La finance est-elle sortie du purgatoire ?

© Thinkstock

Contre toute attente ou presque, surtout après un début d’année catastrophique, les valeurs financières caracolent en tête du classement des secteurs en 2011. Simple anecdote de l’Histoire pour ce secteur meurtri ou signe d’un retour en grâce après trois années de purgatoire ?

A tout seigneur tout honneur, nous entamerons ce passage en revue du secteur financier par le monde des assurances qui, avec une hausse de plus de 16,5 % en 2011, peut s’enorgueillir du titre de meilleur secteur en Europe, après 4 années de sous-performance par rapport à l’indice large européen, le Stoxx 600. Le processus Solvency II, lancé en 2003, a renforcé et prolongé les effets de la crise financière.

Pour rappel, Solvency II doit déboucher sur une modification complète de l’approche de la solvabilité des compagnies d’assurance et de réassurance européennes, les exigences devant être basées sur les risques (à l’image des normes Bâle pour les banques) et non plus sur les montants des primes et des sinistres, comme dans le cadre de Solvency I.

Durant la crise et au sortir de celle-ci, le Comité européen des superviseurs d’assurances (remplacé début 2011 par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, AEAPP), qui pilote la création des normes, avait profité du climat ambiant pour serrer la vis mais le lobby des assureurs a permis à ces derniers d’obtenir quelques concessions, même si le principe de base demeure : un coefficient Value at Risk de 0,5 % (soit 1 sur 200), ce qui signifie que les compagnies devront avoir suffisamment de fonds propres pour demeurer solvables la pire année possible sur une période de 200 ans.

L’enjeu se situe évidemment au niveau de la définition des fonds propres (notamment le rapport entre le noyau dur, essentiellement les actions, et les fonds propres au sens large) et de la détermination des risques liés à chaque actif.

Assurances : une opportunité

Après le tollé qu’ont provoqué parmi les assureurs les pré-spécifications de la QIS5, les spécifications définitives ont été adoucies et mieux accueillies. Pas moins de 70 % des assureurs ont ainsi participé à la QIS5 (contre 33 % pour la QIS4). Le lobby n’a toutefois pas perdu de sa vigueur, même si ce ne sont plus seulement les exigences qui sont ciblées mais également l’implémentation et l’application des normes. Selon Jean-Christophe Menioux, “on a parfois complexifié des choses simples”, un point de vue partagé par la Commission européenne. À noter que le document reprenant les spécifications techniques compte pas moins de 330 pages… Il est donc probable que l’AEAPP adoucisse à nouveau quelque peu la pilule, principalement en simplifiant les normes et/ou en allongeant la période transitoire.

Les craintes de recapitalisations massives s’estompent donc. Les analystes de JP Morgan Chase vont même plus loin, en considérant Solvency II comme une opportunité d’investissement. Nous rejoignons cette analyse, la crainte des nouvelles normes de solvabilité ayant fait pression sur les cours depuis le début du redressement boursier. À court terme, une correction temporaire est certes probable mais à moyen terme, le potentiel demeure important. Nous vous conseillons toutefois de vous intéresser essentiellement aux principaux acteurs du secteur, comme Axa ou Allianz, plus aptes à faire entendre leur voix auprès de la Commission européenne au cas où l’un ou l’autre point des normes les désavantagerait.

Banques : une sévérité de façade

Le cauchemar des banquiers a pour nom Bâle III, les nouvelles normes de solvabilité dont la création est motivée par la crise financière et qui concernent la quasi-intégralité des établissements à travers le monde.

Les lobbys bancaires sont toutefois parvenus à obtenir de substantiels aménagements, à telle enseigne que la version finale publiée par le Comité de Bâle à la fin 2010 s’avère nettement moins contraignante que prévu, notamment grâce à la prolongation de la période transitoire. Les minimas (voir encadré “Normes Bâle III”) seront ainsi progressivement relevés entre 2013 et 2015. A noter qu’en raison du durcissement des normes de calcul des fonds propres (exclusion de certains instruments hybrides) et de la détermination de la valeur des actifs pondérés par les risques, les minimas Bâle II de 2 % pour les actions ordinaires et 4 % pour le Tier 1 correspondent à des ratios d’environ 1 et 2 % suivant Bâle III.

Le renforcement des exigences peut donc sembler important (de 1 à 4,5 % et de 2 à 6 %), mais il ne l’est pas. La Banque des règlements internationaux (BRI) a en effet déterminé, dans une enquête menée auprès de 263 établissements, que les groupes bancaires affichaient en moyenne, fin 2009 déjà, un ratio d’actions ordinaires de 5,7 % suivant les nouvelles normes. Les banques n’atteignant pas le minimum devraient lever au total 165 milliards d’euros, soit moins que les 209 milliards d’euros de bénéfices générés en 2009 par les banques sondées. Même en tenant compte du volant de conservation de 2,5 % qui sera progressivement introduit entre 2016 et 2019, les fonds propres “actions ordinaires” affichent un manque de 577 milliards d’euros, représentant moins de 3 fois le bénéfice 2009 (et probablement à peine le double des profits 2010).

Report aux calendes grecques

Les ratios de liquidité, qui doivent permettre aux banques de faire face à des crises de liquidités (retraits massifs, fermeture du marché interbancaire, etc.), ne seront eux aussi applicables que dans plusieurs années : 2015 pour le ratio de liquidité à court terme (LCR, liquidity coverage ratio) et 2018 pour le ratio de liquidité à long terme (NSFR, net stable funding ratio). L’étude d’impact de la BRI révèle qu’à la fin 2009, les banques affichaient un LCR de 83 % et un NSFR de 93 %, exigeant donc des efforts relativement peu intenses pour atteindre le minimum de 100 %.

Le levier, qui doit limiter les engagements bilantaires et hors-bilan des banques, fera l’objet de tests entre 2013 et 2017 et entrera en vigueur au plus tôt en 2018, laissant au secteur plus de temps qu’il lui faut pour en adoucir les effets. La dimension macroprudentielle de Bâle III, au travers d’exigences renforcées pour les établissements présentant un risque systémique (pouvant provoquer un effet domino), a également été reportée de plusieurs années et ne sera sans doute pas d’application avant 2019.

Écot au pot public

Le durcissement de la réglementation s’étant également émoussé, les principaux problèmes du secteur bancaire sont devenus la crise des dettes souveraines et les taxes. Concernant les dettes des pays périphériques de la zone euro, on assiste depuis quelques semaines à une accalmie, les marchés ayant été rassurés par les ventes réussies d’obligations par l’Espagne et le Portugal en début d’année. De nouveaux soubresauts ne sont certes pas à exclure mais aucune perte significative ne semble être à craindre. Les banques centrales ont de plus démontré leur détermination à éviter tout défaut.

Concernant les nouvelles taxes, plusieurs pays européens ont effectivement mis les banques à contribution mais force est de constater que les montants en jeu, qui ne dépassent pas 10 à 15 % des bénéfices, sont loin d’obérer les profits du secteur.

Miser sur l’Europe

Nous comprenons donc l’optimisme des marchés, qui a provoqué un rebond de 15 % des valeurs bancaires européennes depuis le début de l’année. Une correction intermédiaire étant probable à court terme, nous vous conseillons d’entrer progressivement dans le secteur. À noter que nous délaissons plutôt les institutions américaines, qui ont déjà repris beaucoup plus de hauteur : +18,7 % en moyenne en 2010, contre -11,6 % pour leurs consoeurs du Vieux-Continent.

Notre préférence va tout d’abord à l’espagnol Banco Santander. La situation délicate de l’Espagne a longtemps fait pression sur le cours et les bénéfices (profit net en baisse de 8,5 %, à 8,2 milliards d’euros, en 2010) alors que le groupe recueille désormais plus de 40 % de ses revenus en Amérique latine, région de croissance par excellence au niveau financier. Dans le détail, Santander est leader en Espagne, en Argentine et au Chili, numéro 3 au Royaume-Uni, au Mexique et au Brésil et est largement actif en Allemagne et aux Etats-Unis. Sa valorisation demeure tout à fait attractive malgré le rebond du titre cette année et la solvabilité plus qu’acceptable, avec un ratio de fonds propres de base (suivant Bâle II) de 8,8 %.

Notre second conseil est BNP Paribas. La banque française a su profiter de la crise en s’installant confortablement sur le marché belge via le rachat de Fortis Banque. Elle peut de plus s’enorgueillir du titre de première banque européenne par les dépôts, un atout considérable au niveau du financement. Son bénéfice net est ressorti légèrement inférieur aux attentes en 2010 mais à 7,8 milliards d’euros, il demeure solide. Le groupe pourrait d’ailleurs profiter de la faiblesse de certains établissements (ou des ventes imposées par la Commission européenne) pour s’implanter sur de nouveaux marchés.

KBC et Dexia ne sont pas dénués d’intérêt mais nous les considérons plus comme des paris sur une nouvelle consolidation du secteur bancaire en Europe que comme des acteurs réellement prometteurs pour leurs qualités intrinsèques. KBC a dû/doit en effet céder plusieurs de ses pépites, tandis que Dexia peine à boucler le financement à long terme de sa division “collectivités publiques”.

Cédric Boitte

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content