Le “minage” du bitcoin, une plaie pour la planète ?

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L’activité de “minage” demande une grande quantité d’électricité pour faire fonctionner la cryptomonnaie. Mais il existe en réalité peu de certitudes sur la pollution réelle du bitcoin.

On pensait l’affaire entendue : le bitcoin est une aberration écologique. Si c’est une révolution monétaire ou technologique, elle ne sera pas verte, mais plutôt noire comme le charbon. Une seule transaction consomme autant d’électricité qu’un ménage américain en une semaine ! Pis, les ” mineurs “, en majorité chinois, brûlent du charbon à tout-va. A l’heure des conférences sur le climat, il faut d’urgence enterrer le bitcoin, pour le bien de la planète et de nos poumons. Explications pour comprendre les enjeux énergétiques qui polluent la notoriété du bitcoin.

De combien d’électricité le bitcoin a-t-il besoin ?

Il existe en réalité sur le sujet peu de certitudes. Si ce n’est celle que le bitcoin consomme beaucoup d’énergie. Pour valider les transactions et les inscrire dans la blockchain, le réseau fait tourner des ordinateurs (des ” mineurs “) qui doivent résoudre un problème mathématique. Plus il y a d’ordinateurs sur le réseau, plus ledit réseau consomme et plus il est sécurisé. Un hacker aurait besoin de doubler la puissance de calcul pour pirater la blockchain et la modifier.

Il est cependant impossible de donner la consommation exacte du réseau : ” Aucun ‘mineur’ ne révèle le matériel qu’il utilise, car ce serait donner des informations à la concurrence “, rappelle Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner et président de l’association La Chaintech. De fait, tous les chiffres qui circulent ne sont que des estimations prenant la moyenne d’une fourchette. Selon le site Digiconomist, décrié par les acteurs du secteur, la consommation totale du réseau serait légèrement inférieure à celle du Danemark.

Le deuxième point sensible concerne la production de cette électricité. Est-elle polluante ? Oui, répondent une majorité d’analystes. Cinquante-huit pour cent des ” mineurs ” sont en Chine, selon une étude de l’université de Cambridge sur les cryptomonnaies, devant les Etats-Unis (16%). Le pays fournit à lui seul 80 % de la puissance de calcul nécessaire au bon fonctionnement du bitcoin. Dans ce pays, les centrales à charbon, très sales, fournissent 60 % de l’électricité.

Le bitcoin pollue, c’est une certitude. Mais il n’en existe pas beaucoup d’autres. On sait seulement que les ” mineurs ” recherchent avant tout à s’implanter là où l’électricité est abondante et la moins chère, et où les températures sont fraîches pour refroidir les fermes à moindre coût, comme au Canada. En Chine, ce n’est pas toujours le cas près des centrales à charbon, mais aussi au pied des barrages hydrauliques comme dans la région du Sichuan. ” Les ‘mineurs’ exploitent les surcapacités dans certaines régions (issues de centrales […] construites pour approvisionner des projets industriels qui n’ont jamais vu le jour) pour ‘miner’ et éviter que l’énergie ne soit entièrement perdue “, analyse l’étude de Cambridge. En Islande, la géothermie est une des principales sources d’énergie.

La monnaie traditionnelle pollue-t-elle moins ?

En somme, le bilan carbone du bitcoin n’est pas aussi noir qu’on pourrait le croire. Surtout, il ne l’est pas forcément plus que le système financier actuel. Selon des estimations, miner de l’or est plus énergivore. Sans compter la consommation des banques, celle pour imprimer des billets et pour les transporter, etc. Sur la question énergétique, ” le débat est biaisé par une querelle idéologique, déplore Alexandre Stachtchenko, le bitcoin consommera toujours trop d’énergie pour ceux qui le jugent inutile “.

Il existe toutefois des solutions techniques : augmenter la taille des blocs ou passer d’un système de proof of work à un système de proof of stake, où chaque ” mineur ” doit remettre en jeu une partie de ses actifs, confisqués en cas de triche. Mais une partie de la communauté refuse de faire évoluer le protocole pour préserver la sécurité du bitcoin. Jusqu’à présent, seul le système énergivore de proof of work a fait les preuves de sa robustesse. C’est grâce à toute cette énergie et c’est ” parce que tous les ordinateurs protègent le réseau que le bitcoin a autant de valeur “, analyse un consultant d’Harwell Management.

Les autorités chinoises ne s’y sont pas trompées. En cherchant à débrancher les ” mines ” et en interdisant aux centrales hydroélectriques du Sichuan de fournir toute énergie aux fermes de ” minage “, elles ne s’attaquent pas seulement à une industrie au chiffre d’affaires cumulé de 2 milliards de dollars depuis 2010, mais aussi à la vraie valeur du bitcoin.

Par Etienne Goetz.

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