La Banque du Japon se contente de demi-mesures

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Face au Brexit et autres incertitudes, la Banque du Japon a ajusté vendredi sa politique monétaire, mais ces inflexions mineures ont laissé sur leur faim les marchés deux jours après l’annonce d’un plan massif du gouvernement pour tenter d’insuffler un nouvel élan à l’économie.

Dans le trio des grandes banques centrales, la BoJ fermait le banc des premières réunions post-Brexit. Les attentes étaient grandes. L’offensive espérée n’a pas eu lieu.

La Bourse de Tokyo a aussitôt changé de direction et l’indice Nikkei chutait de 1,8% avant de se redresser à la clôture (+0,56%), tandis que le yen s’appréciait face au dollar.

A l’issue d’une réunion de deux jours, la BoJ a laissé le montant de son programme de rachat d’actifs inchangé, à 80.000 milliards de yens par an (690 milliards d’euros). Ces injections massives de liquidités dans le circuit économique visent à faire baisser les taux d’emprunt et ainsi stimuler l’activité.

Elle a en revanche décidé de doubler la part allouée aux fonds cotés en Bourse (ETF), ainsi qu’un programme de prêt en dollars américains pour “soutenir les activités des firmes japonaises à l’étranger”.

“Avec en toile de fond, le vote britannique et le ralentissement dans les économies émergentes, les incertitudes internationales ont augmenté et la volatilité se poursuit sur les marchés financiers”, écrit la banque centrale dans un communiqué.

La BoJ dit “espérer que ces mesures monétaires et les initiatives du gouvernement vont produire des effets de synergie sur l’économie”.

Après ces annonces, un sentiment mitigé régnait sur les marchés. Si ces mesures peuvent être considérées comme “une forme d’assouplissement monétaire”, “leur portée est très limitée”, a réagi Takahiro Sekido, analyste chez Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ. “La décision d’aujourd’hui apporte la preuve supplémentaire de la marge de manoeuvre restreinte de la BoJ”, a-t-il estimé.

Plus de trois ans après le lancement de la stratégie “abenomics”, censée revigorer la troisième économie du monde, le Premier ministre Shinzo Abe et M. Kuroda sont engagés dans une course contre la montre pour délivrer des résultats.

De nouvelles statistiques officielles, publiées vendredi, sont venues confirmer le manque de dynamisme de l’archipel: les prix à la consommation ont décliné en juin pour le quatrième mois consécutif (-0,5% sur un an), s’éloignant de l’objectif de 2% d’inflation, tandis que la consommation fléchissait encore. Quant aux entreprises, elles sont heurtées par le récent renforcement du yen.

‘Pris au piège’

Confronté à une fronde grandissante sur l’inefficacité de son action, le gouverneur de la BoJ a annoncé qu'”un examen approfondi” allait être mené.

Il est “dos au mur”, jugeait Tobias Harris, vice-président du cabinet d’études Teneo Intelligence, dans une note publiée avant la réunion. “Il est pris au piège de sa propre rhétorique (tout faire pour vaincre la déflation), des attentes des marchés et des contraintes politiques et techniques qui pèsent sur sa boîte à outils”.

Difficile en effet pour la banque centrale d’augmenter ses achats d’obligations d’Etat, alors qu’elle détient déjà plus de 30% de la dette publique du pays.

Autre option, jouer sur les taux d’intérêt négatifs, une pénalité instaurée fin janvier pour tenter d’inciter les banques à prêter de l’argent aux ménages et entreprises plutôt que de le déposer dans ses coffres. Mais “étant donné la polémique qui a entouré l’annonce de cette politique et des questions récurrentes à la fois sur son efficacité et son impact sur le secteur financier, cela paraît difficile de les abaisser”, avait pronostiqué M. Harris. La BoJ les a de fait maintenus à -0,1%.

Restait “le scénario radical de la monétisation de la dette”, souvent évoquée sous le vocable d’hélicoptère monétaire.

A l’origine, l’idée est de distribuer directement de l’argent aux ménages, mais pour être sûr qu’ils le dépensent, il peut être décidé de le transférer au gouvernement afin qu’il investisse dans des projets encourageant la demande, expliquait récemment un responsable de l’agence de notation Fitch.

M. Kuroda a néanmoins affiché à plusieurs reprises son opposition à ce concept controversé, arguant de l’indépendance de la banque centrale. Et l’audacieux gouverneur, qui aime surprendre, est cette fois resté fidèle à ses propos.

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