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“La punition des Grecs n’a-t-elle pas assez duré ?”

Les ministres européens des Finances et le Fonds monétaire international (FMI) viennent de trouver un accord sur les nouvelles réformes à imposer à la Grèce pour que le pays puisse continuer à bénéficier du dernier plan d’aide mis sur pied en 2015.

Cet argent n’est en effet accordé que si la Grèce peut prouver qu’elle a bien suivi la feuille de route tracée par ses créanciers. Or, même si Athènes avait dépassé les objectifs (les finances publiques affichent un excédent primaire, hors charges d’intérêt, compris entre 2 et 3 % du PIB), le compte était bloqué parce que ces créanciers se crêpaient le chignon. Les Européens ne voulaient pas entendre parler d’un abandon partiel de la dette grecque, qui pèse encore 174 % du PIB. Et le FMI estimait le pays toujours insolvable et ne voulait donc pas continuer à jouer dans cette pièce.

Il y avait donc deux solutions pour emporter l’adhésion du Fonds. Soit les Européens acceptaient de tirer un trait sur une partie de la dette grecque. Soit il fallait demander un nouvel effort d’austérité à un pays déjà exsangue et une économie qui n’a plus la force de retrouver la croissance : après avoir baissé de 25 % entre 2010 et 2014, le PIB grec a stagné ces deux dernières années.

Pourquoi les Européens continuent-ils à imposer aux Grecs ce traitement désespérant et irrationnel ?

C’est la deuxième solution qui a été choisie : FMI et Européens vont donc demander aux Grecs 3,6 milliards d’économie en plus en sabrant à nouveau dans les retraites, en abaissant le seuil à partir duquel les ménages les plus modestes sont exonérés d’impôt et en renforçant la libération du marché du travail (comprenez : en abaissant encore les salaires réels).

Certains diront : ” C’est dur, mais il faut bien réformer un pays qui souffre d’un handicap de compétitivité et s’adonne à des dépenses sociales somptuaires. ” C’est oublier que les dépenses sociales de la Grèce ne représentent aujourd’hui que 26 % de son pauvre PIB (la moyenne de la zone euro tourne autour de 29%) et que l’ajustement de l’économie a été réalisé depuis longtemps : la productivité grecque représente 60 % de la productivité allemande, mais le salaire horaire allemand s’élève à 16,21 euros contre seulement 9,52 euros en Grèce.

D’autres ajouteront : ” Mais regardez, ces remèdes ont fonctionné en Espagne et au Portugal “. C’est oublier que la forte croissance espagnole (3,2 % ces deux dernières années) est à mettre, au deux tiers, sur le compte de la reprise de la demande intérieure et d’un allègement de l’austérité. D’ailleurs, l’Espagne accuse encore aujourd’hui un déficit public de 4,5 % du PIB. De même au Portugal : depuis l’arrivée d’Antonio Costa au gouvernement fin 2015, Lisbonne a desserré son étreinte budgétaire (les retraites et les salaires ont retrouvé leur niveau d’avant la crise), ce qui a permis au pays d’engranger une croissance de 1,4 % et de maintenir un déficit public dans les clous (- 2,5 % du PIB).

En empêchant les Grecs de consommer, en poussant le taux de chômage à 23,6 % (encore aujourd’hui) et en provoquant des dizaines de milliers de faillites, la ” troïka ” (FMI, BCE et Commission européenne) a tout bonnement cassé la machine économique. Un quatrième plan de sauvetage paraît inévitable.

Pourquoi, dès lors, les Européens continuent-ils à imposer aux Grecs ce traitement désespérant et irrationnel ? Un effacement partiel de la dette voici cinq ans aurait coûté moins cher au contribuable européen. La seule explication est d’ordre ” moral “. Comme l’avait très élégamment dit Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, voici quelques semaines, un flambeur ne peut pas dilapider tout son argent en ” schnaps et en femmes, et ensuite demander le soutien ” de l’Europe. Il lui faut donc expier. Mais avec la moitié de sa jeunesse au chômage, l’impossibilité de recouvrer avant des décennies son niveau d’activité d’avant-crise, des dizaines de milliers de citoyens en exil, un taux de suicide en augmentation de 35 % sur cinq ans et une mortalité infantile en hausse de 40 %, la Grèce n’est-elle pas suffisamment punie ?

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