L’audit des banques espagnoles sert-il à quelque chose?

© Reuters

Après plusieurs audits et des mois d’attente, on ne connait toujours pas les vrais besoins des banques espagnoles. D’une expertise à l’autre, les résultats varient du simple au double.

L’Europe a bien fait de prévoir une enveloppe large – 100 milliards d’euros – pour les banques espagnoles. Car malgré les multiples audits, le flou demeure sur l’ampleur des recapitalisations à mener. Explications.

L’audit le plus récent, réalisé par le cabinet américain Oliver Wyman a chiffré vendredi dernier à 59,3 milliards d’euros les besoins des banques du pays, fragilisées par l’éclatement de la bulle immobilière. Ce montant descend même à 53,7 milliards si l’on tient compte des processus de fusion en cours et de certains effets fiscaux, expliquent les auteurs de l’étude. Ces chiffres sont cohérents avec ceux du cabinet Oliver Wyman (51 à 62 milliards) et ceux du cabinet Roland Berger (51,8 milliards) publiés fin juin.

Des estimations qui varient du simple au double

Mais d’autres estimations circulent et elles sont bien plus alarmantes. L’agence de notation Moody’s vient d’évaluer les besoins des banques espagnoles entre 70 et 105 milliards. La Deutsche Bank, de son côté, maintient son estimation de 75 milliards, malgré l’audit récent du cabinet Oliver Wyman. Enfin, les experts d’Amundi Asset Management préviennent : l’enveloppe de 100 milliards, qui avait semblé dans un premier temps très amplement suffisante, pourrait s’avérer insuffisante si la récession s’aggrave !

Bref, malgré la succession d’audits, l’estimation du besoin en capital des banques espagnoles continue de varier du simple au double. Comme si l’auscultation des établissements financiers ne servait à rien. Les cabinets qui réalisent ces travaux manqueraient-ils de crédibilité ? Non, explique un économiste. Ces cabinets ont été choisis pour leur sérieux et leur indépendance. Le problème, c’est qu’il est extrêmement difficile de mener à bien des stress tests.

En effet, ces derniers dépendent, comme le budget 2013 de la France, de plusieurs hypothèses. Exemples : quelle sera l’évolution de l’activité de la banque ? Quelle sera l’évolution de la valeur des titres qu’elle détient ? Dans quelle mesure le marché de l’immobilier espagnol va-t-il encore plomber les bilans des banques en 2013 ? Répondre à ces questions de manière précise et juste est très compliqué. Or le choix d’une hypothèse plutôt qu’une autre, change radicalement la conclusion du stress test.

Une expérience douloureuse en 2010

L’Europe en a fait la douloureuse expérience en 2010. A l’époque, seules 7 banques sur 91 avaient été déclarées trop fragiles (5 caisses d’épargne espagnoles, 1 landesbank allemande et 1 banque grecque) après une série de stress tests. On sait aujourd’hui que ces stress tests étaient basés sur de mauvaises hypothèses. Leurs conclusions avaient été invalidées en à peine quelques mois avec l’effondrement du système bancaire irlandais ou les difficultés rencontrées par Dexia.

Autre problème pour mener à bien un stress test, les marchés ont besoin d’être rassurés, ce qui tend à alourdir la facture pour les banques. En juin dernier, le FMI avait chiffré à au moins 40 milliards les besoins de recapitalisation des banques espagnoles, mais il avait aussi prévenu qu’il faudrait sans doute une somme une fois et demie à deux fois supérieure (donc 60 à 80 milliards) pour rassurer les marchés.

Pour l’heure, le gouvernement espagnol s’en tient aux estimations les plus favorables. Selon lui, ses banques auraient besoin de 62 milliards d’euros au maximum. Madrid espère que ce montant tombera à 40 milliards si les banques parviennent à régler une partie de la note en empruntant sur les marchés où en vendant une partie de leurs titres à une structure de défaisance. Cette situation idéale permettrait au gouvernement espagnol d’aider ses banques et de conserver 60 milliards (sur les 100 promis par l’Europe) pour renflouer ses caisses. Mais le pari est risqué. Il suffirait que la crise européenne s’agrave de nouveau pour que les plans de Madrid tombent à l’eau.


Par Sébastien Julian, L’Expansion

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