La fin de l’euro : une hypothèse vraiment impensable ?

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L’idée semblait saugrenue voici un an. Voici qu’elle intéresse aussi les économistes européens et nourrit des livres, dont “Het einde van de euro”, de notre confrère Johan Van Overtveldt, qui sort cette semaine. Même s’ils n’y croient pas, les gouvernements doivent envisager un plan B.

Autrefois tabou, le ton change progressivement à propos du détricotage de la zone euro. Jusqu’ici, cette thèse semblait surtout émaner de critiques d’outre-Atlantique, comme Nouriel Roubini, un économiste de la New York University habitué aux prévisions apocalyptiques, ou le Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Vue d’Europe, l’annonce de la mort programmée de l’euro s’inscrivait dans le droit fil des critiques qui ont toujours fleuri aux Etats-Unis contre cette monnaie rivale du dollar.

Après un an et demi de soubresauts autour de l’euro et des dettes publiques, le sujet n’est plus aussi saugrenu. Même les experts les plus favorables à l’euro évoquent la fin de la monnaie unique. “La sortie de l’euro, je n’y crois pas, affirme André Sapir, professeur d’économie à l’ULB, et senior fellow au think tank Bruegel, mais tous les gens sérieux, y compris les institutions, savent que c’est une possibilité que l’on ne peut ignorer. N’importe quel responsable doit avoir un plan B pour ne pas être pris de court. Il y a un an, je n’aurais jamais dit ça.” Cela va du scénario minimal de la sortie de la Grèce de l’euro à celui de la fin de la monnaie unique.

Paul De Grauwe, professeur à la KULeuven (et bientôt à la London School of Economics), est encore plus net. “La sortie de l’euro est devenue possible, même si elle reste peu probable, car on fait tout pour aller dans cette direction. Les décisions prises dans les sommets européens sont insuffisantes.” En effet, les sommets européens se succèdent et imaginent des dispositifs pour aider les pays de la zone euro qui ont des difficultés à financer leur dette publique sur les marchés. La réunion du 27 octobre a accouché d’un mécanisme pour augmenter de 440 milliards d’euros à 1.000 milliards la capacité de prêts aux Etats. “C’est encore trop peu pour affronter un souci avec l’Italie, qui a 1.900 milliards d’euros de dettes, et le mécanisme, basé sur un système d’assurance, est trop sensible aux chocs de liquidités. C’est une structure financière d’actifs toxiques !”

Scénarios MOS, TOS et ROS

Le jugement est peut-être excessif, car le mécanisme de financement n’est pas encore vraiment défini. Mais les progrès incertains enregistrés depuis le déclenchement, voici un an et demi, de la crise grecque, ouvrent la porte à des hypothèses “impensables”. C’est notamment le cas de Johan Van Overtveldt, rédacteur en chef de Knack et de Trends Magazine. Dans un ouvrage intitulé Het einde van de euro (*), il résume le futur de l’euro en trois scénarios : MOS ( More of the Same Thing) ; TOS ( Throwing out of the System : sortie de l’euro) ; ROS ( Rebuilding of the System ; reconstruire le système).

Nous vivons maintenant le scénario MOS (traduisez : davantage de la même chose), sous la forme d’une extension des mécanismes de crédit aux pays de la zone euro en difficulté. Le scénario TOS est celui d’une fin partielle ou totale de l’euro : par le départ des pays en difficulté, comme la Grèce et le Portugal. Ou celui de l’Allemagne. Enfin, le scénario ROS consiste à revoir les règles de la zone monétaire.

Johan Van Overtveldt examine les trois hypothèses. Pour lui, “l’Europe va suivre sans doute la voie MOS à court terme. Mais cette approche laisse en suspens des problèmes fondamentaux. Des pays comme la Grèce et le Portugal n’auraient pas, à court terme, d’autre choix que sortir de l’union monétaire (proposition TOS)”.

Pour nombre d’économistes, l’hypothèse d’une fin de l’euro serait une catastrophe. Si la Grèce quittait la monnaie unique, elle courrait divers risques : fuite des capitaux, inflation, gel complet du financement. Johan Van Overtveldt estime cependant que cette option “est la moins néfaste”.

Et de citer l’exemple de l’Islande et l’Argentine. La première a laissé ses banques s’effondrer en 2008 (du moins pour leurs activités internationales) et a connu quelques années difficiles.

A présent, le pays affiche un déficit public raisonnable de 2,7 %, que la Belgique pourrait envier, et une croissance de 2,2 % du PIB (données 2011). L’Argentine a beaucoup plus souffert, mais connaît aujourd’hui une situation économique très favorable.

Tout cela ne signifie pas que la mort de l’euro est programmée ou probable. Il faut savoir distinguer ce qui relève des discours eurosceptiques, qui ont toujours existé, de l’analyse froide de ceux qui ne veulent pas être pris au dépourvu.

Robert van Apeldoorn

(*) Johan Van Overtveldt, Het einde van de euro – De onzekere toekomst van de Europese Unie, Acco Leuven/Den Haag, édité avec la collaboration de l’Antwerp Management School, 228 pages, 22,5 euros.

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