La Chine abaisse fortement, et pour la 3e fois, le cours du yuan

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La Chine a abaissé jeudi de plus de 1% le taux de référence du yuan face au dollar, une forte réduction pour le troisième jour consécutif, accentuant de facto la dévaluation de sa monnaie, a annoncé l’opérateur national du marché des changes.

La banque centrale chinoise (PBOC) a ramené à 6,4010 yuans pour un dollar, contre 6,3306 yuans mercredi, le taux-pivot autour duquel le renminbi (autre nom du yuan) est autorisé à fluctuer, dans une fourchette quotidienne de 2% de part et d’autre.

C’est le troisième jour consécutif que l’institution réduit de façon drastique ce taux de référence, déjà abaissé de presque 2% mardi matin, puis d’environ 1,6% mercredi.

C’est la plus brutale dépréciation enregistrée par la monnaie chinoise depuis plus de deux décennies et la mise en place par Pékin du système de changes actuel.

Les annonces de la PBOC ont été considérées comme autant de dévaluations successives du yuan, même si la banque centrale s’en défend, assurant qu’il s’agit au contraire de rapprocher sa valeur des réalités du marché.

Cette soudaine dévaluation a été largement perçue comme un puissant effort de Pékin pour revigorer son commerce extérieur et stimuler une activité en plein ralentissement, et a intensifié brusquement les inquiétudes sur la santé vacillante de l’économie chinoise.

De son côté, la banque centrale avait assuré mardi qu’elle opérait simplement un “ajustement une fois pour toutes” de la façon de calculer le taux-pivot du yuan pour prendre davantage en compte les fluctuations du marché des changes.

Et que les dépréciations successives depuis mardi ne seraient que la conséquence de ce nouveau mécanisme.

Le nouveau taux de référence dévoilé mercredi était en-deçà du niveau atteint par la monnaie mercredi soir à l’issue des échanges, à 6,3870 yuans.

La Chine continue d’encadrer étroitement la convertibilité du yuan, mais en lui accordant un surcroît de flexibilité, la PBOC pourrait chercher à renforcer ses chances de lui faire intégrer le club fermé des grandes monnaies mondiales.

Pékin ambitionne ainsi d’obtenir son inclusion dans les Droits de tirage spéciaux (DTS), l’unité de compte du Fonds monétaire international actuellement composé de quatre devises (dollar, euro, livre et yen).

Mais une dépréciation prolongée et importante du yuan pourrait être à double tranchant, en encourageant les fuites de capitaux hors de Chine, en renchérissant le coût des importations du pays et en gonflant le poids des dettes en dollars des entreprises chinoises.

“Si c’est nécessaire, la banque centrale est pleinement capable de stabiliser le taux de change (du yuan) via des interventions directes sur le marché”, a d’ailleurs affirmé un économiste de la PBOC, cité par la presse officielle.

Les marchés boivent la tasse

Angoissés de voir l’un des moteurs de l’économie mondiale donner de sérieux signes d’essoufflement, les marchés financiers avaient déjà très mal réagi mercredi à la deuxième dévaluation en deux jours de la monnaie chinoise.

Dans une semaine qui s’annonçait comme une des plus calmes de l’année, en plein coeur de l’été, la décision de Pékin d’abaisser le niveau de référence du yuan, pour tenter de relancer son activité en plein trou d’air, a fait l’effet d’une douche froide.

Mercredi sur les marchés mondiaux, le résultat a été sans appel: les Bourses asiatiques ont accusé le coup – Tokyo a clôturé en baisse de 1,6%, Hong Kong de 2,38% et Shanghai de 1,06% – et les Bourses européennes leur ont emboîté le pas avec des baisses encore plus sévères.

La Bourse de Paris a ainsi fini sur une chute de 3,40%, celle de Francfort de 3,27% et Londres de 1,40%.

Wall Street a fini sans tendance mercredi, relativisant ses inquiétudes de la journée face à la dévaluation du yuan. L’indice vedette Dow Jones Industrial Average a cédé 0,33 point à 17.402,51 points, et le Nasdaq, à dominante technologique, a pris 7,60 points à 5.044,39 points.

“Le marché s’était dit que les autorités resteraient tranquilles pendant quelques jours après la première dévaluation mais la deuxième a surpris parce qu’elle est très rapprochée”, résume Alexandre Baradez, un analyste de IG France.

“Les marchés pâtissent clairement de cette deuxième dévaluation”, note également Mikaël Jacoby, responsable du courtage Europe continentale d’Oddo Securities.

Même si ce double geste “laisse présager de bonnes choses à moyen et long terme avec plus de compétitivité et d’investissements pour le pays, très concrètement les sociétés actives en Chine vont devoir réviser à la baisse les chiffres d’affaires liés au pays”, développe-t-il, et “donc forcément les marchés s’ajustent”.

Les investisseurs jouent la sécurité

A l’inverse le marché de la dette souveraine, traditionnel refuge en cas d’agitation, a bénéficié d’un mouvement de repli des investisseurs à la recherche de sécurité.

A la clôture du marché européen à 18H00 (16H00 GMT) le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne s’est détendu à 0,605% contre 0,632% la veille. Celui des États-Unis évoluait dans la même direction à 2,086% (contre 2,141%).

Sur le marché obligataire, plus un titre est recherché plus son prix monte et plus son taux d’intérêt baisse.

Par contre, les prix du pétrole se reprenaient un peu après avoir aux aussi souffert de la décision de la Chine, grande consommatrice de matière premières, aidés par un accès de faiblesse du dollar et un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) confiant sur la demande mondiale.

Sur le marché des changes, la décision chinoise mettait sous pression les devises des pays émergents, à l’instar du rouble russe en plein dégringolade ou du ringgit malaisien qui a touché son plus bas niveau en 17 ans face au dollar mercredi. L’euro montait pour sa part face à un dollar affaibli. Vers 17H30 (15H30 GMT) la monnaie unique européenne valait 1,5660 dollar contre 1,1042 dollar mardi vers 21H00 GMT.

“La Chine semble s’être découvert une passion pour les interventions sur les changes”, a commenté Chris Beauchamp, un spécialiste des changes de la société IG, pour qui “si le spectre d’une guerre des monnaies était inquiétant mardi, il semble palpable” mercredi.

La question désormais sur toutes les lèvres est de savoir si les autorités chinoises vont en rester là.

“Même si les autorités chinoises ont réellement besoin d’un yuan plus faible, elle ne devraient pas laisser la monnaie se déprécier fortement”, estime Patrick Jacq, un spécialiste de la dette de BNP Paribas.

Un avis partagé par les analystes d’Aurel BGC: “Pékin ne voudra sans doute pas donner l’impression que la baisse du yuan est partie pour durer, ce qui pourrait provoquer une accélération des sorties de capitaux”.

Avec l’Afp

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