La taxe sur les banques a-t-elle du plomb dans l’aile ?

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Paris et Londres voient d’un mauvais oeil le projet de taxe bancaire présenté mercredi par la Commission européenne. Les banques s’y opposent en raison des risques pour la croissance. Ce projet est-il compatible avec l’austérité ?

La taxe sur les banques divise les Européens. La Commission européenne a rendu jeudi dernier son projet, qui prévoit la création de fonds nationaux de résolution des futures crises bancaires, alimenté par les banques. Si les Etats européens ont applaudi l’idée d’une telle taxe, ils s’opposent néanmoins en grande majorité aux modalités de celle-ci.

La Grande-Bretagne et la France notamment admettent bien volontiers que les citoyens ne doivent plus payer pour les risques pris par les banques. Mais ils contestent la création d’un fonds spécifique, destiné à organiser le sauvetage des établissements financiers systémiques. Pour Christine Lagarde, ministre française de l’Economie, les revenus de la taxe devraient en effet être versés au budget des Etats, qui seront de toute façon “sollicités en cas de quasi-faillite d’une grande banque”.

La rigueur avant la régulation ?

Voici quelques semaines encore, Paris avait une position plus ambiguë, notamment sur l’affectation de ses fonds. Le gouvernement français se disait en effet en accord avec la proposition allemande d’alimenter un fonds de secours bancaire. Aujourd’hui, il n’en est donc plus question.

Il faut dire qu’en quelques semaines justement, les choses ont beaucoup changé. La crise des déficits publics est passée par là. Elle a déstabilisé l’ensemble des gouvernements qui se sont résignés à adopter massivement des plans de rigueur. Or, qui dit rigueur, dit coupe dans les dépenses publiques et hausse de la fiscalité. Ce qui risque de peser sur l’investissement, la consommation, et pourrait provoquer une panne de croissance

Un contexte qui remet en cause l’opportunité d’une taxe sur les banques pour certains économistes. A l’image de Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, pour qui “une taxe pérenne dans le temps serait très dangereuse, à cause de la raréfaction du crédit qu’elle pourrait entraîner”. Un argument largement défendu par les banques elles-mêmes, qui s’opposent fermement au projet et se disent très préoccupées par les nouvelles réglementations en cours : augmentation de fonds propres, futures normes de Bâle III ou encore la taxation des bonus.

Pour d’autres, au contraire, le risque demeure très limité. “Il ne faut pas tout mélanger, estime Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC. L’Europe risque de connaître une panne de croissance, notamment à cause de l’austérité. Mais ce n’est pas une taxe bancaire, probablement très faible, qui risque de peser véritablement sur leurs bilans. Quant aux répercussions possibles sur le crédit, elles risquent également d’être assez faibles elles aussi, étant donné les taux d’intérêts pratiqués aujourd’hui par les banques centrales.”

Faut-il craindre un enterrement de la taxe bancaire ?

Faut-il donc craindre un enterrement de la taxe bancaire ? C’est un peu tôt pour le dire. Le sujet est au menu du prochain G20 : les Etats doivent notamment se pencher sur les deux taxes proposées par le FMI. Selon la majorité des observateurs, cependant, un abandon ou une édulcoration de la taxe serait une grossière erreur. “Après la crise financière, la crise grecque a démontré une nouvelle fois l’instabilité du secteur financier, qui a dû être sauvé à grands coups de milliards, avance Augustin Landier, professeur à la Toulouse School of Economics (TSE), pour qui le projet reste d’une grande actualité. La nécessité d’une taxation est donc d’autant plus urgente.”

Selon l’économiste, seraient seulement en débat aujourd’hui les questions de l’importance de la taxe et de son affectation. Avec le risque que, pour combler leurs déficits, les Etats oublient les bases d’une bonne régulation financière. “La crise a montré à quel point les gouvernements étaient dépendants de l’opinion publique et de la pression de leur industrie financière, nous expliquait récemment Jean-Charles Rochet, spécialiste de la régulation financière à la TSE. La régulation, comme d’autres choses, doit être l’affaire d’institutions macro-prudentielles indépendantes.”

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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