La déflation, la vraie menace!

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Les prix baissent, les entreprises tournent au ralenti et une mécanique infernale que l’on appelle déflation s’enclenche. Le Japon, qui a été frappé voici 15 ans, éprouve toujours des difficultés à s’en remettre. Ce mal sournois nous guette. Le sud de l’Europe est déjà touché.

Depuis des mois, ils sont nombreux à sonner l’alarme. L’économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), Olivier Blanchard a averti : “Cela ne fait pas de doute, le risque de déflation existe, tout particulièrement en Europe”. Et pour bien enfoncer le clou, le FMI, dans ses prévisions économiques publiées voici quelques jours, évalue désormais entre 20 et 25 % la probabilité que l’Europe subisse une baisse prolongée des prix. Certains estiment même que le FMI est trop optimiste.

“En réalité, il y a une chance sur deux pour que la déflation s’abatte sur l’Europe”, assène l’économiste français Marc Touati, président du cabinet de conseil ACDEFI et auteur, entre autres, du Dictionnaire terrifiant de la dette. Il souligne que si l’inflation dans la zone euro est encore (légèrement positive de 0,5 % en moyenne), les prix manufacturiers sont en recul et le mal frappe déjà plusieurs pays fragiles : l’inflation est négative en Grèce, à Chypre, en Bulgarie, en Slovaquie, au Portugal, en Espagne…. D’autres signes inquiètent, comme le recul du crédit bancaire, ou le faible taux d’utilisation des capacités des entreprises.

Comme une inondation Mais pourquoi cette menace fait-elle peur à ce point ? On appelle “déflation” une baisse généralisée des prix associée à l’anticipation que les prix continueront à baisser. A priori, que les prix baissent, c’est une bonne nouvelle : cela fait davantage de pouvoir d’achat pour le consommateur. Mais si les entreprises, les consommateurs, les pouvoirs publics, bref, si tous les agents économiques s’attendent à une baisse continue, l’économie se retrouve bientôt paralysée : les consommateurs remettent sans cesse leurs achats à plus tard, puisqu’ils savent que demain les prix seront plus bas qu’aujourd’hui. Du coup, les entreprises ne vendent plus et n’investissent plus. L’économie entre en récession, les salaires baissent, le chômage flambe. Le cercle infernal s’enclenche (voir le graphique “Le cercle vicieux de la déflation”), et il devient très difficile d’en sortir. Le Japon, frappé par la déflation voici 15 ans, en est encore prisonnier.

“La déflation est un phénomène simple à comprendre, explique Marc Touati. Elle survient, dit-il, quand l’offre supplante la demande.” Dans une deuxième étape, la demande s’ajuste alors vers le bas, mais cet ajustement provoque des licenciements et donc des pertes de revenus. Cette baisse des revenus engendre une baisse de la consommation et un nouveau recul de la demande… Ce mécanisme en spirale explique que la déflation soit difficile à gérer. Les autorités ont peu de moyens pour contrer le processus. “On n’en sort pas, explique encore Marc Touati. L’inflation, c’est le feu. C’est un phénomène que l’on peut éteindre, comme on étouffe un incendie : les banques centrales peuvent calmer la demande en remontant les taux d’intérêt. Mais la déflation, c’est l’eau. On ne peut rien faire contre une inondation, sinon attendre que les eaux refluent. Et la situation est pire encore lorsque l’on se trouve dans une situation de surendettement, comme aujourd’hui. Car la déflation renchérit le coût de la dette. Le coût de la dette, ce sont en effet les taux d’intérêt réels (les taux nominaux, diminué de l’inflation). Lorsque l’inflation devient négative, le taux réel devient plus élevé que le taux nominal. C’est pour cela qu’il ne faut pas attendre que la déflation soit là pour agir”, avertit-il.

Pierre-Henri Thomas

Retrouvez cette analyse complète dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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