La séparation des banques en marche

Chargé de plancher sur la délicate question de la scission des banques, le rapport Liikanen ne préconise pas de couper les grandes banques en deux mais d’isoler les activités de marché les plus risquées.

Commandé par le commissaire européen au marché intérieur et aux services Michel Barnier, le très attendu rapport du groupe d’experts dirigé par Erkki Liikanen, gouverneur de la banque centrale finlandaise, est sorti. Pour éviter que le contribuable ne soit à l’avenir à nouveau obligé de voler au secours des banques considérées comme trop grosses pour faire faillite (too big to fail), il recommande d’isoler au sein d’une entité distincte les activités les plus risquées. Objectif ? Eviter que ces dernières ne contaminent les métiers plus traditionnels de la banque de détail. Et mettre ainsi à l’abri les dépôts des épargnants garantis par les pouvoirs publics. Le tout avec une construction basée sur le principe de celle des sous-marins, dotés de compartiments étanches censés empêcher qu’une fuite dans l’un provoque des dommages dans les autres.

Ce faisant, les recommandations du rapport Liikanen se démarquent des voies choisies par la règle Volcker aux Etats-Unis et la réforme Vickers en Grande-Bretagne. Du nom de l’ancien président de la banque centrale américaine (Paul Volcker), la réforme américaine prévoit l’interdiction du trading que les banques réalisent pour elles-mêmes et non pas pour un client (ce que dans le jargon on appelle le trading pour compte propre). Avec la réforme Vickers, les Britanniques, eux, ont opté pour le “cloisonnement” des activités de banque de détail. A l’inverse de l’Europe continentale qui prend le chemin de l’isolement des activités de marché.

S’inspirant avec prudence de la règle Volcker et des dispositions de la commission Vickers (du nom de son président John Vickers), les sages européens ne retiennent donc pas l’idée d’une séparation claire et nette du type Glass-Steagall (Ndlr, instauré en 1933 aux Etats-Unis avant d’être aboli en 1999). Comme le craignaient certains, partisans d’une séparation drastique, à leurs yeux seul rempart efficace contre les grosses déconfitures bancaires. Résultat ? De l’interdiction pure et simple des opérations les plus spéculatives à l’américaine au cantonnement de la banque de la banque de détail à la britannique en passant par la solution intermédiaire préconisée par Bruxelles, ce sont trois formules qui sont maintenant sur la table. Pas simple de protéger les déposants ! Il faut dire que le lobby bancaire est omniprésent. Il défend avec force son modèle de banque universelle (combinant d’un côté la banque de proximité, qui récolte les dépôts des particuliers et des entreprises et les transforme en prêts à long terme, et de l’autre des activités plus risquées). Une garantie européenne des dépôts dont on parle dans le cadre de la future union bancaire est pourtant difficilement envisageable sans une scission préalable des banques. Ne pas couper les banques en deux aggraverait l’aléa moral, estiment les défenseurs d’un Glass Steagall à l’européenne, pour qui seule une séparation claire et nette s’attaque au coeur du problème : la taille des banques. Rappelons que c’est précisément comme contrepartie politique à la création de la garantie des dépôts que le Glass-Steagall Act avait été mis en place aux Etats-Unis. Sans scission, les contribuables belges sont-ils prêts à renflouer les grandes banques universelles françaises ou allemandes ?

Sébastien Buron

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