connaître en très peu de temps. Marquant une rupture nette avec le passé et le groupe Dexia, nom et identité visuelle sont rapidement entrés dans les esprits. Reste à leur associer l’image d’une banque publique et fière de l’être. Celle surtout d’un “challenger incontournable”, nous dit-on à bonne source. Avec comme objectif de se réaffirmer de façon très assertive (certains diront guerre des prix) vis-à-vis de ses différents segments de clientèle (particuliers, entreprises, pouvoirs publics). Exactement comme elle vient de le faire avec la Région wallonne, qui a prolongé pour cinq ans avec Belfius son contrat relatif à la gestion de sa trésorerie. Histoire aussi pour la banque d’augmenter ses liquidités en faisant passer son ratio entre les prêts et les dépôts de 102 à 90 % d’ici 2016.

Sébastien Buron

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