“Je comprends que les banques soient plus regardantes qu’avant”

Les banques continuent à jouer leur rôle mais il y a plus de balises qu’avant, prévient Alain Devos, qui vient de quitter la direction d’AG Real Estate : “Les entreprises qui doivent se financer ou se refinancer ne doivent plus miser seulement sur les crédits bancaires pour le faire.”

Lisez l’intégralité de cette interview dans le magazine Trends-Tendances daté du 3 mai 2012.

Alain Devos, ex-CEO d’AG Real Estate (ex-Fortis Real Estate), est l’un des grands patrons les plus respectés du secteur immobilier. Le remplacer n’a pas été une mince affaire. Si son départ laissera un vide, il confie, même s’il souhaite prendre des distances et nourrir sa vie d’autre chose que de briques, ne pas vouloir tourner totalement la page. On le reverra donc encore au pilotage de la sicafi Befimmo… et sans doute ailleurs. Où ? “Il est encore trop tôt pour le dire. Nulle part en tout cas où je serais en concurrence avec mon ancien employeur.” Morceaux choisis de cet entretien-bilan.

Certains disent que vous, les assureurs, jouez de plus en plus le rôle des banques…

C’est un phénomène nouveau inhérent au problème de raréfaction de liquidités et de nouvelles contraintes en matière d’allocation de ces liquidités. Les compagnies d’assurances n’ont pas ce problème et disposent de moyens importants. On vient spontanément nous consulter pour financer certaines opérations car certains acteurs trouvent plus difficilement leurs financements auprès des organismes bancaires. Au coup par coup, on analyse alors la situation qui peut déboucher sur des partenariats.

Vous avez fait allusion aux banques. Comment percevez-vous leur rôle aujourd’hui ? Le jouent-elles encore ?

Les banques continuent à jouer leur rôle mais il y a plus de balises qu’avant. Les entreprises qui doivent se financer ou se refinancer ne doivent plus miser seulement sur les crédits bancaires pour le faire. Elles montent des opérations pour trouver l’argent d’une autre manière en faisant des opérations de marché plus souvent qu’auparavant. Plutôt que d’aller uniquement vers les banques, comme cela se faisait avant, on sollicite le marché. De grandes sicafi l’ont d’ailleurs fait récemment. Recourir aux augmentations de capital dans une conjoncture incertaine, cela ne se fait pas par choix : c’est plus facile d’avoir une ligne bilatérale avec une banque et de la reconduire…

Cette raréfaction des financements bancaires vous semble-t-elle normale ?

Je comprends qu’elles soient plus regardantes que par le passé en tout cas. Parallèlement, elles ont augmenté leurs marges pour des raisons de rentabilité en jouant sur des taux d’intérêt bas pour rester dans des conditions financières globalement acceptables. Si les taux d’intérêt devaient repartir à la hausse, ce serait encore plus préoccupant. De plus, tout se resserre : les montants, les marges, les clauses de sortie. Mais quand on a plusieurs banquiers historiques avec lesquels on a construit des relations durables, cela reste gérable. Heureusement.

Vous avez confié que la chute de Fortis avait été le moment le plus difficile de votre carrière. A présent que vous avez le recul et la distance nécessaires, pouvez-vous vous expliquer ?

J’ai eu, tout au début de ma carrière, un patron qui me parlait souvent de faire attention aux “colosses aux pieds d’argile”. Quand on n’a pas vécu de l’intérieur l’aventure qu’on a vécue avec Fortis, on ne comprend pas toute la portée de cette métaphore. Elle m’est revenue plusieurs fois à l’esprit pendant la débâcle et le démantèlement de Fortis. Par définition, pour le commun des mortels, la banque, c’était quelque chose de quasi inoxydable.

Propos recueillis par Alain Devos

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