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“Il faut revenir à la banque au service de tous”

La légende veut que les investisseurs se privent de sommes dont ils disposent et doivent légitimement être rémunérés pour le sacrifice qu’ils consentent. Or, s’il s’agissait pour eux ou elles véritablement d’un sacrifice, gageons qu’ils n’y consentiraient pas et que ces sommes seraient utilisées pour satisfaire par priorité un besoin qui est véritablement le leur.

Si sacrifice il y a, il est bien plus probable qu’il se trouve du côté des emprunteurs, car ceux-ci, ayant rarement le loisir de faire autrement que d’emprunter, sacrifient les heures de travail qui devront être effectuées pour parvenir à s’acquitter des intérêts qui devront être versés, véritable hypothèque sur leur avenir.

Si l’on veut bien y réfléchir un moment, s’engager à rétribuer ceux qui disposent de sommes en sus de ce qui leur est nécessaire, aux dépens de ceux qui au contraire ne disposent pas eux de surplus, est un choix de société où le plus fort est récompensé au détriment du plus faible. Chose qui est donc très loin d’aller de soi.

C’est à l’oubli ou à la distraction seulement que l’on doit qu’une distinction – que chacun avait à l’esprit autrefois ait cessé d’être faite entre des versements d’intérêts ou de dividendes. Ceux-ci représenteront une part de nouvelle richesse créée à partir des capitaux qui ont été prêtés, comme c’est le cas dans le crédit aux entreprises, et des flux d’intérêts résultant de l’hypothèque d’heures de travail à effectuer à l’avenir. Dans le premier cas, c’est la croissance économique qui veillera à ce que le montant des versements soit trouvé, alors que dans le second, dans le crédit à la consommation, ou dans le crédit local veillant à l’entretien des collectivités, le soin de réunir les montants nécessaires a été confié au labeur et aux soucis qui l’accompagnent immanquablement.

Faisons de Belfius le laboratoire d’une finance ayant retrouvé le rôle qui n’aurait jamais dû cesser d’être le sien, d’authentique système sanguin de l’économie.

A l’automne 2008 et dans le sillage de l’effondrement généralisé du système financier dû aux subprimes, l’Etat est intervenu comme financier de dernier ressort au moment où les intérêts privés avaient fait la preuve de leur incapacité à veiller encore à l’intérêt général. Il a eu raison bien entendu. Il lui est cependant reproché aujourd’hui de se mêler de ce qui ne le regarde pas en demeurant propriétaire de banque. Peut-être, mais combien d’années, voire seulement de mois, avant que la ” main invisible ” du marché fasse la preuve une fois encore de son inaptitude occasionnelle ? Plus accusateur encore, on entend dire parfois : ” Les banques publiques ne font guère mieux que les autres ! “, en oubliant – de bonne ou peut-être de mauvaise foi – que cette mauvaise gestion n’a débuté que lorsque le dogme de la concurrence salvatrice a été inscrit dans les traités où il a remplacé le constat des bienfaits de la solidarité, dont l’évidence prévalait jusque-là. Oui, en effet, lorsque les banques publiques ont été forcées – ô Dexia ! – à mettre elles aussi l’obsession du profit au premier rang de leurs priorités, au détriment de l’intérêt général, elles n’ont pas pu faire mieux que le secteur privé.

Souvenons-nous que nul ne songeait à stigmatiser le Crédit communal en son temps. Et dans le cas du sauvetage de la part de Dexia devenue Belfius, l’argent de l’Etat – celui du contribuable -, s’est retrouvé là où il aurait logiquement toujours dû l’être. Prenons bien soin qu’il y reste, et profitons-en pour nous souvenir que le prêt à la consommation et aux collectivités relève d’un service public tentant de parer partiellement aux injustices dans la répartition des richesses. Rien ne vient justifier de contribuer davantage encore à la concentration des richesses en retirant à la communauté ce qui lui est revenu à la suite d’une catastrophe dont la responsabilité est entièrement attribuable aux initiatives privées. Voyons-y plutôt le germe d’un type de finance au service de tous redevenu possible et protégé du fléau de la spéculation, source, comme nous ne pouvons l’ignorer depuis 2008, de risque systémique potentiellement cataclysmique. Faisons de Belfius le laboratoire d’une finance ayant retrouvé le rôle qui n’aurait jamais dû cesser d’être le sien, d’authentique système sanguin de l’économie.

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