Le Luxembourg et l’Autriche abandonnent le secret bancaire

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Il devient de plus en plus difficile de préserver son anonymat en se réfugiant à l’étranger. Les derniers tenants du secret bancaire en Europe rendent les armes.

Les ministres des Finances de l’Union européenne ont réussi à convaincre l’Autriche et le Luxembourg de ne plus bloquer le projet d’extension la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne. Ce texte, sur la table depuis 2008, a pour but d’obliger l’Europe à passer à l’échange automatique d’informations, tant sur les comptes d’épargne ou les obligations classiques que sur certains produits plus sophistiqués, et surtout sur les versements effectués par les trusts et diverses fondations. Jusqu’à présent, l’Autriche et le Luxembourg refusaient cette extension et continuaient ainsi à préserver leur secret bancaire : les clients non-résidents percevant des intérêts dans ces deux pays subissaient une retenue à la source de 35 %, mais en échange, ils pouvaient rester anonymes aux yeux de leur administration fiscale.

Le Luxembourg, voici plus d’un an, avait déjà dit qu’il voulait passer à l’échange automatique d’informations pour 2015. L’Autriche était plus réticente. Vienne n’a toutefois pas pu résister à la pression européenne, mais aussi internationale : sur pression du G20, une majorité de pays doivent adopter d’ici l’an prochain un standard d’échange automatique d’informations beaucoup plus large que la directive européenne, car il s’agira d’échanger tout type d’informations sur des revenus perçus par des personnes physiques.

Un maillage de directives “Concrètement, l’épargnant européen a de moins en moins de chances de passer au travers des mailles du filet, note l’avocate fiscaliste Sabrina Scarna, du cabinet Tetra Law. L’extension de la directive épargne était normale, observe-t-elle : il était tellement facile d’éviter la directive (qui initialement ne s’appliquait qu’aux revenus d’intérêts des produits bancaires, Ndlr). Aujourd’hui, on élargit le concept de produits d’intérêts à tous les titres de créances générant une plus-value. Tout aussi important, les épargnants qui pensaient éluder l’impôt en passant par des structures (trust, etc.) ne le pourront plus.” Car à côté de la directive épargne, il existe une autre directive contre le blanchiment des capitaux. Elle oblige les bénéficiaires économiques finaux de trusts, de fondations, etc. à être identifiés. “A cela s’ajoute aussi une troisième directive, concernant l’entraide administrative, poursuit Sabrina Scarna. Elle prévoit l’échange automatique d’informations sur d’autres formes de revenus que les revenus visés par la directive épargne, à compter du 1er janvier 2015. Il s’agit des revenus professionnels, des jetons de présence, des assurances-vie, des pensions et de la propriété de biens immobiliers. La Commission a présenté en juin de l’an dernier un projet pour étendre encore l’efficacité du texte de sorte que l’échange automatique d’informations s’applique également, à partir de la même date, aux dividendes, aux plus-values, aux autres revenus financiers et aux soldes des comptes.

Cela c’est sur papier. Mais l’échange automatique est-il efficace sur le terrain ? “Oui, répond Sabrina Scarna. Certains, qui croyaient être à l’abri, ont été assez surpris. Dès qu’il y a sur un compte une production d’intérêts, ne fût-ce que d’un centime, les données sont susceptibles d’être échangées.” Nous voilà prévenus…

PIERRE-HENRI THOMAS

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