L’or est-il encore vraiment une valeur refuge ?

© istock

Fin juin, le prix de l’or chutait à son niveau le plus bas depuis plus de cinq ans. Comment l’expliquer alors que le métal jaune est généralement considéré comme LA valeur refuge en cas de tempête financière ?

Après deux années successives de dévalorisation, le métal jaune a su sauver les apparences au premier semestre en affichant un faible rendement positif (en dollar américain). Mais depuis que le niveau plancher précédent de novembre 2014 a été crevé, le prix de l’once d’or dégringole sans cesse et a chuté sous le barre des 1.100 dollars pour la première fois depuis février 2010.

Etonnant à première vue mais pas vraiment. La crise grecque, le boycott économique de la Russie et le ralentissement de la croissance en Chine et dans d’autres pays émergents sont quelques-uns des phénomènes géopolitiques et économiques qui devraient, logiquement, pousser le prix de l’or à la hausse. Cela n’a pas été le cas.

Pire : l’or n’a joué son rôle de valeur refuge dans aucun des atermoiements financiers de ces cinq dernières années. Lorsque la crise a éclaté en 2008, le prix du métal jaune a plongé à 700 dollars avant de rebondir assez vite. S’en sont suivies plusieurs années de vaches grasses et le record de 1.923 dollars en septembre 2011. Depuis lors, le prix est en chute libre et la fin du tunnel n’est toujours pas en vue. Les analystes ne cessent de revoir à la baisse leurs prévisions déjà pessimistes pour l’année en cours et l’an prochain.

Bloomberg Commodity au plus bas depuis 13 ans

D’un autre côté, la chute du prix de l’or n’a rien de vraiment exceptionnel. Le prix de toutes les matières premières est sous pression cette année. L’indice Bloomberg Commodity est retombé à son niveau le plus bas depuis 13 ans.

Comparé aux autres métaux précieux et non précieux, l’or ne s’en sort pas si mal tout compte fait. Il a perdu près de 8 % de sa valeur depuis le début de l’année contre -19 % pour le platine, -22 % pour le palladium, – 12 % pour l’aluminium, -16 % pour le cuivre et -24 % pour le nickel.

Outre le malaise général sur les marchés des matières premières, la vigueur du dollar américain et l’anticipation d’un resserrement monétaire aux Etats-Unis sont les facteurs le plus souvent invoqués pour expliquer le tassement du prix de l’or. La devise américaine est repartie à la hausse après une légère pause, mauvaise nouvelle pour toutes les matières premières négociées en dollars.

Le dollar s’est en quelque sorte substitué à l’or dans son rôle de valeur refuge. Ce qui est parfaitement compréhensible du point de vue des investisseurs car le marché des obligations d’Etat américaines est le plus liquide du monde. Peu importe pour le marché, la relative fragilité des fondations du billet vert. Suite aux programmes successifs d’assouplissement quantitatif visant à endiguer la crise économique et à remettre l’économie sur les rails, le bilan total de la banque centrale américaine est passé de 900 milliards à 4.500 milliards de dollars depuis juillet 2008. Une grande partie sous forme d’hypothèques et d’obligations d’Etat.

Plus surprenant — et ce n’est pas la première fois — l’exécution d’importants ordres de vente sur un marché vide (faibles liquidités), d’où d’importantes variations de prix à court terme. Hormis les exploitants de mines, l’augmentation du prix de l’or ne fait pas l’affaire de grand monde. Les investisseurs spéculatifs misent actuellement sur les contrats à terme (autrement dit spéculent sur une nouvelle baisse des prix) tandis que les acheteurs d’or physique (plusieurs banques centrales et investisseurs privés) voient plutôt d’un bon oeil la persistance de prix peu élevés.

A court terme, le faible attrait de l’or pousse également les prix à la baisse. A moins d’une rupture totale de confiance dans le système financier, un risque latent qui menace tôt ou tard tout système fiduciaire (= non couvert), une offensive sur les prix record de 2011 n’est pas pour demain.

KOEN LAUWERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content