Le président du Lloyd’s explique pourquoi il a choisi Bruxelles

John Nelson, président du Lloyd's. © Reuters

“L’important pour nous était d’avoir un régulateur très respecté au niveau international”, nous a notamment confié John Nelson.

La Belgique financière avait amené ce mercredi une délégation de choc pour présenter à Londres les atouts de la place financière de Bruxelles qui a attiré récemment le Lloyd’s : le vénérable marché de l’assurance avait en effet besoin de trouver une implantation dans l’Union européenne pour continuer à bénéficier du passeport européen et d’un accès aisé au marché du vieux continent.

Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt, le vice-gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch et le président de la FSMA (le gendarme des marchés), Jean-Paul Servais ont répondu aux questions des représentants des membres des Lloyd’s. Pas de scoop à cette occasion (très prudent, Johan Van Overtveldt, qui devait retourner à Bruxelles pour le kern décidant de vendre une partie de la participation de l’Etat dans BNP, a simplement rappelé la volonté du gouvernement de présenter une réforme de l’impôt des sociétés avant les vacances parlementaires et précisé que “divers scénarios étaient sur la table”. Mais l’événement nous a donné l’occasion de nous entretenir avec John Nelson, le président du Lloyd’s.

Pourquoi avoir finalement choisi la Belgique comme lieu d’implantation continentale ?

Un élément crucial pour nous, qui sommes un marché, est la réputation. Lorsque nous nous sommes implantés à l’étranger, à Singapour, en Chine, nous avons toujours désiré nous assurer que nous étions bien régulés. Ce point était donc très important pour nous en allant nous installer dans l’union européenne, d’avoir un régulateur très respecté au niveau international et spécialement par notre régulateur britannique. Il était important, aussi, d’avoir un régulateur avec une certaine “bande passante”, c’est-à-dire qui, tout en étant de très grande qualité, soit capable de répondre assez vite aux demandes que nous pourrions formuler et soit capable de comprendre nos particularités.

Deuxième points : nous voulions être au coeur de l’Europe, ce qui est très important.

Et troisièmement, nous voulions nous installer dans une ville facile d’accès. Pour ces raisons, nous avons donc choisi Bruxelles.

Vous avez cherché un lieu où vous implanter très vite après l’annonce du Brexit.

Si nous avons agi assez vite (après tout, le Brexit ne devrait avoir lieu qu’en 2020), c’est parce que nous ne voulions pas laisser les acteurs de notre marché dans ‘incertitude et que nous voulons nous développer en Europe.

Combien de personnes comptera votre filiale bruxelloise ?

Nous commencerons avec quelques dizaines. Moins de 100. Certains déménageront de Londres, d’autres seront engagés sur place. Ce sera une combinaison des deux. Ensuite, l’équipe pourrait se développer, nous verrons.

A votre connaissance, d’autres assureurs pourraient eux aussi venir s’installer dans notre capitale ?

Le marché belge de l’assurance est déjà bien rempli et je suis incapable de vous donner une liste des sociétés qui désireraient s’y établir. Nous nous attendons à l’arrivée de certaines , mais il faut être réalistes : la plupart des sociétés d’assurance membres de notre marché ont déjà des activités significatives au sein de l’Union européenne : en France, en Allemagne,… que sais-je ? Elles ne vont donc pas déménager.

Certains pensent que le Brexit n’est pas irréversible. Vous êtes de cet avis ?

De notre point de vue, le Brexit est le Brexit. C’est chose faite, aussi frustrant qu’il puisse être en termes d’accès au marché européen. Mais heureusement, il y a des négociations en cours, mais je n’imagine pas que les circonstances fassent que nous n’utilisions pas Bruxelles comme hub pour le marché européen.

Vous dites que la Belgique pourrait devenir un petit écosystème. Que devraient faire les autorités belges pour qu’il se développe ?

Je n’exagérerais pas le rôle des autorités. Le marché belge est ce qu’il est : vous avez une économie ouverte, l’accès au marché est bon, … Une direction vers laquelle les autorités devraient s’engager est certainement la fiscalité (la réforme de l’impôt de sociétés, NDLR). Mais si vous regardez les autres pays dans lesquels nous opérons, vous voyez émerger un écosystème. Je ne parle pas seulement des assureurs ou des courtiers, mais aussi des juristes, des comptables, des auditeurs spécialisés dans les métiers de l’assurance. Quand vous regardez ici, vous avez sur 400 yards (365 m, NDLR) des milliers de personnes qui font partie d’un écosystème de l’assurance. Je ne m’attends pas à ce qu’un modèle de cette taille émerge à Bruxelles. En revanche, que Bruxelles soit plus attrayante, oui.

Justement, la City. Son avenir est compromis par le Brexit ?

Clairement, Londres restera un centre financier majeur. En termes d’infrastructure, de personnel, … beaucoup d’éléments militent en sa faveur. Cependant – cela dépend évidemment de la manière dont les négociations seront menées-, le Brexit pourrait avoir un impact. Par exemple : un des fondements de la City est sa capacité à attirer des capitaux venant du monde entier et à les gérer ici. Si, en raison de la tournure que pourraient prendre les négociations, certains fonds dispersent leurs avoirs, l’activité ici devrait s’en ressentir. Mais cela ne devrait pas modifier notre politique qui est d’attirer des capitaux étranger. Pas seulement en provenance d’Europe, mais d’Asie, d’Amérique latine,…

Le Lloyd’s présente une image de traditions parfois séculaires. Avez-vous besoin de dépoussiérer votre modèle, de le rendre les processus plus “digitaux” par exemple ?

Oui, oui et… oui. Lloyd’s a plus de 300 années d’existence et véhicule un héritage, c’est certain. Mais nous avons un impératif absolu de modernisation, non seulement pour ce qui concerne les processus et les transactions, mais aussi par l’emploi de disruptives dans les paiements, les contacts entre les acteurs … Ce sera un défi crucial. Ce ne sera pas simple. Mais ce qui est intéressant, aujourd’hui c’est qu’il existe à la fois un réel consensus au sein de nos membres et que le calendrier est propice à de tels changements.

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