La BCE choisit le statu quo, pour ses taux et pour la Grèce

Mario Draghi © Reuters

La Banque centrale européenne n’a pas touché ce jeudi à ses taux directeurs, abaissés début mars à des niveaux historiquement bas, et n’a pas fait d’annonce sur la Grèce, envers laquelle beaucoup espéraient un geste.

La BCE attend la mise en oeuvre effective d’un certain nombre de mesures et réformes en Grèce avant de rétablir un mécanisme qui facilite le financement des banques hellènes, a déclaré son président Mario Draghi jeudi. Beaucoup d’observateurs, mais aussi les responsables grecs, comptaient sur ce geste déjà ce jeudi.

Le sujet a effectivement été abordé au cours de la réunion du conseil des gouverneurs à Vienne, a dit M. Draghi, mais aucune décision n’a été prise.

“Quand les actions préalables auront été mises en oeuvre, le conseil des gouverneurs prendra une décision qui conduira au rétablissement” de ce régime d’exception, suspendu en février 2015, a-t-il dit.

Les “actions préalables” désignent un ensemble de mesures et objectifs fixés étape par étape par les bailleurs de fonds internationaux de la Grèce, sous perfusion des Européens et du Fonds monétaire international (FMI) depuis 2010, pour permettre le déblocage de tranches successives de crédits.

Un accord il y a 10 jours sur le déblocage des prochains fonds avait fait espérer que les conditions étaient remplies pour rétablir le “waiver”, ou “dispense” dont la Grèce a bénéficié entre mai 2010 et février 2015. Ce régime permet aux banques grecques de se financer auprès de la BCE en offrant des obligations souveraines grecques en garantie, alors qu’elles sont théoriquement de trop mauvaise qualité pour être recevables à cette fin.

L’accès aux opérations de refinancement de la BCE permettrait aux banques de faire de substantielles

Réuni depuis mercredi soir en Autriche, à Vienne, le conseil des gouverneurs de l’institution monétaire a sans surprise laissé le principal taux directeur de la BCE à zéro. Cela signifie que les banques peuvent se refinancer gratuitement auprès de la banque centrale.

Les analystes n’attendaient guère de mouvement sur ce front, alors que les taux avaient été abaissés en mars et stationnent depuis à leur plus bas niveau historique.

La banque centrale n’a pas non plus fait d’annonce sur la réactivation d’un régime de faveur pour les banques grecques, suspendu début 2015 sur fond de tensions entre Athènes et ses créanciers. Il permettrait aux établissements hellènes de se refinancer gratuitement auprès de la banque centrale en échange de titres de dette publique grecque.

Considérées comme des créances “douteuses”, les obligations émises par l’Etat grec sont à l’heure actuelle irrecevables comme garanties de ces financements. Les accepter à nouveau soulagerait le système bancaire grec, qui se finance actuellement au moyen de prêts d’urgence plus onéreux.

Beaucoup d’observateurs attendaient un geste de la BCE, après un accord récent entre Athènes et ses créanciers internationaux permettant le déblocage d’argent frais pour la Grèce en échange de réformes.

Eclaircissement ?

Outre le dossier grec, les observateurs seront attentifs aux prévisions actualisées de croissance et d’inflation des équipes de la banque centrale. C’est entre autres sur la base de ces pronostics que le conseil prend ses décisions de politique monétaire.

“Pour la première fois depuis très longtemps, la BCE va probablement dévoiler une révision à la hausse de ses attentes d’inflation”, souligne Marco Valli, d’Unicredit.

Sur le front des prix, la BCE est en échec depuis de longs mois: lestés par la chute des cours du pétrole, les prix à la consommation ont encore reculé en mai dans la zone euro, de 0,1% sur un an, après un repli de 0,2% en avril. Pour la BCE l’inflation idéale est “proche mais inférieure à 2%”.

Pourtant l’horizon pourrait bien s’éclaircir.

“La croissance en zone euro au premier trimestre a fait mieux que prévu et l’économie est finalement retournée à son niveau d’avant crise”, pointe Carsten Brzeski, chez ING. En redémarrant, l’activité entraîne généralement avec elle l’investissement, les salaires et par ricochet les prix.

Surtout, l’affaiblissement de l’euro par rapport au dollar – qui permet d’importer de l’inflation via des produits et services libellés en dollars – et la récente hausse des prix du pétrole pourraient faire repartir les prix, deux bonnes raisons pour le conseil des gouverneurs d’opter pour le statu-quo ce jeudi.

Appel à la patience

Et ce d’autant plus que l’institution a récemment élargi son soutien à l’économie en gonflant son vaste programme d’achats de dettes – de 60 à 80 milliards d’euros par mois -, en se déclarant prête à acheter des obligations d’entreprises, en accordant de nouveaux prêts géants aux banques (TLTRO II) et en abaissant encore ses taux d’intérêts. Le taux central directeur est à zéro depuis mars dernier.

Les rachats de dettes d’entreprises et les prêts aux banques ne sont pas encore concrétisés, et les banquiers centraux plaident pour leur laisser le temps de produire leurs effets.

Pour autant, le président Mario Draghi devrait répéter que son institution “est prête à user de tous les instruments disponibles dans le cadre de son mandat si nécessaire (…)”, estime Johannes Gareis, de Natixis.

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