La Chine abaisse encore fortement le yuan et inquiète les marchés mondiaux

© Reuters

Pékin a de nouveau abaissé fortement ce mercredi le cours du yuan face au dollar, accentuant de plus belle la dévaluation de la monnaie chinoise et faisant trébucher les marchés mondiaux, qui y voient un signal inquiétant sur la santé de la deuxième économie mondiale.

La banque centrale chinoise (PBOC) a réduit de 1,62% le taux-pivot autour duquel le renminbi (autre nom du yuan) est autorisé à fluctuer au sein d’une étroite fourchette, le ramenant à 6,3306 yuans pour un dollar, contre 6,2298 yuans mardi.

L’institution avait déjà réduit mardi de presque 2% ce taux de référence.

La banque centrale cherchait néanmoins mercredi à rassurer: “Vu la situation économique et financière dans le monde et en Chine, il n’y a pas de fondement pour une dépréciation continue”, soulignait-elle.

Peine perdue, la monnaie chinoise ne s’en est pas moins écroulée de plus belle sur le marché des changes: mercredi à la mi-journée, elle s’échangeait à quelque 6,44 yuans pour un dollar, au plus bas depuis l’été 2011.

Cette brutale dévaluation continuait de faire trébucher les Bourses et les cours des matières premières, dont la Chine est grande consommatrice.

La décision de la PBOC a en effet été largement perçue comme un appui désespéré des autorités pour revigorer le commerce extérieur chinois après un effondrement des exportations en juillet, ravivant les inquiétudes sur le géant asiatique.

D’autant que l’affaiblissement du yuan, en renchérissant pour la Chine le coût de ses importations libellées dans d’autres devises, pourrait plomber la demande du pays.

Dilemme

La banque centrale, cependant, s’est bien gardée de parler de “dévaluation”, un terme susceptible d’évoquer les prémisses d’une “guerre des devises”, et a pointé un simple ajustement technique.

Le niveau de référence du yuan qu’elle publie chaque matin reflète désormais la clôture des échanges la veille, l’offre et la demande, et les mouvements des grandes devises étrangères, a-t-elle expliqué.

La baisse de mardi était donc “un ajustement unique” à la réalité du marché, non destiné à se répéter, avait affirmé la PBOC.

Mais la nouvelle réduction dévoilée mercredi a accéléré la dégringolade de la monnaie, avec le risque de précipiter des dévaluations en représailles de la part d’autres pays soucieux de défendre leur compétitivité.

“La PBOC faisait face à un dilemme”, décrypte Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.

“Si elle n’abaissait pas à nouveau son taux-pivot pour intégrer la chute du yuan mardi dans les échanges, cela aurait signifié qu’elle renonçait déjà à sa promesse de tenir compte du marché”, observe-t-il.

“Mais d’un autre côté, elle risque d’invalider son affirmation que l’action de mardi était un ajustement +une fois pour toutes+ et de conforter l’idée que ce n’est que le début de dévaluations successives”.

‘Etape positive’

De l’avis des analystes, cependant, la banque centrale cherche surtout, en offrant plus de flexbilité au renminbi, à renforcer les chances de le voir rejoindre le club fermé des grandes monnaies mondiales.

Pékin ambitionne ainsi de faire inclure le yuan dans les Droits de tirage spéciaux (DTS), l’unité de compte du Fonds monétaire international (FMI), composée actuellement de quatre devises (dollar, euro, livre et yen).

Or le FMI, qui doit se prononcer en novembre sur la question, a posé ses conditions, exigeant que la monnaie chinoise suive les fluctuations du marché et soit “librement utilisable”.

Le Fonds a certes salué comme une “étape positive” les mesures de la PBOC… tout en précisant qu’elles n’auraient pas “d’implication directe” sur sa décision.

De leur côté, les Etats-Unis ont prudemment commenté la dévaluation, qui risque de plomber leurs exportations mais qui répond en partie à leurs exigences sur une convertibilité plus libre du yuan.

Pour autant, Pékin pourrait être tenté d’éviter une glissade durable et prononcée du renminbi.

Celle-ci serait à double tranchant, en accélérant les flux de capitaux hors de Chine, de la part d’investisseurs inquiets de voir fondre la valeur de leurs actifs, et en gonflant les dettes libellées en dollars des entreprises chinoises.

“Les autorités pourraient donc intervenir en coulisses ces prochains jours, probablement via des achats de devises”, pour donner le signal qu’il ne faut pas s’attendre à voir le yuan chuter indéfiniment, estimait Julian Evans-Pritchard.

Avec l’AFP

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