Le ruling de KBC : trois questions pour y voir clair

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Ce mercredi, à nouveau, certains journaux reviennent sur le ruling fiscal (trop) favorable dont aurait bénéficié KBC.

1.Quel est le problème ?

KBC veut augmenter ses fonds propres (comme d’autres banques aujourd’hui) afin d’avoir un matelas financier suffisamment confortable. Plus précisément, KBC veut rembourser d’anciens instruments qui ne sont plus reconnus comme des fonds propres pour émettre à la place des instruments hybride (a mi-chemin entre actions et obligations) reconnus comme fonds propres selon la nouvelle réglementation de Bâle III, plus sévère à l’égard des banques.

Avant d’émettre cet instrument, KBC veut s’assurer du traitement fiscal de ces instruments. S’ils sont considérés comme des obligations, comme de la dette, KBC peut déduire les intérêts payés aux investisseurs mais ces instruments risquent de ne pas être reconnus comme pouvant venir renforcer les fonds propres. Si ce sont des actions, les dividendes payés par KBC ne sont pas déductibles, mais ces titres peuvent venir renforcer les fonds propres. KBC estime de son côté que de tels instruments, bénéficiant d’un traitement fiscal similaire , ont été émis par d’autres banques européennes et qu’elle ne désire simplement pas être désavantagée par rapport à ces banques concurrentes.

Le dossier, comme tous les dossiers de ruling, a été déposé de manière anonyme. Le problème viendrait que la commission du ruling s’est réunie en l’absence de deux fonctionnaires francophones. Certains estiment que KBC a bénéficié d’un traitement de faveur. Un autre problème souligné par les fiscaliste (et moins par la presse) vient de la rupture de confidentialité qui devait entourer la décision.

2. Pour l’Europe a ouvert une enquête ?

En fait, l’Europe n’a pas ouvert d’enquête mais a lancé deux demandes de renseignements. L’une, qui date de la fin de l’an dernier, a été lancée auprès de cinq pays, dont le nôtre, dans le cadre d’une enquête lancée par la commission pour s’assurer qu’il n’y a pas de dumping fiscal. Depuis un an, il existe dans les pays développé un mouvement afin de combattre les opérations BEPS (base erosion and profit shifting) par lesquels les grands groupes multinationaux érodent leur base taxable et transfèrent des profits dans des lieux où ils sont moins imposés. Contrairement à ce qu’on a pu lire, la demande de renseignement ne porte pas sur le ruling en tant que tel, mais sur l’interprétation que fait la commission de ruling d’une disposition de notre code des impôts (l’article 185 paragraphe 2 pour les puristes) sur les prix de transferts.

L’autre “enquête” européenne dont certains journaux font mention ce matin est simplement une demande de renseignement de la DG fiscalité de la Commission. Demande habituelle lorsqu’une information sur un sujet sensible paraît dans la presse.

Voici quelque temps, un article évoquait l’hypothèse purement théorique qu’un grand groupe énergétique opérant chez nous jouent sur ses prix d’approvisionnement en pétrole via sa filiale des Bermudes pour expliquer comment on pouvait éroder sa base taxable. Certains médias reprirent l’information en pensant que le groupe en question abusait réellement des prix de transfert. Ce qui a valu à l’entreprise une descente de contrôleurs !

Pour revenir au cas de KBC, si la DG voit quelque chose de suspect, elle peut approfondir son investigation et lancer une véritable enquête. Mais on n’en est pas là aujourd’hui.

3. Le ruling est-il menacé ?

Non. Un mécanisme permettant aux sociétés de s’assurer de la conformité des activités qu’elles envisagent avec la législation fiscale est même soutenu par l’OCDE et la Commission européenne. Notre système de ruling qui instaure un cadre formel spécifique et la publicité des décisions prises (quand elles sont positives pour la société) a même été salué par l’Europe et l’OCDE. Ce que ces instances internationale combattent, en revanche, ce sont les aides d’État illégale faussant la concurrence. Ils peuvent peut-être s’attacher à l’une ou l’autre décision de la commission de ruling, mais celle-ci est tenue de respecter la loi. Ce sont donc certaines disposition de notre code fiscal qui, le cas échéant, pourraient devoir être modifiée si elles apparaissent trop généreuses au regard des standards internationaux.

Pierre-Henri Thomas

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