Le secteur bancaire européen fait face aux périls du Brexit

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Le choc du résultat du référendum britannique passé, le secteur bancaire européen se prépare désormais à affronter les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, dont il est la première place financière.

“Ce fut un choc pour tout le monde car personne ne s’y attendait vraiment. Mais il faut faire la distinction entre les banques du continent qui opèrent à Londres et celles qui opèrent depuis Londres sur le continent”, a expliqué à l’AFP David Benamou, directeur des investissements de la société de gestion Axiom AI.

En l’occurrence, les premières devraient avoir moins de difficultés à surmonter les effets d’un “Brexit”: tant que le processus de sortie du Royaume-Uni n’est pas arrivé à son terme, elles peuvent en effet continuer à exercer leurs activités – souvent de banque de financement et d’investissement – à Londres. “Ensuite, elles pourraient faire simplement le choix de rapatrier leurs équipes dans leur pays d’origine. Par exemple, il ne serait pas insensé de voir BNP Paribas déplacer ses équipes londoniennes à Paris”, a anticipé un analyste du secteur bancaire européen ne souhaitant pas être identifié.

L’avenir risque de se révéler plus compliqué pour les établissements basés à la City ayant des clients dans le reste de l’Union européenne. Jusqu’ici, ils possèdent un passeport européen leur permettant d’accéder au marché continental sans restriction. Mais la sortie de l’UE les privera de ce précieux sésame et pourrait les contraindre à chercher une solution de repli.

Les banques anglaises se faisaient ainsi particulièrement malmener lundi à la Bourse de Londres, RBS cédant plus de 16%, Barclays 18% et Lloyds 10% vers 15h00 GMT, tout comme les américaines JPMorgan Chase (-3,83%), Bank of America (-5,27%) ou Morgan Stanley (-5,12%) à Wall Street.

Cet écueil concernera aussi bien les banques britanniques que les banques américaines qui ont choisi d’installer à Londres leur siège européen. Pour le contourner, le Royaume-Uni aura à négocier le maintien du passeport pour ces banques mais l’issue des discussions reste incertaine. “La France et l’Allemagne n’auront pas d’intérêt à céder dans la négociation qui s’annonce car elles pourraient en profiter pour récupérer des emplois sur leur territoire”, selon l’analyste.

Déjà, en février, le patron de HSBC, Douglas Flint, avait estimé qu’elle pourrait déplacer un millier d’emplois de Londres à Paris en cas de “Brexit”. Et, selon une source interne de Morgan Stanley, 1.000 salariés sur les 6.000 que le banque américaine emploie au Royaume-Uni pourraient être déplacés sur le continent.

Un monde plus multipolaire

Le divorce à venir fait également naître des interrogations sur le devenir des institutions européennes situées à Londres, au premier rang desquelles figure l’Autorité bancaire européenne (EBA), l’un des piliers de la régulation financière en Europe.

Dans un entretien publié avant le référendum du 23 juin, son président Andrea Enria avait jugé qu’un départ de l’Union européenne du Royaume-Uni pousserait l’EBA à déménager dans une autre capitale européenne.

L’Autorité bancaire européenne, qui est l’un des moteurs de la transposition en Europe des règles prudentielles du secteur édictées par le Comité de Bâle, a simplement indiqué lundi dans une communiqué que toute décision sur sa localisation se prendrait à un niveau européen et qu’elle continuait à opérer depuis Londres pour le moment. “C’est tout un équilibre qu’il faut repenser. Il a fallu du temps à Londres pour devenir une place financière de premier plan. Il faudra aussi du temps pour qu’elle se déconcentre au profit d’autres places en Europe”, selon David Benamou. “Je crois qu’on peut envisager à 5-10 ans un monde plus multipolaire avec un réequilibrage entre une ou peut-être deux places en zone euro et une place britannique qui jouera son rôle”, a abondé pour sa part Frédéric Oudéa, directeur général de Société Générale et président de la Fédération bancaire française.

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